La Presse Anarchiste

Mouvement international En Allemagne

Le der­nier mou­ve­ment de grève

Les tra­vailleurs alle­mands, à force de lut­ter révo­lu­tion­nai­re­ment, obtinrent non seule­ment la liber­té poli­tique tant prô­née, c’est à dire la liber­té de se lais­ser abattre par les maîtres qu’ils s’étaient eux-mêmes don­nés au lieu de ceux qu’ils avaient, par la grâce de Guillaume, mais encore conquirent quelques avan­tages éco­no­miques. Les tra­vailleurs et les fonc­tion­naires de l’État, et des com­munes prin­ci­pa­le­ment, purent jouir de ces avan­tages là. Main­te­nant, après qu’une Réac­tion géné­rale s’est peu à peu éten­due, les maîtres du pou­voir croient le moment venu de rendre illu­soires les conquêtes révo­lu­tion­naires. Pour la pre­mière fois ici, l’État appa­rut dans l’histoire comme employeur et rien qu’un simple employeur en face des fonc­tion­naires et comme tel il se mon­tra beau­coup plus bru­tal, plus arro­gant que les entre­pre­neurs privés.

Les avan­tages qui ensuite devaient être reti­rés aux tra­vailleurs et aux fonc­tion­naires étaient : la jour­née de huit heures, puis le droit de par­ti­ci­pa­tion dans les déci­sions du Conseil de l’Exploitation ; en outre, on devait intro­duire dans les condi­tions du tra­vail des aggra­va­tions que les ouvriers et les fonc­tion­naires n’acceptèrent pas sans murmure.

Le ser­vice du tra­fic est le nerf vital de la socié­té civi­li­sée ; celui-là cou­pé, toute l’activité éco­no­mique et sociale est alors para­ly­sée. C’est ce qui s’est véri­fié ici. La grève des che­mins de fer embras­sa toute l’Allemagne à l’exception de la Bavière et d’une par­tie de l’ancien duché de Bade. 800.000 che­mi­nots étaient en grève enga­gés dans une action de défense contre l’État oppres­seur. Durant cette grève, les tra­vailleurs et employés com­mu­naux de Ber­lin se joi­gnirent au mou­ve­ment. Cette grève éga­le­ment embras­sa tout le ser­vice du tra­fic ber­li­nois, en outre les usines, de gaz et d’électricité furent arrêtées.

Ber­lin, le centre de l’Allemagne, était sans lumière, sans char­bon, sans tram et sans che­min de fer. Faute de com­bus­tible, un cer­tain nombre d’exploitations pri­vées durent s’arrêter, de sorte que la situa­tion prit de plus en plus tour­nure de grève générale. 

* * * *

Les causes de la grève des che­mins de fer furent autres que celles des tra­vailleurs com­mu­naux ber­li­nois. Depuis long­temps les che­mi­nots étaient en négo­cia­tions avec le Gou­ver­ne­ment au sujet des salaires, mais celles-ci étaient traî­nées en lon­gueur par le Gou­ver­ne­ment et n’amenèrent aucun résultat.

Les che­mi­nots per­dirent enfin patience et décla­rèrent la guerre au Gou­ver­ne­ment ; la grève géné­rale des che­mi­nots d’Allemagne fut pro­cla­mée. À côté des causes géné­rales de la grève qui résident dans la dépré­cia­tion tou­jours plus grande du mark alle­mand, il y eut d’autres causes par­ti­cu­lières qui s’ajoutèrent encore à celles-ci. Par suite de l’effondrement du cours du mark sur le mar­ché inter­na­tio­nal des valeurs, le mark tom­ba à une valeur d’avant guerre de 2 pfen­nig (2 cen­times ½). Les matières pre­mières que l’Allemagne devait ache­ter à l’étranger virent leur cours mon­ter dans les mêmes pro­por­tions et les prix des vivres et des articles d’usage en subirent le contre­coup. Mais les salaires des tra­vailleurs ne mon­tèrent pas dans les mêmes pro­por­tions et les condi­tions de vie chez les ouvriers et employés de l’État devinrent de plus en plus difficiles. 

Celui-là seule­ment put conti­nuer son train de vie comme avant la guerre, dont le reve­nu était de 25 % supé­rieur à ce qu’il était avant la guerre. Mais c’est là une part de la popu­la­tion qui dimi­nue de plus en plus ; ce sont les patriotes de l’arrière et les pro­fi­teurs de la guerre. 

D’après les cal­culs sta­tis­tiques du Gou­ver­ne­ment alle­mand, en décembre le mini­mum du coût de l’existence était pour une famille avec deux enfants, 2.500 marks ; les appoin­te­ments d’un conduc­teur de loco­mo­tive n’étaient cepen­dant pas plus haut que 1.300 à 2.100 marks ; si les che­mi­nots vou­laient ne pas être lit­té­ra­le­ment ron­gés par la faim, il leur fal­lait obte­nir des salaires plus élevés. 

