La Presse Anarchiste

Deux hommes

image_pdfimage_print

Hen­ri JACQUES, l’au­teur de Nous… de la Guerre, col­la­bo­re­ra aux Temps Nou­veaux.

Je tiens per­son­nel­le­ment à remer­cier notre cama­rade de l’empressement avec lequel il accep­ta de col­la­bo­rer à notre Revue. Hen­ri Jacques est un ami de pen­dant la guerre ; nous appar­te­nions à la même uni­té et nous y avons connu les mêmes souf­frances, les mêmes angoisses et aus­si les mêmes espoirs.

Que ce soit dans la boue « glo­rieuse » du San­terre, sui­vant l’ex­pres­sion d’un géné­ral com­man­dant notre corps d’ar­mée, dont le génie s’exer­ça prin­ci­pa­le­ment à bri­mer le poi­lu. Que ce soit sur les flancs de ce Mont Cor­nillet crayeux et dénu­dé, dont la cime sem­blait être un vol­can cra­chant du matin au soir et du soir au matin une pluie de fer et de feu!… Que ce soit dans ce Ver­dun mau­dit où la mort nous guet­tait à chaque pas, par­tout nous avons connu les mêmes hor­reurs de cette guerre infer­nale et par­tout, hélas ! nous avons lais­sé dans quelques endroits déjà oubliés, de bons cama­rades au cœur généreux.

Et puisque cette grande fau­cheuse d’hommes qu’est la guerre a dai­gné nous épar­gner, tra­vaillons de toute notre éner­gie et de notre intel­li­gence, nous qui, mieux que M. Bar­rès, savons tout le mal qu’elle a fait, à en empê­cher le sombre et san­glant retour.

Jacques Gué­rin

Deux hommes

Un même obus les a plongés
Dans la boue où la mort se vautre,
Alors qu’ils fon­çaient l’un sur l’autre
Comme deux tau­reaux enragés.

La même des­ti­née leur creuse
Un trou quel­conque à fonds perdus,
Leur sang, sur le sol répandu,
Fait la même tache vineuse.

De leurs pru­nelles agrandies
Dont la dou­leur ter­nit l’éclat,
Voi­ci que la haine s’en va,
La grande colère est finie.

Ces gars que n’a jamais hanté
Le sou­ci de savoir les causes,
Dans leur cœur, un ins­tant, se pose
L’é­blouis­sante vérité.

Ils se regardent, ils comprennent
Qu’ils sont les dou­lou­reux pantins
Que fait se cho­quer le destin
Au nom des prin­cipes de haine.

Ils ont obéi sans savoir
Cette sublime duperie :
« Pour moi, leur criait la Patrie ;
Conquêtes, hon­neurs… le devoir ! »

Ils se regardent en silence
Dans une sorte de réveil,
Ils se voient tris­te­ment pareils,
Ces deux enne­mis en présence.

Si leurs mains s’é­treignent encore,
Ce n’est plus pour l’œuvre de guerre,
Ils se sentent comme des frères
Que va récon­ci­lier la mort.

Les peuples jetés dans la lice
Sous l’œil nar­quois des vieux Césars,
Esclaves des rouges hasards
Et d’une incer­taine injustice.

Seront-ils tou­jours condamnés
À se recon­naître et s’absoudre,
Trop tard, à l’heure de la foudre,
A tra­vers le gouffre entraînés ?

Hen­ry Jacques 
(La sym­pho­nie héroïque, Marche funèbre.)


Dans le même numéro :


Thèmes


Si vous avez des corrections à apporter, n’hésitez pas à les signaler (problème d’orthographe, de mise en page, de liens défectueux…

Nom

La Presse Anarchiste