Troisième et dernier supplément à notre dossier sur le pacifisme à l’Est, ce texte montre, loin des solennelles déclarations purement propagandistes d’Andropov et consorts sur la Paix et le désarmement, que le régime n’aime qu’un seul pacifisme, celui contre l’Occident et les Pershings. L’argumentation utilisée dévoile l’analyse réelle qu’il fait du pacifisme. Les pointillés simples … indiquent une lacune du texte original, les pointillés entre parenthèses (…) une coupure de notre part. Ce texte est traduit de l’anglais.
Conclusion de l’examen judiciaire du document « Appel aux peuples et aux gouvernements d’URSS et des USA pour l’établissement de la confiance. »
L’examen judiciaire a été effectué par une commission examinatoire composée du Prof. G.B. Ignatenko, docteur en Sciences des Lois, chef de Département à l’Institut R.D.Rudenko, du Prof. K.N. Lioubichine, docteur en Sciences Philosophiques, chef du Département d’Histoire et de Philosophie à l’Université d’État de l’Oural, du Prof. G.P. Orlov, docteur en Sciences Philosophiques, chef du matérialisme dialectique à l’Université d’État de l’Oural.
Sur la base de … investigateur senior de la procuration du Soviet de Tiumen, région de Mikheenko, à partir du 4 août 1982, concernant la responsabilité criminelle selon les articles 181, 182, 190, les experts Ignatenko, Lioubichine et Orlov ont examiné les documents qui leur ont été présentés pour examen et ont établi les deux points suivants :
1. Un programme pour la recherche générale de l’établissement de la confiance.
Ses points concrets se distinguent par une extrême naïveté et ne peuvent être comparés avec ces centaines de propositions de paix que l’URSS a présentées au monde ces dernières années, mais qui ont été bloquées dans la majorité des cas du côté des impérialistes américains et de leurs alliés. Le fondement idéologique du « programme » est utopiste. Ses auteurs partent de l’idée de former des « groupes indépendants pour l’organisation du dialogue » en URSS et aux USA. Il est impossible de vivre en société et d’être libre de la société. Appliquée à notre société, une telle idée signifierait la formation de groupes « indépendants » de cette lutte pour la sauvegarde de l’humanité que le parti, le gouvernement et le peuple entier mènent. La société, selon ces groupes en accord avec le document, doit devenir un opposant objectif des « dangereuses tentatives de tirer un avantage politique aux dépens du futur de toute l’humanité ». Dans ce sens, cet appel se révèle comme essentiellement calomnieux, assimilant la lutte pour la paix de l’URSS avec une tentative de tirer un avantage politique de cette lutte.
2. Le but idéologique qui peut être vu dans le Programme
Ces buts sont extérieurement liés à l’idée de … conduit dans l’esprit des auteurs du document. On dit ici ouvertement qu’atteindre l’objectivité dans les questions de désarmement des deux côtés « est gêné par les intérêts et obligations des États, de l’idéologie et des partis ». Pour les USA, la conclusion est juste, mais est-ce que les intérêts de notre État, de notre parti requièrent la course aux armements, la préparation d’une nouvelle guerre mondiale ? Ce genre de question est directement opposé à l’essence de l’idéologie du Marxisme-Léninisme, dont les positions guident l’URSS et ses activités. Les auteurs du document calomnient manifestement le grand enseignement humain de Marx et Lénine par lequel les communistes sont guidés. Ils calomnient aussi la politique actuelle et l’État de l’URSS ainsi que le rôle dirigeant du P.C.U.S.
Il est affirmé ce qui suit : « il apparaît à l’évidence que les hommes politiques d’un côté comme de l’autre sont incapables de s’accorder à bref délai sur une limitation tangible des armements et a fortiori sur un désarmement réel ». La politique étrangère de l’URSS et des USA est appelée un jeu politique « dangereux pour l’humanité ». Par rapport aux deux côtés, il est fait mention de la présence de « cercles politiques » intéressés à un conflit nucléaire prémédité.
Pour l’URSS, la lutte pour la paix n’a jamais été un « jeu politique ». Affirmer cela est calomnier l’activité de politique étrangère de l’État socialiste.
Les négociations sur l’arrêt de la course aux armements et la suppression des armes nucléaires sont taxées de tentatives des deux côtés pour atteindre un avantage militaire unilatéral, par l’URSS aussi bien que par les USA. De tels propos sont essentiellement faux, calomnieux dans leur contenu, et salissent l’État soviétique et son système social. Les accusations sus-indiquées et leurs fondements idéologiques ont un caractère anti-communiste et anti-soviétique. Les cercles neo-fascistes les plus malveillants de l’impérialisme ont toujours accusé l’URSS d’agressivité, et utilisent de telles calomnies pour couvrir leurs propres préparatifs de guerre. L’intelligentsia libérale bourgeoise, empêtrée dans l’anticommunisme, a affirmé une responsabilité égale, et parle de l’agressivité des deux blocs.