Ce n’est pas tout. À côté de ces rai­sons éco­no­miques, il y eut des rai­sons d’idées qui entrèrent en jeu. Par l’établissement d’une loi spé­ciale, le Gou­ver­ne­ment vou­lait aug­men­ter la jour­née de 8 heures, mais une dis­po­si­tion de cette loi per­met­tait de pro­lon­ger jusqu’à dix et même jusqu’à quinze heures, le temps de pré­sence de l’ouvrier ou de l’employé à l’exploitation. Afin de sau­ver les appa­rences de la jour­née de huit heures, pen­dant tout ce temps on ne tra­vaille­rait que huit heures. Si une inter­rup­tion for­tuite de tra­vail venait à se pro­duire, le tra­vailleur la pas­se­rait et ce temps ne pour­rait être comp­té comme temps de tra­vail. C’était donc là la cause du conflit. Les ouvriers et employés exi­gèrent pre­miè­re­ment : le règle­ment de la ques­tion des salaires en accord avec la hausse crois­sante du prix des vivres et objets d’usage et l’abandon de la loi sur la durée de tra­vail, c’est-à-dire le main­tien inté­gral de la jour­née de huit heures. Le Gou­ver­ne­ment comme employeur ne vou­lut point accor­der et ce fut la grève. 

* * * *

Le Gou­ver­ne­ment, comme repré­sen­tant de l’idée d’État avait tou­jours un inté­rêt à éta­blir aus­si soli­de­ment que pos­sible et à conser­ver la puis­sance de l’État. Or les sou­tiens les plus qua­li­fiées de l’État étaient les mili­taires et les fonctionnaires. 

Dans le vieil État de Prusse les fonc­tion­naires avaient été, pour cette rai­son, ména­gés de telle sorte qu’ils ne connussent jamais la néces­si­té d’exposer leurs reven­di­ca­tions à l’État. De toutes les classes de tra­vailleurs de la nation, c’était la plus pri­vi­lé­giée. Mais ces pri­vi­lèges les enga­geaient aus­si à cer­taines res­tric­tions tan­dis que les tra­vailleurs et employés pri­vés jouis­saient du droit de se réunir pour la sau­ve­garde de leurs inté­rêts éco­no­miques, les fonc­tion­naires et tra­vailleurs de l’État prus­sien et alle­mand, eux, ne l’avaient pas. 

Mal­gré que la Répu­blique, après la révo­lu­tion, se soit effor­cée, comme l’ancienne monar­chie, de main­te­nir la situa­tion pri­vi­lé­giée des fonc­tion­naires de l’État, elle n’a pas réus­si dans la mesure espé­rée. La seule classe qui conser­vait comme par le pas­sé tous ses pri­vi­lèges, fut la caste mili­ta­riste. Celle-ci est la plus impor­tante pour le main­tien de l’ordre éta­tique, du joug capi­ta­liste, aus­si l’État essaie-t-il de lui assu­rer les meilleurs salaires pour gagner sa confiance et s’assurer de ses éléments. 

Afin d’améliorer la situa­tion finan­cière des mili­taires, le Gou­ver­ne­ment alle­mand a cher­ché, pour obte­nir les fonds néces­saires, à pres­su­rer les autres ins­ti­tu­tions de l’État. Mais, d’un autre côté, le Gou­ver­ne­ment alle­mand a à comp­ter avec les pré­ten­dues « néces­si­tés » inter­na­tio­nales qui lui ont été impo­sées par 1e trai­té de Versailles, 

Il fut deman­dé à la confé­rence de Cannes, à laquelle le Gou­ver­ne­ment alle­mand était repré­sen­té par Rathe­nau, d’améliorer cette situa­tion du Gou­ver­ne­ment, afin de parer, avant tout, au défi­cit des entre­prises d’État.

Depuis nombre d’années, dans les che­mins de fer alle­mands en par­ti­cu­lier, on tra­vaillait en défi­cit. Les rai­sons en sont mul­tiples. L’une d’elles mérite pour­tant d’être spé­cia­le­ment mise en relief, parce qu’elle est en rap­port direct avec la posi­tion du Gou­ver­ne­ment avant et pen­dant la grève. Le per­son­nel des che­mins de fer de l’État alle­mand tra­vaillait avant la guerre dix heures ; lorsque après la révo­lu­tion, la jour­née de huit heures fut intro­duite par­tout, il fal­lut aug­men­ter le per­son­nel pour sub­ve­nir aux besoins de l’exploitation ; le chiffre de celui-ci aug­men­ta de 750.000 à un mil­lion. Depuis, de nou­veau, des réduc­tions ont été faites, de sorte que c’est 93.000 hommes qui ont été licen­ciés Pour réduire davan­tage encore le per­son­nel, le Gou­ver­ne­ment vou­lut pro­lon­ger la durée de tra­vail, sui­vant les direc­tives pré­cé­dem­ment indi­quées. 100.000 hommes encore au moins devaient être licen­ciés. Ce fut éga­le­ment une des rai­sons pour les­quelles les che­mi­nots s’opposèrent au pro­jet du Gouvernement. 

