La Presse Anarchiste

L’accaparement de la houille blanche

En 1891, la France ne comp­tait, d’après M. Edmond Théry, aucune usine pro­duc­trice d’élec­tric­ité. En 1906, il en exis­tait 762, com­por­tant 239.753 chevaux-vapeur, soit une moyenne de 315 HP (chevaux-vapeur) par usine.

Quelle sera, dans dix ans, la puis­sance de ces usines ? Leur pro­duc­tion en force motrice indus­trielle se chiffr­era cer­taine­ment par mil­lions de chevaux-vapeur.

L’élec­tric­ité est en voie de s’im­pos­er non seule­ment à l’é­clairage, mais encore à maintes indus­tries comme la fab­ri­ca­tion de l’a­lu­mini­um et de l’aci­er ; demain elle con­quer­ra peut-être les chemins de fer.

Grâce à l’u­til­i­sa­tion des chutes d’eau, l’élec­tric­ité est obtenue à très bas prix. On peut prévoir que la houille blanche lut­tera vic­to­rieuse­ment avec la houille noire et la sup­plantera en bien des endroits.

Déjà le domaine indus­triel de l’élec­tric­ité est vaste. Par­courons-le rapidement.

L’aluminium et la houille blanche

L’a­lu­mini­um vient en pre­mière ligne. Qu’on en juge ?

Le kilo d’a­lu­mini­um qui se vendait 19 francs en 1890, ne se payait plus en 1900 que 2 fr. 50. La pro­duc­tion totale de l’Eu­rope atteignait, en 1899, 3.000 tonnes, ce qui fai­sait 6.000 avec les trois autres milles pro­duits par l’Amérique.

En 1888 se con­stitue la société Élec­tro-métal­lurgique française de Fro­ges avec un cap­i­tal de 5 mil­lions 700 francs, porté depuis à 15 mil­lions. Ses actions émis­es à 500 francs sont cotées aujour­d’hui à 1 355 fr. Pour avoir à bon marché l’élec­tric­ité néces­saire à la fab­ri­ca­tion de l’a­lu­mini­um elle instal­la ses usines à Fro­ges et au Champ (Isère) ; à La Praz et à Saint-Michel de Mau­ri­enne (Savoie) ; à Gar­danne (Bouch­es-du-Rhône). C’est que là elle trou­vait la houille blanche.

Fro­ges dis­pose aujour­d’hui de 60.000 HP pro­duits par les chutes d’eau amé­nagées. Après la puis­sante société alle­mande de Neuhausen, Fro­ges est actuelle­ment la plus forte société pro­duc­trice d’a­lu­mini­um du monde.

En 1893, la Com­pag­nie des pro­duits chim­iques de la Camar­gue, au cap­i­tal de 7.500.000 francs, installe des usines pour la fab­ri­ca­tion de l’a­lu­mini­um à Saint-Michel et à Saint-Jean-de-Mau­ri­enne (Savoie) dans lesquelles, grâce à divers­es chutes d’eau, elle dis­pose déjà de 35.450 chevaux-vapeur et pour­ra dis­pos­er sup­plé­men­taire­ment de 17.000 chevaux, non amé­nagés. Elle a acheté en out­re à Château-Arnoux (Bass­es-Alpes) une chute d’une puis­sance de 16.000 chevaux non encore amé­nagée. Au total 68.450 chevaux-vapeur.

Émis­es à 500 francs ses actions sont actuelle­ment à 1.155 francs.

La Société des Forces motri­ces de l’Arve, à Passy (Haute-Savoie), dis­pose d’une chute de 140 mètres qui lui a per­mis d’amé­nag­er une puis­sance de 13.000 chevaux. Fondée en 1895, elle fab­rique du fer­ro-sili­cieux et de l’a­lu­mini­um. Ses actions émis­es à 1.000 francs en valent 1.250.

Voilà quelques-unes des prin­ci­pales usines d’a­lu­mini­um. Ce n’est pas le moment d’ex­am­in­er ici la dis­so­lu­tion du Syn­di­cat inter­na­tion­al de l’a­lu­mini­um qui s’est pro­duite le 1er octo­bre 1908. Bor­no­ns-nous à not­er l’aug­men­ta­tion con­sid­érable qui s’est pro­duite dans la fab­ri­ca­tion de ce métal. De 6.000 tonnes en 1899, la pro­duc­tion mon­di­ale s’est élevée à 19.800 tonnes en 1907 : 11.800 tonnes en Europe ; 8.000 en Amérique. Et depuis octo­bre 1908, le prix du kilo d’a­lu­mini­um a forte­ment bais­sé ; à cette époque il valait 1 fr. 60 en France et 1 mark 35 (1 fr. 65) en Allemagne.

