URSS
Un recueil de textes de 20 pages, intitulé « Socialiste 82 », est paru en samizdat à Moscou en été 1982. Les différents textes, écrits par plusieurs auteurs, abordent un certain nombre de problèmes : que veut dire être socialiste en URSS aujourd’hui, qu’est-ce que l’eurocommunisme, comment définir le régime soviétique, la lutte pour la paix, socialisme et religion, la non-violence, la guerre aux Falklands, etc. Le recueil étant limité, ces sujets sont plus effleurés que traités en profondeur. Mais ils permettent de cerner assez bien la pensée de leurs auteurs et leurs influences : la social-démocratie, l’eurocommunisme et le socialisme humaniste du XIXe siècle, ce tronc commun d’où sont sortis la social-démocratie, le communisme et l’anarchisme. À ce titre, une influence libertaire est très nettement perceptible chez certains auteurs.
Parmi les opinions et les idées développées dans ce recueil, un certain nombre sont proches des idées ou des préoccupations anarchistes. Par exemple A. Lepleev, partisan de la IIe Internationale, développe dans son texte le concept de « capitalisme d’État » appliqué au régime soviétique et à ses satellites. V. Potman soutient et défend les pacifistes soviétiques victimes de la répression. E. Rzia explique ses conceptions sur la non-violence, qui reposent sur Gandhi et Martin Luther King, mais aussi sur la grève générale des anarcho-syndicalistes et qui s’opposent aux barricades et aux révolutions dans le sang (cf p. 4). Un extrait d’un texte publié par les tolstoïens et repris par « Socialiste 82 » traduit le mieux cette influence libertaire :
« Il existe deux types de socialisme. Tous deux poursuivent le but du plus grand bien-être pour tous. L’un s’efforce d’atteindre le bonheur universel ; l’autre de donner à chacun la possibilité d’être heureux à sa manière. L’un reconnaît l’autorité de l’État ; l’autre ne reconnaît aucune autorité. L’un exige le monopole pour l’État ; l’autre désire la suppression de tout monopole. L’un veut que la classe dirigée devienne dirigeante ; l’autre veut la suppression des classes. L’un croit à la guerre sociale ; l’autre croit seulement aux œuvres de paix. Il n’existe que ces deux socialismes. L’un en est resté au stade de l’enfance ; l’autre est à l’âge adulte. L’un appartient déjà au passé ; l’autre à l’avenir. » (E. Lessine, « Cercle de lecture », Moscou 1910).
Une partie des textes de ce recueil sont disponibles en français dans les Cahiers du Samizdat (nº 91, janvier 1983), rue du Lac 48, 1050 Bruxelles, BELGIQUE.
Pologne
La Commune de Cronstadt, dernier sursaut de l’«esprit de 1917 » en Russie, est occultée et calomniée dans l’histoire officielle soviétique. Bien que qualifiée de « contre-révolutionnaire », elle se voulait en fait le début d’une troisième révolution qui aurait balayé les nouveaux maîtres bolcheviks. Ce qui explique entre autres ce désir de faire oublier Cronstadt : E. Kouznetsov dans « Journal d’un condamné à mort » raconte que le plus ancien prisonnier de son camp (en 1971) était un marin de Cronstadt. 50 ans après, la participation à la révolte de Cronstadt valait toujours la prison.
Cette occultation des évènements de Cronstadt a conduit les publications clandestines à s’y intéresser. Perspektivy, revue de l’«Opposition de Gauche » de Leningrad en 1978 a publié un débat pour et contre Cronstadt (ce qui montre l’efficacité de la propagande). Nous avons eu connaissance récemment d’une brochure de 66 pages publiée en 1981 à Varsovie par les éditions KRAG et intitulée « Petrograd-Cronstadt, la troisième révolution ». KRAG (le Cercle) est une maison d’édition indépendante, plutôt de gauche et laïque d’après son catalogue.
Cette brochure a comme but explicite de lutter contre la falsification de l’histoire qui en URSS comme en Pologne occulte ou déforme les faits et les évènements ne cadrant pas avec l’histoire officielle. L’introduction présente le pourquoi et le contenu de la brochure, puis brosse un bref tableau de la révolution de 1917 à 1921. « Cronstadt sur fond de révolution russe » est un extrait d’une brochure de T. Parczewski parue en 1935 à Varsovie. Son auteur, un polonais, a vécu à Cronstadt et à Petrograd de 1912 à 1921 et il donne un tableau des évènements et de la vie quotidienne dans ces deux villes de 1917 à 1921. « De Février 17 à la veille de la NEP » est un article d’un historien soviétique, B. Crlov, émigré à Jérusalem et tiré de la revue Kontinent (nº9/1976) qui présente les causes, le déroulement et l’échec des grèves ouvrières à Petrograd en février 1921. « La vérité sur Cronstadt » de S. Petritchenko est la compilation de trois articles de l’ancien président du soviet de Cronstadt et donne la version des insurgés quant à la lutte des habitants de la ville contre l’Armée rouge et ses causes. Le dernier article est un nouvel extrait de la brochure de Parczewski, qui raconte ce qu’il a vu de l’insurrection (en donnant des documents) et qui s’achève par une présentation de la NEP (Nouvelle Politique Économique) adoptée par les bolcheviks après l’écrasement de Cronstadt, de peur d’un soulèvement du pays entier.