Les auteurs de l’«appel » ignorent complètement le programme soviétique de paix, qui présente des propositions constructives et scientifiquement fondées pour l’action des États, qui peuvent fortifier la paix, arrêter la course aux armements, et éloigner de l’humanité la menace de destruction générale. Un appel à la société soviétique par dessus la « tête » du parti et du gouvernement, qui expriment les intérêts du peuple soviétique tout entier et qui considèrent que la lutte pour la paix générale est l’essence de leur politique étrangère, est une tentative de les discréditer. L’«appel » est plein de propositions démagogiques qui ressortent objectivement comme des calomnies contre la politique attachée à la paix de l’URSS. Dans ce sens, dans son contenu objectif, ce document « ressasse » des idées hostiles au socialisme et contient des évaluations politiques antisoviétiques sur la politique étrangère de l’État soviétique. Indubitablement, la propagation de ce genre de document est objectivement faite, indépendamment des positions de ceux qui l’ont écrit, au détriment de l’unité morale et politique de notre peuple.
Le contenu de cette lettre nous permet d’affirmer que ses auteurs font partie de cette catégorie de gens qui sont suffisamment bien informés (c’est une traduction littérale, mais on pourrait dire que cela pourrait être lu « insuffisamment bien informés ») sur l’essence, les problèmes et les méthodes des négociations soviéto-américaines sur la limitation et la réduction des armements. La connaissance de la particularité de la politique internationale ― et de la terminologie et du style de l’«appel » ― donne la possibilité de caractériser ses auteurs comme des gens semi-illettrés politiquement, dont l’ignorance peut produire des conceptions et des conclusions incorrectes sur notre politique étrangère. L’«appel » est un document dont les auteurs déforment consciencieusement et à dessein les buts, les principes et les méthodes de la politique étrangère soviétique. En affirmant que nous aussi, et non seulement les responsables américains, nous nous efforçons d’utiliser les négociations « pour l’obtention d’un avantage militaire unilatéral », que nos intérêts idéologiques et de l’État-parti sont incompatibles avec les perspectives de tels accords qui correspondraient aux intérêts de tous les peuples, les auteurs de l’appel propagent consciencieusement des inventions, salissent l’État soviétique et son système social qui est le fondement de la politique étrangère soviétique, conscients du caractère calomnieux et des conséquences potentiellement nuisibles de leurs inventions.
Dans la préparation et la propagation d’un document de ce genre, ces gens aiment à se référer au … international … des droits civiques et politiques auxquels l’URSS participe en ayant à l’esprit l’article 19 de l’accord définissant le droit de chaque individu à la libre expression de ses opinions, y compris la liberté de chercher, recevoir et propager tous genres d’idées et d’informations … 1976 p. 29 (cette ligne est une référence à un document, mais c’est illisible sur notre exemplaire).
Cependant ceux qui aiment de telles références ignorent généralement un passage ultérieur de cet article, sur le fait que l’utilisation de ces droits impose des devoirs spéciaux et une responsabilité spéciale, et peut entraîner certaines limitations qui sont nécessaires en particulier pour la défense de la sécurité de l’État et pour l’ordre social, en accord avec les lois établies.
(…)
L’orientation intérieure (du document), c’est l’opposition de la société, dans les intérêts des auteurs de l’«appel », au Parti Communiste, à l’État soviétique, au rôle dirigeant du parti et de l’État, on essaie de les séparer l’une des autres et de les placer dans une position d’antagonisme réciproque.
(…)
Son orientation extérieure, c’est l’affaiblissement de la diplomatie soviétique dans les négociations en cours au détriment de l’autorité de l’État soviétique et de son rôle dirigeant aux yeux de ces forces internationales qui sont considérées par nous, et peuvent pratiquement être utilisées comme, une réserve effective dans la lutte anti-impérialiste et antimilitariste pour assurer la détente, la limitation des armements et le désarmement sur la base de la parité et de la sécurité égale. L’intention des auteurs de l’«appel » de diffuser ce document au-delà des frontières de notre territoire n’est pas exclue ; l’intention profonde de cet appel et de ces … est orienté, c’est-à-dire vers un … international … L’appel pour la fourniture de « libres » informations sur le désarmement dans les deux camps et sur le déploiement des armes équivaut à l’intention de révéler les capacités de la Défense soviétique à un agresseur potentiel.
Pour bien apprécier le contenu de cette « expertise » et sa grande valeur, nous conseillons à nos lecteurs de se reporter aux textes des pacifistes russes (Les Cahiers du Samizdat nº92, février 1983, 93, mars-avril 83 et 94, mai 83). Et n’oublions pas que plusieurs pacifistes soviétiques ont déjà été condamnés à plusieurs années de camps.