Or, l’on con­naît les mul­ti­ples appli­ca­tions de l’a­lu­mini­um dont l’emploi est fort répan­du. On l’emploie de plus en plus comme fil con­duc­teur d’élec­tric­ité. Grâce à sa légèreté, on réalise une économie de 200 % sur le fil de cuiv­re dans l’in­stal­la­tion des lignes de trans­port d’én­ergie élec­trique à haut volt­age. Ain­si, on cite une ligne d’Amérique dont les câbles sont en alu­mini­um, et qui trans­met un courant de 65.000 volts à 120 milles de dis­tance. En France, la société l’Én­ergie élec­trique du lit­toral méditer­ranéen a instal­lé quelques lignes d’es­sais dont elle vante les résul­tats satisfaisants.

Dans l’ar­mée, les usten­siles de cui­sine sont en alu­mini­um. Et l’on sait enfin son rôle impor­tant dans l’au­to­mo­bile, dans la con­struc­tion des nacelles de dirige­ables, etc. Bien­tôt, en out­re, les pièces de mon­naie en alu­mini­um seront dans toutes les poches françaises.

Les aciers et la houille blanche

Il est d’autres indus­tries nou­velles pour lesquelles la houille blanche fut d’un pré­cieux con­cours, à com­mencer par le car­bu­re de cal­ci­um qui pro­duit l’acétylène.

En 1892, un ingénieur cana­di­en, Thomas Wil­son, dans le but d’éviter les courts-cir­cuits occa­sion­nés par les pro­jec­tions du bain en ébul­li­tion dans son four ser­vant à fab­ri­quer de l’a­lu­mini­um, ajoutait du carbone.

Dans son brevet d’in­ven­tion, Wil­son dis­ait : « Mon inven­tion est applic­a­ble à d’autres réac­tions chim­iques que celles com­pris­es dans le mot réduc­tion employé pure­ment dans son sens métal­lurgique ; par exem­ple, je pro­pose de l’ap­pli­quer au traite­ment des com­posés réfrac­taires ou min­erais de métaux eux-mêmes, mais pour l’ob­ten­tion d’autres com­posés de ces métaux. Par exem­ple je l’ai déjà employée pour réduire l’oxyde de cal­ci­um et pro­duire du car­bu­re de calcium. »

La fab­ri­ca­tion du car­bu­re de cal­ci­um au four élec­trique était trouvée.

M. Robert Pitaval, à qui j’emprunte cette cita­tion, ajoute : « … Quand on lit ce doc­u­ment et qu’on cherche la vérité avec un esprit de jus­tice et de dés­in­téresse­ment, on est for­cé de con­clure avec Vivian Lewes que le monde doit l’acétylène à l’ingénieur cana­di­en Wil­son [[Com­mu­ni­ca­tion faite au troisième Con­grès de l’acétylène par M. Robert Pitaval.]]. »

Dès lors c’est toute une série d’in­dus­tries nou­velles qui vont naître. Il leur faut de l’élec­tric­ité. C’est la houille blanche qui la procurera.

C’est pourquoi, en France, nous voyons se con­stituer en 1896 la Société des Car­bu­res métalliques dont les usines à Notre-Darne de Bri­ançon (Savoie) puisent la force néces­saire à leurs 16 fours élec­triques dans les deux cours d’eau le Merder­el et l’Eau-Rousse.

En 1897, la Société élec­trochim­ique du Giffre qui amé­nage une chute de 70 mètres sur le cours d’eau : le Giffre (Haute-Savoie) lui four­nissant 9.000 chevaux-vapeur. De 500 ses actions sont mon­tées à 1 000 francs.

Elle com­mença par fab­ri­quer le car­bu­re de cal­ci­um, puis du fer­ro-sili­ci­um, fer­ro-chrome, etc., tous nou­veaux pro­duits dus à la sci­ence par l’ap­pli­ca­tion de l’élec­tric­ité et l’in­ven­tion du four électrique.

Dans le même but se con­stitue en 1898 la Vol­ta, société d’in­dus­trie élec­trochim­ique, util­isant l’Isère à Saint-Mar­cel (Savoie).

L’in­dus­trie de l’aci­er va se dévelop­per et le fer­ro-sili­ci­um devenir indis­pens­able pour sa fab­ri­ca­tion. En effet, au début, pour réchauf­fer le bain, on intro­dui­sait dans l’aci­er fon­du du sili­ci­um en employ­ant des fontes sili­cieuses. Ce procédé avait pour but d’empêcher les « souf­flures ». Ceux de nos cama­rades qui ont tra­vail­lé dans les fonderies d’aci­er con­nais­sent les dif­fi­cultés éprou­vées pour couler l’aci­er dans le moule. Sou­vent les pièces étaient rem­plies de souf­flures et c’est pour y remédi­er, pour répar­er ces pièces ou bouch­er ces souf­flures qu’on a trou­vé et qu’on emploie la soudure auto­gène ou électrique.

Aujour­d’hui les fontes sili­cieuses sont rem­placées par le fer­ro-sili­ci­um dont l’ef­fet est plus énergique et pro­duit une réac­tion qui rend l’aci­er plus liq­uide, facil­i­tant ain­si les coulées et empêchant les soufflures.

