La Presse Anarchiste

Éditorial

Depuis quelques années le mythe du « social­isme réel » a subi de rudes épreuves. Sol­jen­it­sine a enfin réus­si à faire admet­tre la réal­ité du Goulag, cette « descente aux enfers » pour presque 10% de la pop­u­la­tion de l’URSS (d’après Boukovs­ki, il n’y a actuelle­ment que 5% de citoyens dits sovié­tiques qui subis­sent ce sort sur 200 mil­lions). Zinoviev a décrit l’en­fer quo­ti­di­en du reste de la pop­u­la­tion, les degrés de pur­ga­toire, d’hypocrisies, de brimades que chaque citoyen est obligé de subir pour pou­voir s’adapter et vivre dans cette société.

Mais cela ne suf­fit pas !

Car les maîtres du Krem­lin ont d’autres pos­si­bil­ités pour mas­quer la réal­ité et con­serv­er leurs priv­ilèges dans l’Em­pire. D’abord le pou­voir d’ou­bli. Ils savent bien que l’opin­ion publique n’ar­rive pas à avoir une atten­tion soutenue, surtout à l’époque où même les « vedettes » doivent chang­er péri­odique­ment. L’ex­em­ple de la Hon­grie en 1956 et de la Tché­coslo­vaquie en 1968 est démon­stratif : après la flam­bée d’indig­na­tion générale, une infime minorité con­tin­ue seule à s’in­téress­er au sort de ces peu­ples « normalisés ».

Le Krem­lin pos­sède aus­si son énorme appareil de « dés­in­for­ma­tion », c’est à dire son appareil d’agit-prop (agi­ta­tion et pro­pa­gande) qui à tra­vers le monde essaie de sauver le mythe du par­adis ter­restre et de la société sans classe.

Mais il y a quelque chose d’en­core plus grave. J’ai eu l’oc­ca­sion de dis­cuter récem­ment avec un citoyen moyen des Pays de l’Est. Voilà son argu­ment : leur pro­pa­gande offi­cielle ne dit jamais la vérité (cela il l’ad­met), mais la pro­pa­gande d’en face ne dit pas non plus la vérité, car la vérité n’ex­iste pas, les résis­tants afghans n’ex­is­tent pas, tout est mensonge.

Non seule­ment les peu­ples de l’Est sont privés de la pre­mière des lib­ertés, celle de la parole, de l’ex­pres­sion, mais ils finis­sent par per­dre l’usage de la parole elle-même, avec la fac­ulté de penser, de chercher la vérité, de cri­ti­quer. Que peut on faire devant cet état de chose ? Pra­tique­ment rien mais il faut le faire. Il faut con­tin­uer de témoign­er, d’in­former, de par­ler à la place de ceux qui sont réduits au silence. Ici, dans IZTOK, nous sommes très peu nom­breux, notre audi­toire est très lim­ité, mais nous devons par­ticiper à cette tâche. Quelques autres pub­li­ca­tions ou mou­ve­ments le font aus­si. Nous pou­vons citer :

  • L’ALTERNATIVE, 1 place Paul Painlevé, 75005 Paris
  • LIBRE, ed. Pay­ot, 106 bd St Ger­main, 75006 Paris
  • LES CAHIERS DU SAMIZDAT, 48 rue du lac, 1050 Bruxelles
  • AMNESTY INTERNATIONAL, 18 rue de Varenne, 75007 Paris

En quoi con­siste l’o­rig­i­nal­ité de notre revue ? D’abord à par­tir de nos pro­pres expéri­ences, notre « vécu » dans les Pays de l’Est, nos pos­si­bil­ités lin­guis­tiques, il nous sem­ble que nous pou­vons servir d’in­ter­mé­di­aires entre ceux de l’Est et ceux de l’Ouest. Nous parais­sons trop rarement pour être effi­caces dans l’in­for­ma­tion directe. Mais par con­tre nous pou­vons abor­der des études plus détail­lées, plus poli­tiques. Nous avons notre optique lib­er­taire mais nous refu­sons d’im­pos­er un « mythe lib­er­taire » pour rem­plac­er les autres mythes. Nous tâcherons de don­ner la parole chaque fois que nous le pour­rons à l’ex­péri­ence vécue. Dans ce numéro, par exem­ple, plusieurs textes con­cer­nent la Yougoslavie sont rédigés par des Yougoslaves à par­tir de leur pro­pre expéri­ence. Même s’il existe des con­tra­dic­tions, nous préférons le débat à des affir­ma­tions unilatérales.


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