La Presse Anarchiste

Les amis de Fournière

Dans le der­nier numé­ro du Socia­lisme, le sous-Guesde Gra­dos prête à Lafargue un mal­veillant pro­pos. Il aurait dit, paraît:il, que « pour se ven­ger de l’Huma­ni­té, le Matin ferait atta­quer le Par­ti socia­liste par Pou­get, Grif­fuelhes et d’autres anar­chistes de la Confédération. »

Je ne sais si le pro­pos est exact. C’est bien pro­bable, car il cadre assez bien avec le genre de rai­son­ne­ment de Lafargue qui, on le sait, ne pêche, ni par esprit de suite, ni par excès de loyauté.

En tous les cas, si quel­qu’un devrait se taire et ne pas prê­ter aux autres des inten­tions mal­veillantes, c’est bien le citoyen Lafargue. Quand on a dans son pas­sé une aus­si triste his­toire que celle de l’Alian­za, on a au moins la pru­dence d’é­vi­ter qu’elle puisse vous être lan­cée à la tête.

Ces obser­va­tions faites, arri­vons aux faits que Gra­dos me reproche.

— O —

Dans le Matin, le minis­té­ria­liste Four­nière s’é­tait escri­mé à démon­trer que la Crise socia­liste — dont il pro­cla­mait l’a­cui­té — est due à l’im­mix­tion dans le « Par­ti » (dont Lafargue, Bas­ly, le Dele­salle du Réveil du Nord, etc., sont les orne­ments) d’élé­ments et d’i­dées anarchistes.

En réponse à cette pré­ten­due démons­tra­tion j’ai — dans le Matin aus­si — expli­qué qu’à mon avis, la « crise socia­liste » dénon­cée par Four­nière, a des causes autre­ment pro­fondes. J’ai mon­tré que l’o­rien­ta­tion par­le­men­taire et la fièvre d’arrivisme qui font du par­ti socia­liste le suc­cé­da­né du radi­ca­lisme, sont les véri­tables causes de la crise en ques­tion. J’ai répon­du à Four­nière que les tra­hi­sons et les renie­ments de Mil­le­rand, Vivia­ni, Briand, illus­traient mer­veilleu­se­ment ma thèse et, sans citer d’autres exemples, — ce qui ne m’eût pas été dif­fi­cile — j’ai sou­li­gné com­bien était grand, dans le par­ti, le sou­ci de par­ve­nir, de faire dans la socié­té actuelle sa « petite révo­lu­tion », toute personnelle.

En réa­li­té, j’ai fait la cri­tique du réfor­misme. Et c’est pro­ba­ble­ment parce que Gra­dos et Lafargue se sentent mor­veux qu’ils m’ac­cusent d’a­voir « atta­qué le parti ».

Il est, en effet, bien cer­tain que les gues­distes ne sont que des réfor­mistes ratés et aigris.

Pour s’en rendre compte, il suf­fit de se sou­ve­nir qu’en 1894 Guesde dépo­sa un pro­jet de loi contre les grèves, pro­jet que n’a eu qu’a reprendre et très peu reta­per Mil­le­rand, pour en faire son pro­jet d’ar­bi­trage obligatoire.

Guesde disait que, s’il était appli­qué, son sys­tème « crée­rait l’ordre maté­riel, à prio­ri et défi­ni­ti­ve­ment… que ce serait l’é­tat social suc­cé­dant à l’é­tat de nature… et réa­li­se­rait le maxi­mum d’ordre social ».

Avec son pro­jet d’é­tran­gle­ment des grèves, — en les par­le­men­ta­ri­sant comme Guesde, — Mil­le­rand ne visait pas autre chose que de réa­li­ser le maxi­mum d’ordre social. Donc, quelle dif­fé­rence y a‑t-il entre eux, théo­ri­que­ment ? Aucune !

Et, pour mieux mon­trer qu’il y a concor­dance de pen­sées entre les réfor­mistes et les gues­distes, quand je donne la réplique au minis­té­ria­liste Four­nière, ce sont les gues­distes qui crient.

J’ai dit à Fournière :

La véri­té, vous ne vou­lez pas la voir. La crise n’est pas que dans le par­ti socia­liste. Elle est dans tous les par­tis. Tous sont comme le café ser­vi à Louis XV par la Dubar­ry : ils f…t le camp!…

Ce n’est pas la sou­ve­rai­ne­té poli­tique qui importe, c’est la sou­ve­rai­ne­té éco­no­mique. Or, la classe ouvrière sait le mal : elle prend conscience de cette néces­si­té et elle tra­vaille aux trans­for­ma­tions inévi­tables. Déçue par vous et vos amis, elle apprend à ne plus comp­ter que sur elle-même…

Dans ces quelques phrases qui visent le minis­té­ria­liste Four­nière et répondent à ses jéré­miades, le sous-Basile qu’est Gra­dos a décou­vert que je m’en suis pris au par­ti socia­liste tout entier et à lui et à ses amis… L’a­veu est à retenir !

Guesde, Lafargue et Cie sont, de l’a­veu de Gra­dos, les amis de Four­nière, et quand je fouaille Mil­le­rand, Vivia­ni, Briand, c’est Lafargue et Gra­dos qui se sentent touchés.

E. Pou­get


Dans le même numéro :


Thèmes


Si vous avez des corrections à apporter, n’hésitez pas à les signaler (problème d’orthographe, de mise en page, de liens défectueux…

Veuillez activer JavaScript dans votre navigateur pour remplir ce formulaire.
Nom

La Presse Anarchiste