La Presse Anarchiste

En Italie


Les pro­lé­taires d’Italie, comme ceux de France et d’ailleurs, paraissent désem­pa­rés. Jamais le mou­ve­ment ouvrier ne fut aus­si lâche. La guerre aurait-elle émous­sé les éner­gies et enle­vé à tous ceux qui triment un peu de leur foi en l’action révo­lu­tion­naire. L’époque est pour­tant triste, ter­rible. En Ita­lie par­ti­cu­liè­re­ment, la vie est hors de prix. L’existence y est dif­fi­cile à ceux qui n’ont, pour vivre, que le pro­duit de leur tra­vail. On s’explique péni­ble­ment com­ment les ouvriers ita­liens sup­portent un aus­si ter­rible état de choses. L’échec de leur der­nière révolte et la tra­hi­son cer­taine des chefs, en cette cir­cons­tance, semblent les avoir décou­ra­gés. Des grèves par­tielles, inter­mit­tentes, ont lieu un peu par­tout, mais elles sont vite arrê­tées. La bour­geoi­sie se défend et sait exploi­ter les divi­sions ouvrières nées de la guerre.


Le Fas­cisme sévit et, momen­ta­né­ment, triomphe. Il ter­ro­rise la pénin­sule. Les tra­vailleurs réagissent et leur action paraît, pour l’instant, n’avoir d’autre but que la lutte contre le nationalisme.

C’est la guerre civile. Les fas­cistes, sous le regard bien­veillant de la police, taci­te­ment encou­ra­gés, aidés et sou­te­nus par la bour­geoi­sie, sèment par­tout la mort. For­te­ment orga­ni­sés, ils vont, dans les centres ouvriers, accom­plir leur besogne quo­ti­dienne de ban­di­tisme. Bourses du tra­vail, coopé­ra­tives, mai­sons com­munes sont pillées, sac­ca­gées, incen­diées. Ils violent jusqu’aux demeures pri­vées des militants. ,


Nous citons, entre plu­sieurs, un fait ter­rible, qui carac­té­rise l’inquisition fasciste.


À Gros­so­len­go, près de Pia­cen­za, demeure la famille du cama­rade Orlan­di­ni, qui jouit, dans le pays, d’une excel­lente répu­ta­tion. C’est un révo­lu­tion­naire sin­cère. Cela, jus­te­ment, le dési­gna à la haine des fas­cistes. Il y a quelques mois, un d’eux, nom­mé fiol del Nan, fameux par ses exploits, entra chez lui, mis tout sens des­sus des­sous, mena­çant tout le monde brutalement.


Le fait fut dénon­cé à l’autorité qui ne lui don­na aucune suite. Tout est per­mis aux fas­cistes. La mai­son d’Orlandini fut, par la suite, à plu­sieurs reprises, enva­hie par les natio­na­listes armés, sans égards pour la vieille mère de ce cama­rade et pour ses sœurs terrorisées.


Le 7 jan­vier, ils recom­men­cèrent leur infâme expé­di­tion. Orlan­di­ni était absent. Les fas­cistes, revol­ver au poing, mena­cèrent de même toute sa famille.


Sa sœur, crai­gnant pour sa vieille mère et pour lui, en réfé­ra au juge d’instruction. Celui-ci la mit à la porte.


Un hon­nête adver­saire, Atti­lio Cal­za­ros­si, s’émut de ces faits et pria Orlan­di­ni de se rendre avec lui au Fas­cio di com­bat­ti­men­to di Pia­cen­za pour dénon­cer les exploits des fas­cistes. Orlan­di­ni, sup­plié par sa mère, céda. Il par­tit à Pia­cen­za avec Cal­za­ros­si et se pré­sen­ta au Fas­cio où se trou­vaient le fameux Mos­co­ni et le non moins fameux Bar­biel­li­ni, ain­si que 15 autres fascistes.


Cal­za­ros­si par­la. Il fut mis à la porte avec deux paires de gifles. Orlan­di­ni fut rete­nu. Mos­co­ni l’interrogea


— Où caches-tu tes armes ?


— Je n’en ai pas, ni sur moi ni à la maison.


Bar­biel­li­ni intervint.


— Si tu ne te confesses pas de suite, je te tue et je te jette dans le Pô.


— Je n’ai rien à confesser.


Bar­biel­li­ni bâillonne Orlan­di­ni et Mos­co­ni le blesse avec un poignard.


Orlan­di­ni suf­foque, gémit.


— Fag­gi dit que nous avons tué 14 ouvriers. Tu seras le quinzième.


Orlan­di­ni eut ses che­veux arra­chés avec des tenailles, fut brû­lé avec un fer rouge et eut les pieds mar­te­lés. Recueillant toutes ses forces, il cria : « Tuez-moi ! » Mos­co­ni répondit :


— Non, lâche ; nous te ferons souf­frir. On t’arrachera les ongles avec des tenailles…


Enfin, le com­mis­saire de P.S., Bel­li, pré­ve­nu par Cal­za­ros­si, arri­va, sans s’être pres­sé, au Fas­cio ? Bel­li est seul. Il ne veut pas de témoins. C’est un magis­trat, mais il est, avant tout, fas­ciste. Il pose quelques ques­tions à ses amis et à Orlan­di­ni, qui ne peut répondre : on le lui en empêche.


Les fas­cistes disent à Belli


— Ce n’est rien, com­man­deur, Orlan­di­ni est tombé.


Et Bel­li, com­man­deur et com­mis­saire de P.S., s’en va. Orlan­di­ni est socia­liste : il peut cre­ver. Les fas­cistes ont le droit d’assassiner.


Orlan­di­ni demande à être trans­por­té à l’hôpital. Les fas­cistes refusent et ils le conduisent à la mai­son. Orlan­di­ni est tou­jours à la mai­son, abî­mé, sans doute, pour toujours.


Mos­co­ni et Bar­biel­li­ni sont libres à Pia­cen­za, prêts à recom­men­cer leurs cri­mi­nels exploits


C’est ain­si que les Fas­cistes ter­ro­risent toute l’Italie, aidés et sou­te­nus par la police et le Gou­ver­ne­ment. Leur agi­ta­tion constante et cri­mi­nelle sera peut-être la cause d’un futur mou­ve­ment révo­lu­tion­naire. Contre le fas­cisme, la grève géné­rale vient d’être décré­tée à Naples. Nous sou­hai­tons qu’elle gagne toute l’Italie. Comme le demande Uma­ni­ta Nova, puissent tous les pro­lé­taires com­prendre le besoin pres­sant d’agir jusqu’à la défaite com­plète de la Réaction !


Fabrice.


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