Je ne suis plus jeune et je le regrette, mais, contrairement aux vieux moroses, j’ai conservé une vive sympathie pour les jeunes et je viens les défendre contre les attaques dont ils sont l’objet depuis quelque temps.
On les accuse de venir à tout instant jeter des bâtons dans les roues et gêner la propagande anarchiste « sérieuse » par leurs insupportables coups de tête.
Sont-ils vraiment aussi insupportables que cela et ne peut-on leur passer leur propagande un peu « à la diable », je l’admets, en raison de leur sincérité et de leur dévouement.
Leur amour de l’autonomie individuelle ne les empêche pas d’avoir quelques fois, souvent même, des idées pratiques : la ligue des anti-patriotes, le manifeste aux conscrits, la vente des journaux et des brochures anarchistes dans toutes les réunions, témoignent assez en leur faveur.
« S’ils ne sont pas arrivés à débarrasser leurs idées des quelques nébulosités qui les obscurcissent encore, s’il leur reste dans l’esprit quelques aspirations vagues et non encore définies », laissez-les se former, laissez-les jeter leur gourme et rapidement cela passera.
Au lieu de pontifier, au lieu de les blaguer de loin et de leur reprocher leur inexpérience de la lutte, faites donc comme moi et quelques autres venez au milieu d’eux non en professeurs mais en amis, non en pions mais en camarades, et vous abandonnerez bien vite vos injustes préventions.
Au lieu d’écrire prétentieusement de lourds articles dans un journal fermé, au lieu de discuter entre vous dans un groupe plus fermé encore, mêlez-vous un peu plus à la lutte, faites un peu plus de propagande active et vous jugerez mieux les choses parce que vous les verrez mieux.
La propagande des jeunes n’est exempte de quelques exagérations de langage, je le reconnais ; des attaques puériles et inutiles contre quelques personnalités peuvent permettre « aux détraqués et aux malintentionnés de mettre sur le dos des idées anarchistes des actes et des théories qui en sont la négation », c’est bien possible ; mais pourquoi ne quittez vous pas votre Olympe et ne venez-vous pas développer les vraies théories et affirmer les vrais actes ?
Mais il est plus commode de critiquer et plus doux encore de ne rien faire.
Pendant que vous chantez la romance de Galathée, les jeunes s’agitent et travaillent, comme ils savent.
Si vous les fréquentiez un pas plus, vous verriez avec quelle cordialité ils accueillent tout anarchiste sérieux (?) qui vient sans morgue avec eux, vous verriez avec quelle bonne volonté ils s’efforcent de ne pas le gêner, avec quel dévouement ils lui prêtent leur concours.
Ils ne veulent pas par exemple s’effacer complètement devant lui, ni se laisser absorber et ils ont bougrement raison. Pas de fétiche ! pas de dogme ! et surtout pas de grands prêtres !
Oseriez-vous le leur reprocher ?
S’il y eut quelques gamineries de commises à la réunion du théâtre du Château d’Eau, je ne crains pas d’affirmer qu’elles eussent été évitées si quelqu’un eut été là, en qui les jeunes eussent eu confiance, pour combattre les radicaux par la parole.
Pourquoi personne de vous n’y était il ?
En résume, à part le Meeting de la Boule Noire, où jeunes et vieux ont donné avec ensemble, toute la propagande a été faite par les jeunes et ceux qui les aiment.
Qui a creé la ligue des anti-patriotes et en a propagé les principes ? Les Jeunes.
Quels sont les membres les plus actifs des anti-propriétaire ? Les Jeunes.
Qui a prêté aux cosmopolites un concours dévoué ? Les Jeunes.
Qui a suivi et soutenu la campagne contre les bureaux de placement ? Les Jeunes.
Qui a gêné les radicaux dans leurs tentatives de propagande au Cirque d’Été, au Château d’Eau et au Gymnase Chrismans ? Les Jeunes.
Qui profite de la période électorale pour faire de la propagande ? Les Jeunes et leurs amis.
Et vous, leurs détracteurs, qu’avez vous fait pendant qu’ils se multipliaient ainsi ? RIEN.
VIVENT LES GOSSES !
A. Tennevin