Ce procédé sus­ci­ta la créa­tion de nou­velles sociétés, dont voici quelques-unes :

La Société anonyme élec­tromé­tal­lurgique (procédé Paul Girod) qui a son siège social à Neuchâ­tel, en Suisse, et dont le cap­i­tal est de 7 mil­lions. Ses usines sont situées à Ugine (Savoie).

Pour leur fonc­tion­nement et l’al­i­men­ta­tion en courant de ses 30 fours élec­triques pour alliages (fer­ro-chrome, fer­ro-sili­ci­um, fer­ro-tungstène, fer­ro-vana­di­um, etc.) et ses 10 fours élec­triques employés à la fab­ri­ca­tion des aciers spé­ci­aux, elle utilise l’Ar­ly et le Bon­nant du Fayet-Saint-Ger­vais. L’Ar­ly, le Bon­nant et le Naut-Rouge, dont elle s’est assuré la pro­priété, lui assurent une puis­sance non amé­nagée de 22 250 Pon­celets qui ont une puis­sance de 30 230 chevaux, ce qui fait, avec les chutes amé­nagées, 40 760 chevaux-vapeur. Au total 70 990 chevaux-vapeur.

Aus­si, toute une ville est en train de naître à Ugine. En 1907, les 500 ouvri­ers qui y étaient occupés pro­dui­saient 8 000 tonnes d’al­liages divers, 2 000 tonnes d’aciers ordi­naires au car­bone et 500 tonnes d’aciers spé­ci­aux ou aciers électriques.

La Société a des brevets pour des fours élec­triques ser­vant à la fab­ri­ca­tion des aciers dont on vante le ren­de­ment et l’ex­cel­lence des pro­duits. La Société con­stru­it en ce moment des bâti­ments qui lui per­me­t­tront d’oc­cu­per 3 000 ouvriers.

À côté de l’u­sine, s’élèvent les cités ouvrières, une « caserne » même où seront logés les céli­bataires, l’é­cono­mat — bap­tisé coopéra­tive — où se fourniront les ouvriers.

En Suisse, la Société P. Girod a dû louer toute sa force (6.000 chevaux) pour ses usines de Courtepin et Mont­bovon. La France, plus hos­pi­tal­ière, lui assure gra­tu­ite­ment 70.000 chevaux de force. Quant aux ouvri­ers, dans quelques années, ils con­naîtront toute la « douceur » des cités ouvrières et de la caserne d’où sera ban­ni tout droit à la pen­sée et à la lib­erté d’organisation.

Moins impor­tante, certes, la société anonyme des Étab­lisse­ments Keller Leleux qui a ses usines à Livet (Isère), util­isant la Romanche et fab­ri­quant le fer­ro-sili­ci­um. Enfin, la puis­sante Com­pag­nie des Forges et Aciéries de la Marine et d’Homé­court, qui pos­sède des usines dans la Meur­the-et-Moselle, la Loire, les Bass­es-Pyrénées, et qui vient d’a­cheter une chute, non amé­nagée encore, dans les Pyrénées.

Exam­inez de près ces Sociétés. Elles déti­en­nent au min­i­mum 300 000 chevaux de force. Puis­sance con­nue qu’elles avouent. Mais com­bi­en d’autres chutes ont-elles que nous ne con­nais­sons pas ? Les indus­triels vont se tourn­er plus active­ment encore vers la pro­duc­tion des aciers élec­triques. Pen­dant le pre­mier semes­tre 1909, la Savoie, dit la sta­tis­tique du Comité des Forges[[En 1907, le rap­port du Comité des Forges indi­quait que le prix moyen de la fonte pro­duite par les fours élec­triques était de 734 fr. 10 la tonne ; la pro­duc­tion totale 13 700 tonnes.]] a pro­duit 1.485 tonnes d’aci­er au four électrique.

Les Alle­mands ne res­teront pas en arrière. On annonce déjà que la con­cur­rence des min­erais du bassin de Briey sur les marchés étrangers a con­duit la Société Metz le Gal­lais et Cie, à Eich-Dom­mel­dan­ge (Lux­em­bourg), à con­stru­ire une aciérie élec­trique qui a été mise en marche le 31 août dernier. Dans cette aciérie elle utilis­era ses min­erais à faible teneur (minette) pour la pro­duc­tion de l’acier.

Le four élec­trique peut apporter une véri­ta­ble révo­lu­tion dans l’in­dus­trie métal­lurgique. Des min­erais de fer aban­don­nés depuis longtemps parce que trop faibles en fer, pour­ront être util­isés. Dédaignés hier, ces min­erais seront recher­chés demain grâce à la houille blanche.

Après l’a­lu­mini­um, le car­bu­re de cal­ci­um, le fer­ro-sili­ci­um, c’est donc une nou­velle branche de l’in­dus­trie métal­lurgique qui va être créée et qui occu­pera des mil­liers d’ouvriers.

