Il en a été de même pour les conventionnels. Au début, ils suppriment la royauté, mais, malgré cela, se croient, eux, indispensables au bonheur de la France ; alors chaque intelligence, secondée par des intelligences moins brillantes ou moins audacieuses, forme un parti, cherche à détruire toutes celles qui ne se rangent pas sous son sceptre et à conquérir la dictature.
De là une oligarchie créée pour le bon fonctionnement de la meilleure expression des parlements.
Puis, peu à peu, la corruption gagne les légiférants : ils sont despotes par intérêt ou ambition, — c’est l’expression ordinaire des assemblées législatives.
La Convention a passé par ces deux phases, qui, dans leurs effets, sont presque semblables. Nous en avons subi et en subissons encore les conséquences ; pourquoi cela ne détourne-t-il pas la masse du gouvernementalisme dont elle est si entichée ? Pourquoi?…
III
Le nouveau régime se composait de cinq directeurs, d’un conseil des Cinq-cents et d’un conseil des Anciens. À cette époque, Babœuf faisait une active propagande communiste avec son journal Le Tribun du Peuple. C’était un autoritaire absolu rêvant une égalité uniforme, sans se douter que son communisme supprimait toute individualité et initiative. Quoique son erreur soit partagée encore aujourd’hui — sous une autre forme — par les socialistes autoritaires, nous le saluons ici comme l’un des précurseurs du socialisme scientifique et libertaire.
Le 7 ventôse, plusieurs clubs furent fermés, entr’autres le club du Panthéon, rendez-vous des babouvistes.
En réponse aux persécutions, le manifeste des Égaux est lancé ; ils disent : « La Révolution française est l’avant-courrière d’une autre révolution qui sera la dernière. — Périssent, s’il le faut, tous les arts, pourvu qu’il nous reste l’égalité réelle. — Point de partage : c’est une calomnie ! Calomnie ! — La terre n’est à personne ; les fruits sont à tout le monde. — Tous les hommes ont les mêmes besoins et les mêmes facultés »1Certes, ce manifeste renferme d’excellentes choses : il restera dans l’histoire comme la protestation des honnêtes gens contre les empiètements d’une bourgeoisie rapace ; seulement, la loyauté, la juste indignation n’empêchent pas d’apercevoir le doctrinarisme autoritaire. En effet, la destruction des œuvres d’art retarderait le Progrès, et la solution du problème social n’est pas derrière mais devant nous : ce serait donc la reculer d’autant ; d’un autre côté, il n’est pas vrai que les hommes aient les mêmes besoins et les mêmes facultés : voilà pourquoi le communisme est impossible. Nous le répétons, sauf ces deux erreurs, le manifeste des Égaux était juste..
Le 6 prairial an IV, Babœuf, Darthé et sept autres furent condamnés à mort. C’était logique, le privilège se cimentant dans le sang.
Avant la chute des derniers socialistes la France se trouve la proie de Barras, La Réveillère. Sieyès et Bonaparte. Les conjurations d’antichambre, et d’alcôves ne rentrant pas dans le cadre de notre travail qui est moins une œuvre historique qu’une œuvre philosophique et sociale, nous passons.
Les Cinq-cents votent, le 6 thermidor, l’interdiction provisoire (?) de toute société particulière s’occupant de questions politiques. Les Anciens sanctionnent ce vote. La France était encore dépossédée d’une de ces libertés que le peuple avait conquises les armes à la main et que ses députés lui retiraient au nom de son bonheur et de la liberté.
Puis, après cette réaction, la course à la dictature est reprise de plus belle.
Dans la nuit du 17 fructidor, les Tuileries sont envahies par 12,000 soldats et 40 canons commandés par Augereau. Barthélemi, le plus libéral des directeurs, est arrêté ; Carnot « l’organisateur de la victoire » s’enfuit en Suisse.
Les Cinq-cents veulent se réunir : ils sont dispersés et plusieurs sont arrêtés. C’est le règne du sabre qui commence. C’en est fait de la liberté !
Le 20 fructidor, les Cinq-cents votent un décret de déportation contre les directeurs et rédacteurs de quarante-deux journaux.
Les élections eurent lieu en l’an VII et les abstentions furent très nombreuses. L’indifférence est l’avant-courrière du despotisme.
(à suivre)
G. D.
- 1Certes, ce manifeste renferme d’excellentes choses : il restera dans l’histoire comme la protestation des honnêtes gens contre les empiètements d’une bourgeoisie rapace ; seulement, la loyauté, la juste indignation n’empêchent pas d’apercevoir le doctrinarisme autoritaire. En effet, la destruction des œuvres d’art retarderait le Progrès, et la solution du problème social n’est pas derrière mais devant nous : ce serait donc la reculer d’autant ; d’un autre côté, il n’est pas vrai que les hommes aient les mêmes besoins et les mêmes facultés : voilà pourquoi le communisme est impossible. Nous le répétons, sauf ces deux erreurs, le manifeste des Égaux était juste.