Les social-démo­crates déclarent à pré­sent que le Gou­ver­ne­ment n’avait pas d’autre moyen de cou­vrir le défi­cit dans les che­mins de fer. Cela est cepen­dant pour le moins inexact, car l’administration des che­mins de fer fai­sait en même temps auprès des capi­ta­listes pri­vés des grandes usines de métal­lur­gie, des com­mandes tel­le­ment gigan­tesques, que celles-ci englou­tis­saient tout le sur­plus du reve­nu des che­mins de fer, lequel a aug­men­té consi­dé­ra­ble­ment par suite de la hausse nou­velle de plus du double des tarifs fer­ro­viaires, en vigueur depuis le 1er février ; de plus, tous les char­bons néces­saires aux che­mins de fer sont deman­dés aux capi­ta­listes pri­vés, Thys­sen, Stinnes etc… ce sont ceux-là qui empochent les mil­liards de pro­fit, car le char­bon et le fer ont été à nou­veau aug­men­tés à par­tir du 1er février, de 40 à 50 %. 

Ce sont là les omis­sions dont les social-démo­crates se sont ren­dus cou­pables dans les pre­miers jours de la révo­lu­tion et qui se mani­festent à pré­sent. Toute la classe des tra­vailleurs était alors tout feu tout flamme pour la socia­li­sa­tion des mines de char­bon et des grandes usines métal­lur­giques. Les par­tis qui, en Alle­magne étaient depuis Karl Marx les plus puis­sants, les social-démo­crates par­le­men­taires, n’ont rien fait pour don­ner cours à cette aspi­ra­tion des masses. Ils conquirent pour eux et leurs adhé­rents le pou­voir dans l’État, c’est-à-dire quelques sièges minis­té­riels et ce fut là pour eux la révolution. 

Les masses n’en furent point satis­faites, les Jun­kers res­tèrent en pos­ses­sion de la terre comme devant, de même que les barons du char­bon res­tèrent maîtres des mines et les che­va­liers d’industrie de leurs grandes indus­tries. La poli­tique de l’activité éco­no­mique fut après, comme avant, éta­blie au béné­fice de quelques-uns ; les masses durent comme avant la révo­lu­tion se conten­ter des miettes de pain qui tom­baient de la table des gros indus­triels. Et voi­là com­ment il a pu se faire que l’économie n’a pu deve­nir pro­fi­table pour tous et com­ment l’intérêt et le pro­fit de quelques uns res­ta le prin­cipe déter­mi­nant de toute l’économie de l’Allemagne.

Toutes ces omis­sions, fautes et bourdes faites par les par­tis poli­tiques depuis le com­men­ce­ment de la l’évolution en Alle­magne s’accumulèrent tou­jours plus pour ali­men­ter le mécon­ten­te­ment des masses labo­rieuses à l’égard des chefs poli­tiques. À cela vint s’ajouter l’extension de la misère éco­no­mique pour accroître la méfiance des tra­vailleurs et des petits employés. 

Bien que la majo­ri­té des tra­vailleurs et des employés en Alle­magne soit dans les grands syn­di­cats sous une direc­tion social-démo­crate, une par­tie de ces syn­di­cats s’en sont déjà reti­rés… Les groupes d’employés et ouvriers ne sont pas encore allés jusqu’à subir l’influence funeste des chefs social-démo­crates. Les fonc­tion­naires et les ouvriers de l’État en Alle­magne n’ayant conquis le droit de coa­li­tion qu’après la guerre, ce n’est qu’après que la révo­lu­tion eût écla­té qu’ils furent à même de consti­tuer des syn­di­cats. Diverses unions d’employés sur­girent, sui­vant le déve­lop­pe­ment intel­lec­tuel et poli­tique des membres. Les che­mi­nots éga­le­ment orga­ni­sèrent non pas seule­ment un, mais plu­sieurs syn­di­cats. Une par­tie des che­mi­nots s’organisa en union social-démo­crate sous le nom de « Deut­scher Eisen­bah­ner Ver­band » ini­tiales D.E.V. Mais une autre par­tie, et ce fut la majo­ri­té, vou­lut res­ter libre de toute orien­ta­tion poli­tique et c’est pour­quoi elle consti­tua une union sous le nom de « Reichs­ge­werk­schaft deut­scher Eisen­bahn­beam­ter und Anwär­ter ». Cette union com­pre­nait aus­si le syn­di­cat des conduc­teurs de loco­mo­tives. Par suite de sa neu­tra­li­té poli­tique, cette union fut trai­tée de jaune par les social-démo­crates et les communistes. 

