En annonçant — tardivement — l’apparition de l’Autonomie Individuelle, le Révolté semble regretter que nous repoussons tout programme et est heureux de nous voir adopter un plan d’études ce qui lui paraît être la même chose.
Cette opinion de notre compagnon de lutte n’est que vraisemblable, car en effet, pour l’ouvrier de la plume, se tracer un plan d’études n’est pas faire un programme. Un programme, c’est un engagement paragraphé que l’on se propose de remplir, une chose que l’on veut réaliser, non pour soi mais pour d’autres. Au théâtre comme aux courses, il y a un programme pour les comédiens ou les jockeys, mais pour les spectateurs, sans l’annonce-réclame c’est-à-dire sans le programme, personne ne s’y rendrait. En politique les candidats sans programme, embarrasseraient fort les électeurs, ceux-ci n’en seraient sans doute pas moins dupés, mais ils seraient bien gênés pour choisir, aussi est-ce le plus offrant qui l’emporte le plus souvent ; le programme encore c’est un catéchisme que l’on ânonne ou rappelle en tout et partout, c’est aussi une discipline que l’on s’impose, ce que les anarchistes ne peuvent accepter, quel qu’en soit le prétexte, et cela est si vrai qu’il nous souvient que nos amis du Révolté se sont élevés maintes fois contre les faiseurs de programmes de toutes tailles. La méthode expérimentale, critérium des profondes et savantes études que nos amis font depuis huit ans a pu leur montrer qu’ils s’étaient trompés, mais pour nous qui venons de naître, il n’en est pas de même ; bercés de douces illusions et animés du plus ardent désir d’être libres, nous ne nous forgerons pas d’entraves, pas de programme, nous nous sommes tracé un plan d’études pour nous seulement, puisque nous pouvons faire autrement. Nous l’avons fait, nous travailleurs de la plume comme l’ouvrier de l’usine arrange méthodiquement dans sa pensée les diverses opérations nécessaires â l’exécution de l’ouvrage qui lui est confiée.
J.-B. Louiche