Le Comité de direc­tion des Forges de France vient d’en soulign­er toute l’importance :

« Grâce au four élec­trique d’in­ven­tion française, on fab­rique aujour­d’hui une gamme com­plète d’al­liages présen­tant tous les pas­sages du fer au métal allié.

« Tous ces corps sont ven­dus pro­por­tion­nelle­ment à la teneur des corps qu’ils ren­fer­ment, et il était juste de les tax­er sur la même base.

« Des pro­grès plus sur­prenants encore ont été réal­isés dans la fab­ri­ca­tion des aciers. Aux aciers au car­bone, employés unique­ment autre­fois et qui présen­taient une fragilité dan­gereuse lorsqu’on voulait aug­menter leur dureté, on a sub­sti­tué des aciers spé­ci­aux au chrome, au nick­el, au tungstène, au vana­di­um et au molyb­dène. Ces nou­veaux aciers sont aujour­d’hui employés uni­verselle­ment pour la fab­ri­ca­tion des out­ils et pour les pro­duits militaires.

L’éclairage, la force motrice et la houille blanche

Je ne retiendrai dans ce chapitre que deux pro­jets, qui sont d’une extrême impor­tance. Je serai d’ailleurs obligé de pass­er en revue un peu plus loin les mul­ti­ples sociétés d’é­clairage et de traction.

L’un de ces pro­jets con­siste à établir un bar­rage à Injoux-Gen­i­nat (Ain), de 70 mètres de hau­teur, au moyen duquel on trans­formerait la val­lée du Rhône en un lac de 20 kilo­mètres de long.

On cal­cule qu’on retir­erait ain­si une puis­sance utile de 250.000 chevaux-vapeur. Pour pro­duire par le char­bon ces 250.000 chevaux de force, il faudrait brûler 1.080.000 tonnes de ce com­bustible, ce qui équiv­aut à toute la pro­duc­tion du bassin minier de la Loire.

Et si l’on veut se faire une idée du béné­fice que les cap­i­tal­istes retireront de cette puis­sance, qui per­me­t­trait l’en­voi du courant à Paris, exam­inons une réponse de M. Cordier à une ques­tion de M. Péchadre, député de la Marne, devant la Com­mis­sion par­lemen­taire. M. Cordier con­vint qu’avec les impôts, frais de canal­i­sa­tion et d’en­tre­tien, le cheval de force hydraulique reve­nait de 180 à 185 francs aux sociétés con­ces­sion­naires [[Page 63 du rap­port n°1535.]]. Le cheval-vapeur revient à 300 francs. Soit un béné­fice de 115 francs par unité si la force est pro­duite par la houille blanche. Si le con­sor­tium qui amèn­era à Paris l’élec­tric­ité pro­duite par la chute d’In­joux-Gen­i­nat était obligé de pro­duire ces 250.000 chevaux au moyen de char­bon, cela lui coûterait, impôts, frais de canal­i­sa­tion et d’en­tre­tien com­pris, 75 mil­lions. Grâce à la houille blanche il l’ob­tien­dra pour 46.250.000 francs. Économie du pro­jet : 28.750.000 fr., soit l’in­térêt d’un cap­i­tal de 700 mil­lions placé à 4 %.

Mais je sais qu’il ne faut pas pren­dre ces chiffres dans leur teneur absolue. Rares sont les chutes per­me­t­tant le fonc­tion­nement des tur­bines du 1er jan­vi­er au 31 décem­bre de chaque année. Il faut compter avec les épo­ques de sécher­esse qui assèchent les cours d’eau. Dans les mon­tagnes, les ruis­seaux ali­men­tés par les glac­i­ers voient leur débit dimin­uer suiv­ant la rigueur de l’hiv­er. Si le froid est rigoureux, les som­mets sont gelés, la neige fond moins rapi­de­ment ; c’est la grève de la houille blanche, revanche de la nature sur ceux qui l’asservissent.

En lan­gage tech­nique, les ingénieurs appel­lent cela des « éti­ages » [[Époque de l’an­née où les eaux dimin­u­ent.]]. Dans les années ordi­naires, ces éti­ages com­men­cent fin décem­bre pour se ter­min­er dans les pre­miers jours de mars. C’est donc trois mois de l’an­née pen­dant lesquels il faut sup­pléer au manque de houille blanche.

Jusqu’en 1908, le remède con­sis­tait à installer auprès de l’u­sine hydraulique, l’u­sine ther­mique (à vapeur) qui fonc­tion­nait quand les eaux dimin­u­aient, affaib­lis­sant le débit de la chute. On pou­vait penser qu’il en serait tou­jours ain­si. Mais la houille noire coûte cher, trop cher. On a cher­ché et trou­vé autre chose.

