La Presse Anarchiste

Le conseil national du Parti Socialiste

De la dernière séance du Con­seil Nation­al du Par­ti Social­iste (19 jan­vi­er), nous n’avons pas à étudi­er ici la par­tie qui con­cerne le rap­port de la C.A.P., le vote du bud­get du C.N., la rédac­tion du Pro­gramme Munic­i­pal : besognes par­lemen­taires qui ne con­cer­nent point l’action directe.

Mais nous avons à exam­in­er les attaques pas­sion­nées que la total­ité du Par­ti, sans dis­tinc­tion de ten­dances, dirigeait en cette mémorable séance con­tre la petite secte gues­diste et la pau­vre Fédéra­tion du Nord, qu’elle étouffe et régente.

Car, c’est cette secte gues­diste qui, non con­tente d’en­traver le développe­ment du Par­ti, pré­pare, depuis des mois, aux syn­di­cats ses plus savantes embûch­es ; elle voudrait étouf­fer en eux tout esprit révo­lu­tion­naire, et les assu­jet­tir à ses officines élec­torales, ain­si que cela se passe en Angleterre.

Affaire Breton

Tout le monde la con­naît : Bre­ton doit être exclu parce qu’il a voté l’ensem­ble du budget.

Bre­ton se défendit selon la bonne méth­ode : il attaqua, et tous les révo­lu­tion­naires suiv­ront avec intérêt son argu­men­ta­tion et celle de ses amis, car ils y établiront claire­ment que partout et tou­jours le Par­ti Social­iste a été un par­ti élec­toral, et qu’il est absurde — ou hyp­ocrite — de lui attribuer un rôle de trans­for­ma­tion sociale révolutionnaire.

Si nous venons de voir la Social Démoc­ra­tie alle­mande ameuter la foule dans les rues de Berlin, remar­quons bien que ce n’est pas en faveur d’une reven­di­ca­tion ouvrière, comme la Journée de Huit Heures, mais pour le Suf­frage Uni­versel, réforme politi­ci­enne pour l’ob­ten­tion de laque­lle les social­istes marchent d’ac­cord avec la qua­si total­ité de la bour­geoisie prussienne.

Jamais les députés social­istes n’ont fait et n’ont pu faire, de la lutte de classe dans le Par­lement. Leur rôle — mod­este, mais utile, — est d’a­mender les lois pro­posées par les bour­geois dans un sens favor­able à l’amélio­ra­tion des con­di­tions de lutte de la classe ouvrière.

Bre­ton a rap­pelé à Gues­de le temps où le même Gues­de accor­dait au min­istère Bour­geois des votes de con­fi­ance, et où il votait con­tre l’ab­ro­ga­tion des lois scélérates.

J’ai voté l’ensem­ble du bud­get, dit Bre­ton, parce qu’il impli­quait la réduc­tion des vingt-huit jours, comme vous avez voté la loi du ser­vice de deux ans, bien que cette loi, en y regar­dant bien, con­fir­mait en France l’ex­is­tence du mil­i­tarisme et des con­seils de guerre.

Je suis un par­ti­san impéni­tent du Bloc répub­li­cain, mais les députés social­istes qui se dis­ent révo­lu­tion­naires n’ap­par­ti­en­nent-ils pas à des groupe­ments bour­geois, comme la Franc-Maçon­ner­ie, la Ligue des Droits de l’Homme et l’As­so­ci­a­tion Inter­na­tionale pour la pro­tec­tion légale des travailleurs ?

Le député révo­lu­tion­naire qui m’a attaqué devant le Con­seil Fédéral de la Seine est le même qui a célébré son élec­tion par un ban­quet sous la prési­dence du rad­i­cal Berteaux.

Varenne fut logi­cien. Vous autres, dit-il, qui pré­ten­dez que Bre­ton dis­crédite le Par­ti, ne croyez-vous pas qu’il y a une autre manière de le dis­créditer davan­tage ? Les gues­distes déclar­ent qu’au­cune réforme, petite ou grande, n’est pos­si­ble. À quoi donc sert votre groupe par­lemen­taire : qu’il quitte la Cham­bre, s’il y est impuis­sant, et don­nez donc rai­son en toute logique à ceux d’en­tre nous qui sont syn­di­cal­istes et lais­sez faire la trans­for­ma­tion sociale aux syn­di­cats, sans con­quête des pou­voirs publics ?