* * * *

Cela cepen­dant est tout à fait inexact. Lorsque les che­mi­nots négo­cièrent avec le Gou­ver­ne­ment, les Unions social-démo­crates se mirent pour le moins autant du côté du Gou­ver­ne­ment que de celui des tra­vailleurs et employés qu’elles devaient par­ti­cu­liè­re­ment repré­sen­ter. C’est que les amis per­son­nels et poli­tiques des chefs de ces syn­di­cats, ain­si qu’une par­tie des ministres du Gou­ver­ne­ment étaient membres du par­ti social-démo­crate. Il arrive même par­fois que les repré­sen­tants des syn­di­cats social-démo­crates prennent part aux affaires du Gou­ver­ne­ment. Il leur fal­lut donc sau­ve­gar­der aus­si bien les inté­rêts du Gou­ver­ne­ment que les inté­rêts de leur union, ou, ce qui revient au même, repré­sen­ter à la fois les inté­rêts des employeurs et ceux des employés. Il était à pré­voir que les syn­di­cats social-démo­crates ne pour­raient agir de façon effi­cace dans l’intérêt des employés. La conduite de la bataille contre le Gou­ver­ne­ment ne pou­vait par consé­quent venir que du syn­di­cat plei­ne­ment indé­pen­dant à l’égard du Gou­ver­ne­ment. Et ce syn­di­cat fut pour les che­mi­nots le « Reichs­ge­werk­schaft ». On a pu voir clai­re­ment alors non seule­ment l’incapacité pra­tique du syn­di­cat qui s’appuie sur le Gou­ver­ne­ment, mais aus­si l’inexactitude théo­rique sur laquelle les social-démo­crates alle­mands, et du reste aus­si les syn­di­cats russes, sont basés. Les syn­di­cats sont des orga­ni­sa­tions éco­no­miques pour la défense des inté­rêts des tra­vailleurs et ils ont, comme tels et en pre­mier lieu, à repré­sen­ter les inté­rêts éco­no­miques de leurs membres et à employer tous moyens pour la sau­ve­garde de ces inté­rêts en face de tout employeur. Il ne peut donc y avoir d’intérêt plus éle­vé pour les syn­di­cats que celui de leurs membres. L’intérêt éco­no­mique des membres, voi­là ce que les syn­di­cats doivent sau­ve­gar­der en toute situa­tion et sous tout ordre social. 

Radi­ca­le­ment faux est donc le point de vue sui­vant lequel les inté­rêts des membres ne doivent pas être pla­cés avant ceux de l’État… capi­ta­liste cela va sans dire… mais socia­liste et com­mu­niste éga­le­ment. Si les syn­di­cats veulent être quelque chose de plus que les pro­tec­teurs des inté­rêts de leurs membres et avoir en eux quelque chose de révo­lu­tion­naire, cela ne peut être nul­le­ment en fai­sant aban­don et en fai­sant bon mar­ché des inté­rêts des membres au béné­fice d’une quel­conque forme poli­tique éta­tique. Ce que les orga­ni­sa­tions syn­di­cales ont de révo­lu­tion­naire ne peut que se concen­trer sur ce point : assu­rer la sécu­ri­té éco­no­mique abso­lue à leurs membres, c’est-à-dire assu­rer un état social dans lequel l’exploitation éco­no­mique sera abolie. 

Les syn­di­cats ne pour­ront abo­lir l’exploitation éco­no­mique que lorsqu’ils met­tront à la place de l’actuelle poli­tique éco­no­mique de pro­fit capi­ta­liste, une pro­duc­tion adé­quate aux besoins. Ce que les syn­di­cats ont de révo­lu­tion­naire doit donc consis­ter à conqué­rir le contrôle sur la pro­duc­tion et enfin à prendre eux-mêmes l’industrie en mains. Là seule­ment doit être le but posi­tif qui doit être pris en consi­dé­ra­tion par les syn­di­cats. Et les exploi­teurs éco­no­miques ayant été de tous temps repré­sen­tés par les classes domi­nantes, c’est donc entre ces classes au pou­voir, c’est-à-dire contre l’État que les syn­di­cats doivent se mettre en marche pour la réa­li­sa­tion de leur but. Il en résulte donc entre les syn­di­cats et l’État une anti­no­mie. L’on ne peut donc dire d’un syn­di­cat qu’il est vrai­ment révo­lu­tion­naire que lorsqu’il mène aus­si le com­bat contre l’État, en tant que pro­tec­teur de la classe régnante et exploi­teuse. Les syn­di­cats qui ont conclu avec l’État une « Union sacrée » ou une col­la­bo­ra­tion se sont du même coup reti­ré tout droit d’œuvrer sur la socié­té dans le sens liber­taire, c’est-à-dire d’affranchissement. Au contraire, par leur opi­nion, ils seront contraints au jour de l’action, de tra­hir leurs propres membres. Ils se trou­ve­ront dans cette situa­tion ou d’avoir à choi­sir entre les inté­rêts de l’État et ceux de leurs membres. Les syn­di­cats social-démo­crates ou soit disant libres ont fait leur choix et ont pla­cé au-des­sus de celui de leurs propres membres, c’est-à-dire des masses exploi­tées, l’intérêt de l’État, par consé­quent des repré­sen­tants délé­gués de la classe domi­nante. C’est donc d’une igno­mi­nieuse tra­hi­son dont ils se sont ren­dus coupables. 

Cette tra­hi­son n’était même pas cou­verte ou voi­lée, Non ! ouver­te­ment, du pre­mier jour de la grève, les Unions qui sont à la tête se sont décla­rées contre la grève, et l’ont qua­li­fiée d’indisciplinée ; plus encore, ils ont ouver­te­ment fait des appels afin de bri­ser la grève. Les diri­geants social-démo­crates paraissent avoir été à la même école que leurs frères de Russie. 

