Autant que j’en puis juger, à Londres, par la lecture des journaux socialistes français, l’avant-garde du prolétariat parisien se préoccupe. beaucoup, depuis quelques semaines, de l’attitude que doit et que devra observer le parti révolutionnaire. en prévision et dans le cas d’une guerre internationale.
Que faire pour empêcher d’éclater le conflit dont nous sommes menacés et qui, de l’avis de touas barrerait pour longtemps la route au progrès social ? Que faire, si nos efforts ne parviennent pas a couper court aux velléités belliqueuses des carnassiers gouvernementaux ?
Telle est la double question qu’on se pose en ce moment au camp de la Sociale, un peu tard, avouons le ; a temps encore, nous l’espérons.
Question — hâtons-nous de le dire — résolue, hélas ! de façons diverses, selon le tempérament de chaque militant, le degré de patriotisme ou de cosmopolitisme qui l’anime, et les idées générales du groupement auquel il appartient !
Tandis que les uns, se bornant a la protestation préalable, a l’affirmation solennelle de l’union des peuples et des race, estiment qu’il est du devoir des déshérités de France de se résigner a faire le coup de feu contre leurs frères d’outre-Vosges, afin d’empêcher, disent ils, l’écrasement de la République et de sauvegarder le peu de libertés dont nous jouissons les autres, considérant que les miséreux d’en deçà du Rhin n’ont rien a gagner a la conservation de cette République d’étiquette, et qu’il importe avant tout de ne point déroger aux principes internationalistes en se prêtant aux combinaisons sanguinaires des classes dominantes, les autres, dis-je, décident hautement que la logique et la conscience commandant aux militants socialistes de dresser, au premier coup de canon, des deux côtés de la frontière, le drapeau de l’insurrection.
Je m’abstiendrai d’exprimer, dans ce journal mes sentiments personnels sur la matière ; je les ai, d’ailleurs, suffisamment fait connaître dans maints articles, ainsi que dans une brochure publiée, il y a trois ans, à Bruxelles, pour qu’on ne puisse m’accuser d’indécision, de prudence ou de tergiversation.
Mais je me permettrai d’indiquer, on plutôt d’appuyer ici un mode de solution, qui est venu à la pensée des membres de l’Union des socialistes pour l’action révolutionnaire, et qui fait l’objet d’une circulaire adressée par eux à tous les groupes communistes de France et de l’étranger.
— « Ne seriez-vous pas, demandent nos camarades, disposés à vous faire représenter à un congrès international que nous allons organiser, où l’on traitera ces questions ? »
« 1° Des moyen à employer pour empêcher la guerre. »
« 2° De l’attitude des socialistes, si l’on passe outre à leurs protestations ? »
Voilà, selon moi, un projet qui doit réunir les suffrages de tous les convaincus. Ses auteurs, avec un sens exact de la situation. ont mit le doigt sur le traitement préventif du redoutable mal qui guette une partie de l’Europe, et peut-être — cela dépendra des résolutions du Congrès — sur le moyen de tirer partie du fléau, si, malgré notre énergique intervention, il vient à se déclarer !
Qui, en effet, dans nos rangs. ne se rallierait à cette motion rationnelle et féconde ? À l’heure ou la sécurité de deux peuples — et, sans doute, de plusieurs autres aussi — est fortement compromise ; à l’heure où une situation économique intenable accule les hommes d’État pris d’effroi à l’extermination des mécontents ; à l’heure où, plutôt que de donner du pain aux affamés de l’ordre capitaliste, on les pousse à s’entre-décimer par le plomb, quelle est la voix qui s’élèverait, parmi nous, pour déclare inopportune ou inutile la convocation de ce Congrès des Nations ?
Délibérer, prendre des décisions au sein des groupes, voire dans des réunions publiques, est bien ; mais planter carrément la question, à la face de l’Europe financière et dirigeante, dans de retentissantes assises internationales, sera mieux.
Je dirai plus : nous devons aux idées d’émancipation sociale que nous défendons, nous devons à la gloire et au salut de la Révolution dont nous nous sommes faits les soldats, d’offrir au Monde, à l’Histoire. à l’Avenir ce spectacle grandiose : les prolétaires de tous pays se réunissant, au moment où l’on se dispose à les broyer les uns contre les autres, afin d’affirmer leur solidarité, leur communauté de sentiments, d’intérêts et d’aspirations, et de prendre les mesures nécessaires pour rendre impossible le choc anti-fraternel qu’au mépris des lois de l’humanité, trament leurs potentats !
Et qui sait ? Des grandes assemblées populaires jaillissent parfois des éclairs imprévus. Qui peut affirmer que, de ce meeting universel, ne s’échappera pas l’idée révélatrice, le mot d’ordre décisif, l’étincelle suprême ?
Lucien Pemjean