C’est de M. Edmond Briat qu’il s’agit !
En effet, si des protestations un peu sérieuses ne se produisent pas, la candidature de M. Edmond Briat sera annoncée dans la circonscription de Plaisance du XIVe arrondissement.
Sans attendre que cette stupéfiante nouvelle nous soit confirmée, il convient d’examiner ici sommairement les titres du candidat de demain. Et ils ne sont pas minces comme on va le voir.
Edmond Briat fut, pendant une bonne douzaine d’années secrétaire « général » ! du Syndicat des ouvriers en instruments de précision, qu’il quitta il y a environ un an, pour la plus grasse sinécure de « Secrétaire » de la Chambre consultative des Associations de production.
À la Bourse du Travail, où sa belle prestance en imposa de tous temps aux gardiens, larbins du préfet, Briat joua un rôle qu’il n’est pas inutile de rappeler.
Sans remonter plus haut, personne n’ignorait et n’ignore plus aujourd’hui qu’il fut l’agent de Millerand à l’immeuble de la rue du Château d’Eau, lorsque celui-ci escalada les marches du pouvoir.
Ce qu’il déploya, à l’époque, de diplomatie pour entraîner les Syndicats derrière la barque à Millerand est incroyable, et certains d’entre nous se rappellent encore combien il fallut batailler dur à l’Union des Syndicats pour réagir contre le réformisme Millerandiste et son agent Briat.
C’est l’époque où les membres de la Commission administrative de la Bourse du travail recevait chez eux sous plis à en-tête de ministère, des mains d’un garde municipal à cheval, des invitations aux garden party ministériels.
Briat, naturellement, n’en ratait pas un. Dans les salons de la rue de Grenelle, il « figurait » l’ouvrier. L’on assure aussi que c’est lui-même qui renseignait le ministre sur les « camarades » à inviter… et à corrompre.
C’est également lui qui se démena pour entraîner les Syndicats parisiens au Triomphe de la République, d’historique mémoire.
Lors du 14 Juillet, c’est lui, toujours lui, qui distribuait les cartes pour la « Revue ».
En récompense, Millerand le nomina « au choix » membre du Conseil supérieur du Travail, comme « Secrétaire de la Commission administrative de la Bourse », ce qui était faux.
Malgré toutes ces manœuvres, malgré son astuce et sa duplicité, Briat ne parvint cependant pas à entraîner les Syndicats parisiens dans les eaux réformistes de M. Millerand.
Fort heureusement, ceux-ci secouèrent le joug à temps et Briat et ses amis furent balancés de la Commission administrative.
C’est à partir de ce jour, du reste, que l’administration préfectorale mit toutes les entraves possibles à la gestion de la Bourse par les Syndicats eux-mêmes.
Briat se vengeait comme il savait et comme il pouvait.
Depuis, son étoile a pâli dans les milieux syndicaux et il ne s’employa plus alors que dans les hautes sphères gouvernementales.
Chaque fois qu’il y eut une grande Commission à nommer, le Gouvernement choisit Briat pour y figurer « l’élément ouvrier ». C’est ainsi qu’il devint le collègue du procureur général Bulot, dans une Commission dite de « révision du Code civil », etc., etc.
Par quels trucs, quelles intrigues, Briat réussit-il à se faire nommer membre du Conseil supérieur du travail Par 37 Bourses sur 120 ? C’est un chapitre qui serait trop long à développer, presque aussi long que les rapports qu’il signa comme tel, mais dont il ignorait le contenu.
Au Musée Social ou dans les diverses combinaisons pour la protection légale des travailleurs, dont il est membre ou vice-président, à côté des plus notoires réactionnaires — tel l’ancien préfet du Nord des assassinats de Fourmies — Briat continue à jouer l’élément ouvrier.
Eh voyage, il se transforme en agent du nationaliste Doumer, dont on peut admirer le portrait plus que grandeur nature, dans son bureau du boulevard Sébastopol, siège de la Chambre consultative des Associations ouvrières de production. C’est que Doumer est le « grand protecteur » du bluff coopératif, et Briat aime à se vanter de l’amitié dont l’honore le plat politicien radical qu’est l’ex-vice-roi d’Indo-Chine.
Le réformiste Millerand et le nationaliste Doumer, tels sont donc les grands protecteurs de cet étrange « candidat du Parti ».
Et nous défions bien qu’on nous contredise.
Bien entendu, Briat comme tout arriviste qui se respecte, est franc-maçon, et comme Biétry, dont il a le physique, il prêche à sa « loge » l’entente entre le capital et le travail, chère aux exploiteurs et aux ex-ouvriers parvenus.
Dans le XVIe arrondissement enfin, Briat fait partie de toutes les Dotations de la Jeunesse de France et autres machines à endormir le populo plus ou moins radicalo-philanthropique.
Tel est l’homme que le Parti « choisit » comme candidat aux élections municipales dans l’une des circonscriptions parisiennes à « conquérir ».
Mais la façon dont le bonhomme a été désigné comme « candidat du Parti » n’est pas la chose la moins amusante.
Son esprit d’intrigue et sa longue pratique des petites « combinaisons » s’y sont déployés une fois de plus dans toute leur splendeur.
Nous y reviendrons. Cela vaut la peine d’être conté.
P. Delesalle