Tout comme ceux-ci, ils repré­sen­taient les tra­vailleurs et employés gré­vistes comme ache­tés par la Réac­tion, dési­reuse de nuire à l’État popu­laire social-démo­crate et à la Répu­blique démocratique. 

Mais il ne s’agit pas seule­ment en ceci des socio-démo­crates de droite ; les indé­pen­dants eux aus­si, eurent une atti­tude équivoque. 

Leur feuille, la Frei­heit, comme leurs chefs, furent davan­tage du côté de l’État que de celui des gré­vistes. Et cela se com­prend : tôt ou tard, ce par­ti sera appe­lé à par­ti­ci­per au gou­ver­ne­ment et il doit se mon­trer « minis­trable ». En fait, le ministre indé­pen­dant Lipins­ky, en Saxe, car en Saxe le par­ti indé­pen­dant est déjà au minis­tère, a décla­ré que la grève était une atteinte à la Consti­tu­tion du nou­vel État alle­mand, tan­dis qu’à Ber­lin l’avocat Rosen­feld, lequel ne fait pas encore par­tie du Gou­ver­ne­ment a repré­sen­té la grève comme jus­ti­fiée et l’interdiction de grève du Gou­ver­ne­ment comme une atteinte à la Consti­tu­tion. Mais le mor­ceau le plus beau vient du social-démo­crate et ex-Com­mis­saire du peuple, Émile Barth, lors d’une réunion des Conseils d’exploitation de Ber­lin. Il décla­ra que le Syn­di­cat Natio­nal des Che­mi­nots, Reichs­ge­werk­schaft, pou­vant payer trois mil­lions de fonds de grève et rece­vant quo­ti­dien­ne­ment 15.000 marks de sou­tien du Minis­tère de la Jus­tice, n’était pas un syn­di­cat socia­liste, mais un syn­di­cat réactionnaire. 

On voit pour­quoi les social-démo­crates de toutes nuances com­bat­tirent la grève : parce qu’ils ne purent prendre en mains la direc­tion de la grève. C’est par des­sus la tête des chefs « auto­ri­sés » des syn­di­cats, que les tra­vailleurs décla­rèrent la grève et c’est contre leur volon­té qu’ils l’ont menée. 

Le Gou­ver­ne­ment prit posi­tion natu­rel­le­ment contre la grève et le fit d’une manière si bru­tale, qu’elle ne reste pas en des­sous de celle des jour­nées san­glantes de Noske et même du Gou­ver­ne­ment monar­chiste des Hohen­zol­lern. Le même jour où écla­tait la grève, donc du 1er au 2 février, le Pré­sident social-démo­crate de la Répu­blique, pro­mul­gua un décret dans lequel « il était por­té à la connais­sance de tous les employés et à ceux des che­mins de fer en par­ti­cu­lier, que la ces­sa­tion ou le refus du tra­vail qui leur incom­bait était inter­dit. Celui qui inci­te­rait ou enga­ge­rait un employé des che­mins de fer à la ces­sa­tion inter­dite du tra­vail, serait puni de pri­son et d’une amende pou­vant aller jusqu’à 50.000 marks ». 

Éga­le­ment tout sabo­tage ou entrave à la « liber­té » du tra­vail serait consi­dé­ré comme acte punis­sable et était mena­cé des mêmes châtiments. 

En rai­son de ce décret, le Pré­fet de Police social démo­crate de Ber­lin fit paraître un arrê­té sui­vant lequel : 

« Tous les fonds des­ti­nés à la conduite de la grève seront sai­sis, l’impression d’appels conte­nant des pro­vo­ca­tions à la grève seront empê­chés. Les appels en faveur de la grève seront sai­sis. Les per­sonnes qui se seront ren­dues cou­pables de pro­vo­ca­tions à la grève seront mises en état d’arrestation. »

Les maîtres socio-démo­crates ont ain­si mon­tré qu’ils com­pre­naient leur métier au moins aus­si bien que leurs adver­saires monar­chistes. Et ces arrê­tés ne res­tèrent pas seule­ment à l’état de décla­ra­tions pla­to­niques, mais ils devinrent aus­si la dure réa­li­té, car déjà au pre­mier jour de grève, les chefs gré­vistes du Reichs­ge­werk­schaft furent arrê­tés, le Comi­té de grève pour­chas­sé d’un endroit à un autre, la caisse de grève fut sai­sie et alors que l’un des chefs gré­vistes allait reti­rer un mil­lion de fonds d’une Banque de Ber­lin, il fut appré­hen­dé à sa sor­tie avec tous les fonds dont il était porteur. 

Le Gou­ver­ne­ment et la Police crurent par ces moyens de rigueur mater la grève et ils avaient pour eux l’assentiment des syn­di­cats prêts à tout faire en leur pou­voir afin d’empêcher l’extension de la grève. Les mesures gou­ver­ne­men­tales eurent cepen­dant un résul­tat opposé. 