C’est ain­si qu’à Lancey (Isère), les papeter­ies fonc­tion­nent avec l’eau provenant du ruis­seau de Saint-Mury. La sécher­esse oblig­eait par­fois au chô­mage. Pour y pal­li­er, les ingénieurs per­cèrent le lac Croizet, le met­tant ain­si en com­mu­ni­ca­tion avec le ruis­seau de Saint-Mury, met­tant du même coup à la dis­po­si­tion des papeter­ies de Lancey un immense réser­voir d’eau pour leurs usines. La Société hydro-élec­trique de la Bridoise a relié le lac d’Aigue­belette (Savoie), qui a 2 m.15 de pro­fondeur et une super­fi­cie de 5 mil­lions 450 mille mètres car­rés, avec le cours d’eau le Tiers, sur lequel elle a instal­lé une chute de 120 mètres de hau­teur. Grâce à ce lac, elle a une réserve de 11 mil­lions 717.500 mètres cubes d’eau qui — d’après les cal­culs des ingénieurs — met­tra à sa dis­po­si­tion 10.850 chevaux-vapeur douze heures par jour pen­dant un mois ; 5.425 chevaux douze heures par jour pen­dant deux mois, ou 2.712 chevaux pen­dant trois mois, en plus des 2.200 chevaux que lui donne le débit du Tiers par l’é­coule­ment naturel du lac. Vienne l’hiv­er, même s’il est rigoureux et que l’é­ti­age dure trois mois, la Société trou­vera son lac qui sup­pléera au manque d’eau du Tiers.

Nom­breuses sont les sociétés qui agis­sent ain­si. Dans les Alpes, la Société hydro-élec­trique de Fure-Morge et de Vizille utilis­era ain­si les lacs de Petichet et le Grand Lac à Laf­frey (Isère). La Société grenobloise de force et lumière, les Hauts Fourneaux et Forges d’Al­l­e­vard, les Forces motri­ces du Haut-Gré­si­vau­dan vont amé­nag­er les lacs Car­ré, de la Motte et Cottepen-aux-sept-Laux.

La Société pyrénéenne d’én­ergie élec­trique amé­nagera le lac d’Or­lu ; l’U­nion élec­trique (Jura) le lac de Challiers.

D’autres sociétés n’ayant pas de lac naturel à leur dis­po­si­tion créeront des lacs arti­fi­ciels. La Société des Forces motri­ces du Haut-Gré­si­vau­dan se pro­pose d’en con­stru­ire un sur le ruis­seau du Cernon.

Dans le mas­sif des Bauges, la Société des Forces motri­ces du Chéran se pro­pose d’établir un bar­rage et créera ain­si, arti­fi­cielle­ment, le lac de Lescheraines, qui aura une capac­ité de 5 mil­lions de mètres cubes.

Que l’on envis­age les con­séquences entraînées par la réal­i­sa­tion d’un tel pro­jet : le trans­port à si bon compte d’électricité.

Reste encore cet autre pro­jet : l’élec­tri­fi­ca­tion des lignes de chemin de fer, qui est à l’é­tude. On ver­ra tout à l’heure dans les con­seils d’ad­min­is­tra­tion des Sociétés élec­triques si nos Com­pag­nies de chemins de fer sont bien représen­tées ! Presque toutes y ont un représen­tant. Le P.-L.-M., l’Est, le Midi, l’Or­léans, etc.

Déjà, l’on ne reste plus dans l’ex­pec­ta­tive. Sans par­ler de l’Or­léans, la Com­pag­nie du Midi a com­mandé une machine et doit établir une ligne d’essai. 

On annonce d’autre part qu’en prévi­sion des com­man­des que néces­sit­era l’élec­tri­fi­ca­tion des chemins de fer, la Société d’élec­tric­ité de Berlin et notre Thom­son-Hous­ton vien­nent de créer une Société au cap­i­tal de 5 mil­lions. Aucun démen­ti n’a été opposé à cette nou­velle. C’est un pre­mier pas qui per­met d’au­gur­er de for­mi­da­bles travaux et une trans­for­ma­tion pro­fonde de nos moyens de com­mu­ni­ca­tions et de transports.

Le trust de la houille blanche

C’est à par­tir de 1900 que le monde indus­triel et financier va se tourn­er avec avid­ité vers les immenses réser­voirs de richess­es que sont la Savoie, l’Isère, toute la région des Alpes. L’ex­po­si­tion de 1900 per­met de faire con­naître de nou­veaux procédés de fab­ri­ca­tion. Un Con­grès nation­al des travaux publics se tient à Paris. On y dis­cute de la houille blanche et l’on vote le voeu suivant :

[(Le Con­grès sig­nale à l’at­ten­tion du gou­verne­ment et du Par­lement l’in­térêt qui s’at­tache à la pro­mul­ga­tion des dis­po­si­tions lég­isla­tives ren­dant pos­si­bles, au point de vue pra­tique, l’ex­ploita­tion rationnelle, pour la pro­duc­tion de la force motrice, des eaux qui sont une des richess­es de notre ter­ri­toire et invite les pou­voirs publics à faire aboutir au plus vite toutes les dis­po­si­tions ayant pour but de faciliter les instal­la­tions nou­velles qui sont ou pour­ront être mis­es à l’étude.
)]
De son côté la Cham­bre de Com­merce de Digne émet le vœu que les indus­triels qui voudraient utilis­er les forces hydrauliques naturelles du pays et établir des usines fussent exemp­tés de toute rede­vance par les pou­voirs publics.