C’est assez jeter le dis­crédit sur nous, réformistes : ce ne sont pas les députés que l’on dit réformistes qui usent le plus les ban­quettes des anticham­bres ministérielles !

Jau­rès, quand vint son tour, rap­pelle que la Social-Démoc­ra­tie alle­mande n’avait jamais exclu ceux de ses mem­bres qui votèrent les bud­gets des Land­tags de Bade. De Hesse et de Bav­ière, et que la rançon du Con­grès de Stuttgart fut le vote, par les social-démoc­rates wurtem­ber­geois, du bud­get royal.

Il rap­pela qu’au lende­main des dernières élec­tions, le groupe social­iste autrichien alla en corps, avec les autres mem­bres du Par­lement, à la Hof­burg, présen­ter ses hom­mages à l’Em­pereur François-Joseph , qui s’é­tait per­son­nelle­ment employé à l’établisse:ment du Suf­frage Uni­versel en Autriche.

Cepen­dant quelque futile, quelque pla­tonique que soit le refus de l’ensem­ble du bud­get, Bre­ton a eu tort d’en­frein­dre le règle­ment’ du Par­ti que nous avons fait nous-mêmes, que nous avons libre­ment accepté.

« Respec­tons la dis­ci­pliné de Par­ti. À l’in­térieur du Par­ti et avec lui, nous pou­vons beau­coup obtenir ; en dehors de lui, nous ne sommes qu’une feuille morte. »

Hervé vint à son tour :

Bre­ton est blâmable, dit-il, mais les gues­distes sont-ils qual­i­fiés pour l’ex­clure, eux qui con­ser­vent Basly et Goni­aux, eux qui con­ser­vent le Dele­salle du Réveil du Nord, parce qu’ils ont besoin de son tor­chon pour leurs suc­cès électoraux ?

J’ad­mire le Con­seil Nation­al qui dis­cute ces chi­nois­eries, tan­dis que pas une seule fédéra­tion n’a songé à met­tre à l’or­dre du jour la ques­tion du Maroc : vous n’avez pas seule­ment per­du tout sens poli­tique, vous avez per­du aus­si le sens du ridicule.

Affaire d’Armentières

Elle touchait les gues­distes du Nord dans leurs œuvres vives.

On nous rabat les oreilles des « puis­santes organ­i­sa­tions » du Nord. Déjà Mer­rheim, à Amiens, avait établi que l’ac­tion syn­di­cale des gues­distes du Nord s’é­tait man­i­festée par la pul­lu­la­tion des jaunes. La ville sainte, la Mecque, Roubaix, compte à elle seule une cen­taine de syn­di­cats jaunes.

Delo­ry est venu avouer que la Fédéra­tion du Nord vit de la ris­tourne que lui con­sen­tent les coopéra­tives, et Ducos lui répon­dit car­ré­ment que l’on pou­vait bien croire que c’est avec le pro­duit de la vente de l’épicerie et de la boulan­gerie que le Nord achète ses cartes et tim­bres au Par­ti, d’au­tant plus que ses bud­gets fédéraux de Loos et de Somain n’indiquent pas le pro­duit exact des coti­sa­tions par cartes et timbres.

Le Nord annonce 9,000 mil­i­tants, mais qui nous dit que ces mil­i­tants ne sont pas, en par­tie imag­i­naires ? Notez ceci, par­ti­sans de la représen­ta­tion proportionnelle.

Inutile de déballer le linge sale d’Ar­men­tières. Bor­no­ns-nous à enreg­istr­er que la méth­ode gues­diste d’en­tente des syn­di­cats et des groupes élec­toraux, que l’e­sprit autori­taire et cen­tral­isa­teur gues­diste ont eu ce résultat :

Il existe à Armen­tières deux groupes, l’un gues­diste, l’autre anti-gues­diste, et, en con­séquence, deux coopéra­tives et deux syn­di­cats tex­tiles.

Vous lisez bien : deux syn­di­cats con­cur­rents.

Épin­glez… et souvenez-vous

A. Bruck­ère