Par cette attaque aux droits fon­da­men­taux de la classe ouvrière, celle-ci se sen­tit mena­cée et com­prit qu’il était de son devoir de répondre au gou­ver­ne­ment ; alors ce ne fut pas seule­ment le Syn­di­cat Natio­nal des Che­mi­nots, mais toutes les Unions des Che­mi­nots qui se mirent en grève, mal­gré que leurs chefs se fussent éner­gi­que­ment pro­non­cés contre le mouvement. 

* * * *

La grève s’étendit tou­jours davan­tage et englo­ba bien­tôt 800.000 che­mi­nots dans toute l’Allemagne.

Deux jours après que la grève eut écla­té l’organisation bri­seuse de grève orga­ni­sée par le Social-Démo­crate Noske, la « Tech­ni­sehe Nol­hilfe » (Ligue civique) entra en action. Elle essaya de main­te­nir le tra­fic néces­saire des che­mins de fer en exer­cice, mais s’aperçut bien­tôt qu’elle cau­sait plus de dom­mages que de bien. La grève se pour­sui­vit avec une vigueur non dimi­nuée. Dans tout Ber­lin la classe ouvrière était avec les gré­vistes et même les tra­vailleurs qui étaient orga­ni­sés dans le par­ti social-démo­crate et qui avaient sui­vi tou­jours fidè­le­ment leurs chefs, décla­rèrent alors, dans de nom­breuses exploi­ta­tions, que le décret de leur « Cama­rade », Pré­sident de la Répu­blique était une honte pour la classe ouvrière et qu’il devait être rapporté. 

Il sem­blait de plus en plus que le Gou­ver­ne­ment en cette lutte qu’il avait lui-même pré­pa­rée, allait être mis en état d’infériorité. Une autre cir­cons­tance avait encore aggra­vé la posi­tion du Gou­ver­ne­ment. Les tra­vailleurs et employés com­mu­naux de Ber­lin étaient depuis assez long­temps en négo­cia­tions avec le Magis­trat de cette ville et le Gou­ver­ne­ment, au sujet de la conti­nua­tion de leurs conven­tions des tarifs. Le Magis­trat vou­lut, ain­si que le Gou­ver­ne­ment l’avait fait auprès des tra­vailleurs de l’État, reti­rer leurs anciens droits aux ouvriers, pro­lon­ger la jour­née de 8 heures, dimi­nuer ce droit qu’ils avaient de prendre part aux déci­sions, leur reti­rer la per­mis­sion de détente et sur­tout leur enle­ver le droit de grève. Les employés com­mu­naux exi­gèrent la pro­lon­ga­tion des anciens tarifs jusqu’à fin 1922, avec tous les avan­tages conquis en période révo­lu­tion­naire, après une rude bataille. Le Magis­trat ne vou­lut accor­der la pro­lon­ga­tion que jusqu’à juillet et les tra­vailleurs et employés com­mu­naux se mirent éga­le­ment en grève. Il est peu dou­teux que dans cette déci­sion de quit­ter le tra­vail, ce fut à la fois la situa­tion dans laquelle la classe ouvrière était pla­cée par le Gou­ver­ne­ment à l’occasion de la grève des che­mins de fer, l’appel des che­mi­nots à toute la classe ouvrière d’Allemagne en faveur de la soli­da­ri­té qui pro­dui­sirent éga­le­ment leur effet. Les tra­vailleurs com­mu­naux ber­li­nois décla­rèrent la grève, deux jours après que celle des che­mins de fer eut éclaté. 

La situa­tion dans toute l’Allemagne et à Ber­lin sur­tout était alors extrê­me­ment ten­due. La confiance mon­tait au cœur de la classe ouvrière. L’on avait la convic­tion dans les milieux révo­lu­tion­naires en géné­ral, que, si la grève venait à durer une semaine de plus, le Gou­ver­ne­ment flan­che­rait et que la lutte se ter­mi­ne­rait par une vic­toire des tra­vailleurs et des employés. Une par­tie des entre­prises indus­trielles pri­vées fut for­cée de ces­ser le tra­vail à cause du manque de char­bon ; une autre par­tie le ces­sa par soli­da­ri­té. Les opti­mistes par­laient même d’une pro­chaine révo­lu­tion, vers laquelle sui­vant eux la situa­tion se diri­geait. Le Gou­ver­ne­ment était momen­ta­né­ment impuis­sant, mais d’avance il était à pré­voir qu’il ferait tout pour sau­ve­gar­der son auto­ri­té. Il s’adressa aux Chefs des Syn­di­cats pour qu’ils lui vinssent en aide, et ceux-ci ne firent point défaut. Dès le début de l’action, les Chefs des orga­ni­sa­tions libres et social-démo­crates, autre­fois appe­lées Unions Cen­trales et qui sont aujourd’hui les orga­ni­sa­tions de tête, avaient été adver­saires de la grève ; ils se mirent à la dis­po­si­tion du Gou­ver­ne­ment, pour des négo­cia­tions en vue de bri­ser le mou­ve­ment et un accord fut conclu sui­vant lequel la grève serait arrê­tée et l’interdiction de grève du Gouver­nement ren­due pla­to­nique. En confor­mi­té avec cet arran­ge­ment les orga­ni­sa­tions lan­cèrent un appel dans lequel on décla­rait : « La res­pon­sa­bi­li­té qui incombe aux orga­ni­sa­tions de tête sous­si­gnées, leur fait un devoir d’inviter tous les Che­mi­nots se trou­vant en grève à la reprise immé­diate du tra­vail. La grève a été décla­rée par le « Reichs­ge­werk­schaft » sans que celui-ci ait tenu aucun compte des prin­cipes syndicalistes. » 