La main­mise sur les chutes d’eau va com­mencer et se pour­suiv­re active­ment. L’Én­ergie élec­trique du lit­toral méditer­ranéen est fondée par la Thom­son-Hous­ton et la Société des Grands travaux de Mar­seille. D’abord, de 4 mil­lions, son cap­i­tal est suc­ces­sive­ment porté à 8, à 16, finale­ment à 32 en 1906.

Son but est la pro­duc­tion, le trans­port et la dis­tri­b­u­tion de l’én­ergie élec­trique dans toute la région com­prise entre le Rhône, la Durance, les Alpes, la Roya et la Méditer­ranée. Elle a trois réseaux d’une longueur totale de 1.600 kilo­mètres, la plus grande par­tie équipée en con­duc­teurs d’a­lu­mini­um. Dans l’ensem­ble, elle dessert 339 com­munes représen­tant 1.600.000 habi­tants. Par de nom­breux baux avec d’autres sociétés, elle s’est assuré une puis­sance de 120.000 chevaux-vapeur.

À par­tir de 1905, année de la loi faisant tomber la four­ni­ture du courant pour force et lumière dans le domaine pub­lic, les Sociétés poussent comme des champignons. Par­mi les impor­tantes, c’est en 1905 l’Én­ergie élec­trique du Cen­tre ; le Sud élec­trique. En 1906, la Société des Forces motri­ces de la Haute-Durance ; l’Énergie du Sud-Ouest. En 1907, la Société Pyrénéenne d’én­ergie élec­trique.

L’Én­ergie élec­trique du Cen­tre, au cap­i­tal de 6 mil­lions, a con­stru­it sur le Cher un bar­rage qui peut retenir 25 mil­lions de mètres cubes d’eau assur­ant le fonc­tion­nement con­stant de l’u­sine qui pour­ra fournir 8.000 chevaux-vapeur. Ceci étant insuff­isant, elle s’est assuré une puis­sance sup­plé­men­taire de 12.000 chevaux « à provenir » des chutes de la région de Greno­ble et qui pro­duira du courant qu’elle amèn­era à son usine de Roanne (Loire). Elle a, de plus, pris à bail pour 40 ans les usines de la Com­pag­nie élec­trique de la Loire qui ont une puis­sance totale de 15.000 chevaux.

Le Sud élec­trique est une créa­tion de l’Én­ergie du lit­toral méditer­ranéen. Son cap­i­tal, au début de 2 mil­lions 500.000 francs, a été porté en 1907 à 6 mil­lions. En out­re du courant que lui four­nissent ses pro­tecteurs, elle a loué à bail pour 50 ans toute la pro­duc­tion de la Société des Forces motri­ces de la Vis — fondée pour amé­nag­er une chute de 107 mètres provenant de la Vis, afflu­ent de l’Hérault, et qui donne aujour­d’hui 5.000 chevaux. Celle-ci, enfin, rachète à dif­férents con­ces­sion­naires des Bouch­es-du-Rhône, du Gard, de l’Hérault et du Vau­cluse, dans lesquels elle vend de l’én­ergie élec­trique et de la force, dif­férentes usines d’une puis­sance totale de 2.800 chevaux. Enfin elle a des par­tic­i­pa­tions finan­cières impor­tantes dans la Société nîmoi­se d’é­clairage et de force motrice par l’élec­tric­ité (cap­i­tal de 1 mil­lion) et dans la Société avi­gnon­naise d’élec­tric­ité (cap­i­tal de 500.000 francs). Le Sud élec­trique ne tardera pas d’ailleurs à absorber ces deux sociétés, si ce n’est déjà chose faite. M. G. Cordier pré­side à la fois les con­seils d’ad­min­is­tra­tion des trois sociétés, il est en out­re admin­is­tra­teur-délégué de l’Én­ergie du lit­toral méditer­ranéen. Cela ne forme, on le voit, qu’une même famille.

La Société des Forces motri­ces de la Haute-Durance, au cap­i­tal de 5.500.000 francs, a son usine à Ven­ta­vors (Hautes-Alpes) où elle pro­duit actuelle­ment 32.000 chevaux ; sa pro­duc­tion, lorsque l’amé­nage­ment sera ter­miné, attein­dra 40.000. Toute cette puis­sance est louée à bail jusqu’en 1963 par l’Én­ergie du lit­toral méditerranéen.

L’Én­ergie du Sud-Ouest, au cap­i­tal de 7 mil­lions, amé­nage à Tuil­ières, sur la Dor­dogne, une des plus puis­santes usines con­nues. Les vannes de retenue d’eau sont les plus grandes du monde et assurent une retenue de toute la Dor­dogne de 12 mètres de hau­teur, ce qui per­me­t­tra l’in­stal­la­tion de neuf groupes élec­triques de 2.700 HP cha­cun. Avec les trois groupes à vapeur, c’est au total 36.000 chevaux-vapeur qu’elle aura à sa disposition.

