Les Humbles ont consacré leurs cahiers d’Août et Juillet à Léon Bazalgette. Belle ferveur de ses amis, voilà le plus grand mérite du traducteur de « Feuilles d’herbe ». Guilbeaux lui-même, le courageux déserteur, vient apporter sa gerbe de souvenirs à celui qui fit la guerre sans « accepter jamais le crime ». Franchement je comprends davantage ceux qui partirent en chantant l’internationale éperdument suggestionnés par la psychose de l’avènement de leur rêve par la destruction de l’impérialisme allemand.
Personnellement n’ayant point passé par cette crise je ne suis pas assez qualifié pour insister mais je reproche à l’interprète du grand poète américain d’avoir mérité qu’on lui applique le proverbe : « Traduttore traditore » : traducteur : traître. C’est, je crois, André Gide qui a démontré combien tendancieuse était la traduction de « Feuilles d’herbe » et combien Bazalgette avait eu à cœur de démontrer contre l’évidence et en faisant des interprétations de son cru le conformisme sexuel de Wall Whitman.
Bazalgette votait, faisait la guerre et trahissait la véritable identité de celui qu’il s’était engagé à faire connaître mais il possédait quelque vertu puissante et indéfinissable puisqu’il a mérité la rare amitié de ceux qui lui ont édifié la plaquette des « Humbles ».
LE LIBERTAIRE.
Les camarades du Libertaire prennent la défense de Gimenez le malheureux prisonnier de Loos qui, faute de soins, dut être transporté à l’hôpital où les médecins durent l’amputer des deux jambes.
Et voici qu’il est mort : le comité de défense sociale et le Libertaire « ne classent pas l’affaire ».
L’administration pénitentiaire et le docteur assassin Jacquemard vont rester sur la sellette jusqu’à nouvel ordre… au surplus nous aurons personnellement à reparler des atrocités du régime des prisons.
Le romanichel dans ses échos réserve une place importante à l’équipe de la Tour pointue et à cette occasion s’en prend à juste titre aux « chers maîtres » complices par leur silence des atrocités policières. Il est bon que parfois des commerçants des journalistes ou des avocats passent par la filière à la façon du vulgaire : leurs cris sont entendus de leurs pareils et les
« braves gens » enfin se sentent menacés.
LA VOIX LIBERTAIRE.
F. Michel s’indigne à juste titre et réclame aussi que l’agitation se fasse et qu’on ne laisse pas à repos le morticole administratif Jacquemard.
Je le répète il sera bientôt question d’un de ses confrères ès-centrale.
Des nouvelles intéressantes de provinces.
PLUS LOIN.
Toujours de jolis bois signés F. M. (?) Le docteur Pierrot continue son intéressante et substantielle étude sur la morale dans laquelle il critique les méthodes éducatives bourgeoises. Nous reviendrons d’ailleurs sur cette étude lorsqu’elle aura reçu sa conclusion.
À propos de l’«Eugénisme positif », « Plus loin » fait encore justice des sots préjugés relatifs à l’onanisme et qui datent du XVIIIe siècle. Cet intéressant sujet sera d’ailleurs traité dans la Revue Anarchiste de Janvier.
L’EN DEHORS.
Senex, avec concision et verve, démontre que le scandale Almazoff est un signe des temps : la société moderne se sert franchement de la violence pour exercer son emprise sur l’individu.
Toujours des échos documentés et intéressants : sur les révoltes dans les prisons américaines, sur les attentats et la langue internationale Volapük.
ESOPE.
Gérard de Lacaze-Duthiers nous parle de la vie et de l’œuvre de Banville d’Hostel, peintre, poète et critique qui se révèle un auteur dramatique puissant et original avec son chef-d’œuvre « Z ». Animateur de la « Foire aux chimères » avec Dévigne, Colomer, Franconi et Vaillant-Couturier, Banville d’Hostel est resté, dans son atelier de Montmartre, le probe artiste de jadis aussi sincère et généreux qu’au temps des premiers enthousiasmes.