Non contents d’affaiblir le plus qu’il leur fut pos­sible la grève par ces simples appels en faveur de la reprise du tra­vail, ils firent éga­le­ment tout der­rière le dos des tra­vailleurs afin de sou­te­nir le Gou­ver­ne­ment. Celui-ci ne vou­lait point trai­ter avec les che­mi­nots gré­vistes, pas plus que le Magis­trat à Ber­lin avec les tra­vailleurs en grève. C’est alors que les chefs des Syn­di­cats cen­traux s’interposèrent d’une part entre le Gou­ver­ne­ment et les che­mi­nots, et entre le Magis­trat de Ber­lin et les tra­vailleurs com­mu­naux d’autre part, afin de se rendre maîtres du mou­ve­ment. Puis les chefs de syn­di­cats s’adressèrent aux gré­vistes, et sou­mirent aux Comi­tés de grève les condi­tions du Gou­ver­ne­ment et celles du Magistrat. 

En même temps des réunions monstres de gré­vistes eurent lieu à Ber­lin et les par­ti­ci­pants se pro­non­cèrent una­ni­me­ment contre la reprise du tra­vail. La fin de la grève n’en avait pas moins été déci­dée par les chefs et en fait le mou­ve­ment fut brisé. 

Les cama­rades de l’étranger vont dire ici : Mais com­ment fut-ce pos­sible ? Pour le com­prendre il faut connaître la psy­cho­lo­gie du tra­vailleur alle­mand ; quand on sait com­ment dans le « Kapp-Putsche » (les échauf­fou­rées aux­quelles don­nèrent lieu le coup d’État de Kapp), les tra­vailleurs étaient fer­me­ment déci­dés à uti­li­ser la vic­toire qu’ils avaient rem­por­tée, grâce à la grève géné­rale pour réa­li­ser leurs reven­di­ca­tions socia­listes et com­ment cepen­dant les poli­ti­ciens sur­ent l’empêcher, on ne peut s’étonner que ces mêmes poli­ti­ciens aient su cette fois encore, rou­ler les tra­vailleurs. Les Comi­tés de grève des tra­vailleurs durent dans les pre­miers jours de grève soi­gneu­se­ment se dis­si­mu­ler aux yeux de la police. Puis s’étant vu auto­ri­sés, sans aucune crainte d’être arrê­tés, à prendre part aux négo­cia­tions, les membres du Comi­té de grève éprou­vèrent comme le sen­ti­ment d’une demi-vic­toire. Ils don­nèrent leur assen­ti­ment pour la ter­mi­nai­son de la grève et sous­si­gnèrent une invi­ta­tion à reprendre le tra­vail qui avait été éla­bo­rée par les Chefs des Syn­di­cats. Lorsque, le jour sui­vant, cette invi­ta­tion par­vint aux yeux des tra­vailleurs, ils eurent comme réponse, une una­nime et grande indi­gna­tion. Des réunions par ate­lier et par exploi­ta­tion furent pré­pa­rées, où les chefs gré­vistes locaux invi­tèrent les gré­vistes à reprendre le tra­vail, confor­mé­ment à l’appel de la direc­tion cen­trale de la grève. Les grandes masses de tra­vailleurs et de che­mi­nots étaient oppo­sées à la reprise du tra­vail. Des diver­gences s’ensuivirent et la plu­part des réunions eurent lieu sans résul­tat, sans que les tra­vail leurs aient clai­re­ment dans les yeux, ce qui alors devait arriver. 

Un but au moins était atteint : l’Uni­té des gré­vistes était bri­sée. Gou­ver­ne­ment et Magis­trat rele­vèrent la tête et firent paraître des décla­ra­tions, sui­vant les­quelles tous ceux qui ne repren­draient pas immé­dia­te­ment le tra­vail seraient consi­dé­rés comme licenciés. 