Déjà elle a obtenu un grand nom­bre de con­ces­sions et la four­ni­ture d’én­ergie élec­trique à de nom­breux indus­triels, notam­ment à la Com­pag­nie des chemins de fer d’Orléans.

Voyons enfin la Société Pyrénéenne d’én­ergie élec­trique. C’est une puis­sance. On peut à pre­mière vue s’en ren­dre compte en regar­dant la com­po­si­tion de son con­seil d’ad­min­is­tra­tion : à la vice-prési­dence, le baron Amédée Reille ; par­mi les admin­is­tra­teurs, le baron Xavier Reille ; tous deux députés. Les chemins de fer y sont bien représen­tés ; l’Or­léans, par M. Xavier Baudon de Morny et le comte de Bel­lis­sen ; l’Est, par M. Girod, de l’Ain.

Ses usines hydrauliques sont : l’une à Orlu, dans la région cen­trale des Pyrénées ; une autre à Siguer (Ariège) ; une troisième à Oo (Haute-Garonne). Le tout d’une force totale de 30.000 chevaux.

Pour ne pas gên­er cette Société dans son action, en bonne con­soeur, l’Én­ergie du Sud-Ouest lui a cédé, avec son réseau du Tarn, ses usines de Marsac et d’Arthez, d’une puis­sance de 2.500 chevaux, ain­si que son porte­feuille d’ac­tions de la Société toulousaine.

De plus la Société pyrénéenne con­trôle, en atten­dant de l’ab­sorber com­plète­ment, la Société biter­roise de force et lumière. Enfin, l’Én­ergie élec­trique du Sud-Ouest et la Société Pyrénéenne ont signé un accord délim­i­tant le champ de leur secteur respec­tif. C’est ain­si qu’on élim­ine la concurrence.

Est-il vrai­ment téméraire de dire que ces six ou sept Sociétés groupant un cap­i­tal de 65 mil­lions et une pro­duc­tion de 264.000 chevaux, au min­i­mum, sont entre les mêmes mains et ne for­ment qu’une vaste asso­ci­a­tion, une sorte de trust de la houille blanche.

Le citoyen Car­li­er, dont j’ai lu avec atten­tion les arti­cles du Social­isme, haussera peut-être les épaules. N’empêche. Je le dirai. Je tâcherai — ne faut-il pas con­va­in­cre les incré­d­ules — de le prou­ver par un amas de preuves.

L’Én­ergie du lit­toral méditer­ranéen [[À not­er que le vice-prési­dent de l’En­ergie Elec­trique du lit­toral Méditer­ranéen est M. André Pos­tel-Vinay, admin­is­tra­teur du « Sud Elec­trique », de la « Com­pag­nie Générale Parisi­enne de tramways » et de la Com­pag­nie du chemin de fer mét­ro­pol­i­tain de Paris.]] forme la tête du trust.

Le prési­dent de son con­seil d’ad­min­is­tra­tion, M. Augustin Féraud, est en même temps prési­dent de l’Én­ergie élec­trique du Sud-Ouest. M. Féraud est un homme impor­tant et très occupé, trou­vant moyen encore d’ap­porter son activ­ité admin­is­tra­tive à la Com­pag­nie du P.-L.-M. et de présider la Société mar­seil­laise de crédit.

Son bras droit, M. G. Cordier, n’oc­cupe pas une sit­u­a­tion moins impor­tante. Nous avons énuméré plus haut quelques-unes des Sociétés qu’il admin­istre et pré­side ; dans l’une d’elles, la Société avi­gnon­naise, il ren­con­tre de pré­cieux con­cours : ceux notam­ment de M. H. Cahen, prési­dent des Forces motri­ces de la Vis, admin­is­tra­teur des Forces motri­ces d’Au­vergne, et de M. Mau­reau, le séna­teur rad­i­cal-social­iste du Vaucluse.

Nous avons dit aus­si plus haut que l’Én­ergie du lit­toral Méditer­ranéen avait loué toutes les instal­la­tions des Forces motri­ces de la Haute Durance ; un rapi­de coup d’oeil sur le Con­seil d’ad­min­is­tra­tion de cette dernière société n’est pas sans intérêt : le prési­dent est M. Loménie, com­mis­saire des comptes des mines de la Loire, admin­is­tra­teur de la Thom­son-Hous­ton ; le vice-prési­dent, M. Aubert, directeur hon­o­raire de la Com­pag­nie des chemins de fer de l’Es­pagne ; par­mi les admin­is­tra­teurs-délégués, M. Loucheur, qui fig­ure dans huit autres con­seils d’ad­min­is­tra­tion de sociétés d’élec­tric­ité et qui est admin­is­tra­teur-délégué de l’Én­ergie élec­trique du Nord de la France ; M. Tis­sot, qui appar­tient à qua­tre autres sociétés d’élec­tric­ité, dont l’U­nion Élec­trique de Saint-Claude (Jura) et qui est, en out­re, directeur de la Banque suisse des Chemins de fer et admin­is­tra­teur de la Com­pag­nie Fraissinet.

