Depuis la liquidation du mouvement structuré en 1948, les anarchistes bulgares se sont séparés en trois groupes : les émigrés (qui ne nous intéressent pas ici), les « ralliés » au régime et les « durs », ni ralliés, ni émigrés. Parmi les anciens anarchistes entrés au P.C., il semble y avoir des nostalgiques de leur jeunesse, puisqu’une tendance de l’histoire universitaire aujourd’hui est de « réhabiliter » en partie, dans des proportions compatibles avec la censure et l’autocensure, le mouvement anarchiste et de remettre en valeur certains aspects de son histoire. Les « durs » continuent la lutte dans la mesure de leurs moyens et de leurs forces. Ce sont eux qui sont emprisonnés préventivement, comme en 1979 avant une augmentation des prix ; ce sont eux qui lors des enterrements des vieux militants essaient d’empêcher qu’on oublie leurs actions ou que le régime les récupèrent ; ce sont eux qui continuent à répandre, quand c’est possible, la pensée anarchiste. Christo Kolev Jordanov, adopté en 1978 par Amnesty International, bénéficie ainsi d’une immunité toute relative qu’il utilise pour déclarer publiquement ce qu’il pense, du régime entre autres.
La situation du mouvement est néanmoins peu brillante. Aucune propagande ou presque n’est possible. La littérature cachée en 1948 est toujours disponible, le secret des caches passant entre compagnons. Mais c’est une littérature vieillie, sans rapport avec le présent. Très peu de nouvelles sur le mouvement anarchiste international actuel et surtout sur la situation réelle à l’Ouest et à l’Est, en URSS, en Pologne, arrive à passer, rendant très difficile toute réflexion ou analyse dépassant le cadre de la Bulgarie. Nous finirons cependant sur une note d’optimisme. Depuis peu nous parviennent des échos sur la présence, à côté des anciens militants d’avant 48, de jeunes voire de groupes de jeunes. Nous avons même connaissance de contacts entre de jeunes anarchistes bulgares et polonais.
Asparukh