Et voi­ci le plus beau : les orga­ni­sa­tions de tête et leurs direc­tions, qui avaient sur­tout contri­bué à divi­ser les tra­vailleurs, se pré­sen­tèrent alors com­mue les sau­veurs de la situa­tion. Elles décla­rèrent vou­loir trai­ter avec le Gou­ver­ne­ment et avec le Magis­trat afin d’empêcher le congé­die­ment des gré­vistes. Et si elles l’obtenaient, c’est à elles que les tra­vailleurs le devraient. C’est ain­si que ces traîtres vou­laient recon­qué­rir auprès des tra­vailleurs leur pres­tige per­du, et appa­raître encore comme les sau­veurs de la situa­tion. Ils ne réus­sirent point cepen­dant. La plu­part des tra­vailleurs révo­lu­tion­naires ont vu la tra­hi­son de ces orga­ni­sa­tions de tête. Cette fois-ci elle avait été trop appa­rente. Ils ont déchi­ré leurs livrets de membres de l’Union et cherchent à se grou­per main­te­nant dans les orga­ni­sa­tions révo­lu­tion­naires C’est par cen­taines qu’ils viennent à pré­sent au bureau des syn­di­ca­listes de la F.A.U.D. (Freie Arbei­ter Union Deut­schlands), Union libre des tra­vailleurs d’Allemagne et les uns veulent avoir un ora­teur syn­di­ca­liste dans leurs réunions, les autres ren­trer dans les orga­ni­sa­tions syn­di­ca­listes. Sans doute, les syn­di­cats réel­le­ment syn­di­ca­listes et radi­caux ont gagné à ce mou­ve­ment, mal­gré que celui-ci ait été une défaite pour les grévistes. 

Le Gou­ver­ne­ment et le Magis­trat ont, dès le pre­mier moment, fait cette conces­sion de ne prendre aucune mesure contre les tra­vailleurs gré­vistes, mais cepen­dant, dès que la grève fut ter­mi­née, l’un et l’autre vio­lèrent leurs enga­ge­ments. Pas plus tard que deux jours après la ter­mi­nai­son du conflit, le Gou­ver­ne­ment indi­quait les direc­tives en vue des pour­suites sys­té­ma­tiques et du ren­voi des grévistes. 

Les tra­vailleurs recon­naissent à pré­sent qu’ils ont été bafoués et trom­pés de la plus vile manière et com­mencent à s’agiter à nou­veau. Par l’emploi de moyens régio­naux le Gouverne­ment et le Magis­trat de Ber­lin vou­lurent faire un tel exemple que l’envie serait ôtée aux tra­vailleurs de faire grève une seconde fois. Ils se trom­paient cepen­dant. Main­te­nant, après la grève, mal­gré les nom­breux ren­vois, les tra­vailleurs ne sont nul­le­ment inti­mi­dés, mais sont par contre très exas­pé­rés. Ils ne parlent rien moins que d’une nou­velle grève. L’éventualité d’un mou­ve­ment auquel pren­draient part non seule­ment les tra­vailleurs com­mu­naux de Ber­lin, mais toute la classe ouvrière ber­li­noise, n’est nul­le­ment à écarter. 

Les tra­vailleurs ber­li­nois des exploi­ta­tions pri­vées se sentent très gra­ve­ment mena­cés par l’attitude du Gou­ver­ne­ment ; c’est le droit de grève qu’on menace et ils ne sont nul­le­ment dis­po­sés à res­ter impas­sibles en face d’une nou­velle vio­la­tion de leur droit par le Gouvernement. 

* * * *

Si une nou­velle lutte ne résulte pas de cette ren­contre, cette der­nière grève n’en aura pas moins ouvert les yeux à la frac­tion la plus évo­luée de la classe ouvrière. Les pro­chaines batailles trou­ve­ront le pro­lé­ta­riat révo­lu­tion­naire dans les orga­ni­sa­tions, avec les­quelles ils sont de cœur déjà. Cer­tai­ne­ment l’année 1922 et l’avenir ver­ront l’Allemagne deve­nir le théâtre d’une grande mêlée, dont cette grève n’a été que le pré­lude. La ten­ta­tive du Gou­ver­ne­ment de rendre illu­soire par une nou­velle loi sur la régle­men­ta­tion de la durée du tra­vail, la jour­née de huit heures et cela afin que l’Allemagne puisse être à même de rem­plir les enga­ge­ments que le Trai­té de Ver­sailles lui a impo­sés, se heur­te­ra à la plus grande résis­tance de la part des travailleurs. 

Pour sau­ve­gar­der l’intérêt de la Bour­geoi­sie, c’est sur les épaules des tra­vailleurs que le gou­ver­ne­ment alle­mand veut reje­ter les charges de la guerre. La Confé­rence de Gênes n’a pas d’autre but que de pro­té­ger le capi­ta­lisme inter­na­tio­nal et de com­battre sur le ter­rain inter­na­tio­nal les reven­di­ca­tions ouvrières. Les tra­vailleurs alle­mands sentent qu’ils feront par­tie des sacri­fiés. Ils se défen­dront contre ces manœuvres et ils s’attendent à de nou­velles batailles pro­vo­quées par les nou­velles attaques dont ils seront l’objet de la part du Gou­ver­ne­ment. Cela ne sau­rait tar­der. Les der­nières grèves leur ont des­sillé les yeux et mon­tré qu’ils n’ont rien à attendre de leurs syn­di­cats qu’une hos­ti­li­té décla­rée. Si donc la der­nière grève a conduit la classe ouvrière à une défaite, elle n’en est pas moins un pro­grès en ce sens qu’elle a ser­vi à aver­tir les tra­vailleurs sur le carac­tère des orga­ni­sa­tions de têtes syn­di­cales, dans les­quelles si long­temps ils pla­cèrent leur confiance. 

Augus­tin Souchy


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