La Presse Anarchiste

Actions du travail : aveu patronal

Dans les ÉTUDES PROFESSIONNELLES, la revue d’é­tudes de Messieurs les Entre­pre­neurs du Bâti­ment, M. Malepeyre, s’in­spi­rant du dis­cours du Neubourg, étudie une nou­velle forme de paci­fi­ca­tion qu’il bap­tise actions du tra­vail. Nous savons trop, par les quelques exem­ples que nous en avons, quelle duperie et quel dan­ger pour la classe ouvrière est la par­tic­i­pa­tion aux béné­fices. C’est pourquoi nous en sommes les adver­saires quelque forme qu’elle revête. C’est la créa­tion d’une caté­gorie de petits priv­ilégiés, aveuglés par les miettes du fes­tin, une nou­velle couche tam­pon que le cap­i­tal voudrait plac­er entre le pro­lé­tari­at et lui. Mais notons en pas­sant cet aveu intéres­sant à cueil­lir dans un organe patronal :

Il n’est pas exact de dire que seuls l’en­tre­pre­neur et le cap­i­tal­iste courent des risques. Le tra­vail, non seule­ment par­ticipe à ses risques, dont le plus grave est la ces­sa­tion du tra­vail, si l’in­dus­trie péri­clite, mais il a ses risques pro­pres, ceux-ci très graves, si graves même et si fréquents, que le lég­is­la­teur s’est vu for­cé d’or­gan­is­er une garantie for­faitaire au prof­it des tra­vailleurs. Mais la loi le 1898 n’a fait qu’at­ténuer ces risques ; il en sub­siste d’autres, tels que la fatigue, l’usure, les mal­adies pro­fes­sion­nelles qui sont la con­séquence directe du tra­vail et lui sont lais­sées à sa charge.

Le tra­vail est donc un élé­ment indis­pens­able de l’en­tre­prise ; il court les risques inhérents à l’en­tre­prise et des risques pro­pres causés par l’en­tre­prise, et il paraît dif­fi­cile de soutenir, alors qu’il sup­porte de telles éven­tu­al­ités, qu’il ne doive pas par­ticiper aux béné­fices. Sans doute, le salaire fixe est une rémunéra­tion con­stante et néces­saire du tra­vail ; mais c’est pré­cisé­ment cette néces­sité qui a per­mis au cap­i­tal d’im­pos­er ses lois, lesquelles comme toutes celles résul­tant de l’abus de la force, sont générale­ment l’en­vers de l’équité.

§§§

M. Stanis­las Fer­rand gémit, dans le BÂTIMENT sur le con­trat que vien­nent de sign­er les organ­i­sa­tions patronales (de la rue de Lutèce) et ouvrières de la maçon­ner­ie et sur la sen­tence arbi­trale des archi­tectes. Il est là, comme une poule qui a cou­vé des canards. Car M. Fer­rand a été l’apôtre du syn­di­cal­isme patronal dans le bâti­ment, et il con­seil­lait dernière­ment au patronat de faire la part du feu au monde ouvri­er pour éviter les plus grands mal­heurs. Ces messieurs ont écouté ses excel­lents con­seils et ils ont ten­té de faire cette part du feu. Les entre­pre­neurs de la rue de Lutèce savent mieux que moi quel fricot cuit dans leur mar­mite, dit-il ; mais oui, mon vieux. C’est même pour cela qu’ils ont signé le con­trat, y com­pris la clause sup­p­ri­mant le tâcheron­nat. Car, au fond, le tâcheron­nat n’est utile qu’au petit patronat à l’e­sprit étroit qui n’en­trevoit ses béné­fices que dans la com­pres­sion des salaires et le sur­me­nage ouvri­er, tan­dis que le gros patronat peut avoir des vues les plus larges et entrevoir la source de plus larges prof­its dans une organ­i­sa­tion plus rationnelle du tra­vail et dans le machin­isme. Mais, M. Fer­rand a juste­ment la men­tal­ité étroite du petit bou­tiquier et il ne se rend pas compte de l’évo­lu­tion qui s’ac­com­plit autour de lui. Ses jérémi­ades ne servi­ront à rien, le tâcheron­nat devra dis­paraître et avec lui une bonne par­tie du petit patronat du bâtiment.

A. Picart.


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