Enfin par­mi 5 admin­is­tra­teurs, notons MM. O. Jéramec et Bouilloux-Lafont.

La con­clu­sion de cette énuméra­tion déjà bien longue, quoique réduite ? Eh bien la voici :

Faites un sché­ma ; placez au cen­tre l’Én­ergie élec­trique du lit­toral méditer­ranéen avec son prési­dent, M. Féraud et son admin­is­tra­teur-délégué, M. Cordier. Vous apercevrez qu’ils ont créé ou absorbé, qu’ils con­trô­lent ou font con­trôler par leurs admin­is­tra­teurs, les affaires de seize sociétés d’é­clairage ou de vente de force électrique.

Voici la liste de ces sociétés :

L’Én­ergie élec­trique du Sud-Ouest ; le Sud élec­trique ; la Société Nîmoi­se ; la Société Avi­gnon­naise ; Les Forces motri­ces de la Haute Durance ; l’Én­ergie élec­trique du Nord de la France ; l’Én­ergie élec­trique du Cen­tre ; la Com­pag­nie Élec­trique de la Loire ; la Com­pag­nie Élec­trique Edi­son de Saint-Eti­enne ; les Forces Motri­ces de la Vis ; les Forces Motri­ces et éclairages de Greno­ble ; l’Élec­tric­ité de Narta­by ; l’U­nion Élec­trique ; l’Élec­trique du Midi ; la Com­pag­nie Élec­trique du Nord ; les Forces Motri­ces d’Au­vergne, c’est-à-dire la presque total­ité des affaires d’élec­tric­ité par la houille blanche, en tout cas les plus impor­tantes qui soient connues. 

Devant de tels faits, on goûtera mieux l’ironie de la dépo­si­tion faite par M. Cordier devant la Com­mis­sion par­lemen­taire chargée d’ex­am­in­er le pro­jet relatif aux Usines hydrauliques sur les cours d’eau non nav­i­ga­bles, ni flottables.

S’adres­sant à M. Cordier, le rap­por­teur disait :

[(Bien que le Gou­verne­ment, dans l’ex­posé des motifs, affirme à plusieurs repris­es l’in­térêt d’ap­porter une lim­i­ta­tion à l’ac­ca­pare­ment des chutes, cette lim­i­ta­tion n’ex­iste pas dans le pro­jet. Ne con­viendrait-il pas que la Com­mis­sion intro­duisît une mod­i­fi­ca­tion don­nant un résul­tat pra­tique et effectif ?

M. Cordier. — L’ac­ca­pare­ment des chutes ne me paraît pas à redouter.

M. le Rap­por­teur. — C’est de l’avenir que je m’occupe.

M. Cordier. — Les chutes sont extrême­ment divisées et il sera tou­jours extrême­ment dif­fi­cile à une société de se les appro­prier toutes dans une même région [[Annexe au procès-ver­bal de la séance du 21 févri­er 1908. Rap­port n°1535, page 73.]].)]

M. Cordier est un joyeux pince-sans-rire. Avec ses amis, il ne s’ap­pro­prie pas les chutes ; il se con­tente de faire absorber par une société toutes les sociétés pro­prié­taires de chutes ou de con­ces­sions d’é­clairage et de force motrice. Quand une Société refuse de se laiss­er absorber, comme le fit prob­a­ble­ment la Société Pyrénéenne d’Én­ergie Élec­trique, on s’en­tend avec elle, on lui vend les usines et les chutes dont on est pro­prié­taire dans sa région et l’on procède à une délim­i­ta­tion du ray­on au-delà duquel cha­cune des sociétés con­trac­tantes s’in­ter­dit formelle­ment d’aller ven­dre du courant soit pour l’É­clairage, soit pour la force motrice. Cela, en atten­dant que la fusion se fasse.

Com­prend-on main­tenant la ruée des cap­i­tal­istes vers les mon­tagnes ? Non, certes, pour y respir­er sim­ple­ment l’air pur. Il y a là d’im­menses richess­es naturelles. Elles ont déjà, en grande par­tie, été volées par le syn­di­cat de l’Elec­tro-métal­lurgie, le jeune fils du puis­sant comité des Forges.

Quelques naïfs par­lent aujour­d’hui de nation­al­i­sa­tion de la houille blanche, comme s’il était pos­si­ble de faire lâch­er prise aux fauves du patronat métal­lur­giste, de leur desser­rer les crocs au moyen d’une pau­vre réso­lu­tion par­lemen­taire. N’a-t-on pas la con­vic­tion, après tant de faits récents, que ces êtres sont au-dessus des lois et des Par­lements. Ils tien­nent les Par­lements ; c’est eux qui leur dictent les lois.

A. Mer­rheim


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