La Presse Anarchiste

Revue des journaux

La Crise du Logement

Il y a une crise du loge­ment. Vous vous en dou­tiez bien un peu. Mais vous vous deman­diez peut-être quels en étaient les res­pon­sables. Écou­tez Louis Lajar­rige qui, dans le Jour­nal cite ce pro­pos de Gas­ton Japy, sénateur :

En 1913, dit-il, un maçon mon­tait, en dix heures, 3 mètres cubes et quart de moel­lons ; en 1921, il en monte, en huit heures, un mètre cube et demi ; un mètre car­ré de cré­pis­sage était fait en vingt minutes ; il n’est ache­vé main­te­nant qu’en trente-cinq minutes ; un mètre car­ré de mur en briques de 23 cen­ti­mètres, com­por­tant 11 rangs, soit 114 briques, s’élevait en trente-cinq minutes en 1913 ; il réclame cin­quante minutes en 1921.

Et le Lajar­rige ajoute :

Ain­si, par le ralen­tis­se­ment dans l’accomplissement de sa tâche, le tra­vailleur du bâti­ment se trouve être l’un des auteurs de la crise dont il souffre, ain­si que ses cama­rades et la socié­té tout entière.

Mais qu’attendent donc le Lajar­rige et ses pareils pour prendre en mains truelle et mar­teau ? Cela vau­drait cer­tai­ne­ment mieux que de pondre de pareilles stu­pi­di­tés. Et si cela pou­vait résoudre la crise!…

Ma Crise de Patriotisme

J’ai plai­sir, dit-il, à pen­ser que cha­cun de ces dra­peaux, entrant aux Inva­lides, repré­sente un régi­ment dont le numé­ro est dans l’histoire, désor­mais, une abs­trac­tion arith­mé­tique, glo­rieuse et inoffensive.

La Fou­char­dière vou­drait voir éga­le­ment tous les Dieux soi­gneu­se­ment cade­nas­sés dans leurs temples res­pec­tifs sous la garde de leurs prêtres, atten­tifs à ce qu’ils n’aillent pas faire de bêtises en ville.

Car chaque fois qu’un dieu est des­cen­du dans la rue pour se mêler à la vie des hommes, soit dans un but de plai­sir per­son­nel, comme fit Zeus lorsqu’il don­na nais­sance à la déplo­rable Hélène, ou mit en chan­tier la race détes­table des Atrides, soit dans l’excellente inten­tion d’améliorer l’indécrottable huma­ni­té, tou­jours et par­tout, les dieux incar­nés ont déchaî­né des catastrophes.

Et voi­là pour­quoi je suis heu­reux de savoir que les dra­peaux, idoles sacrées, avides de sang humain, sont res­pec­tueu­se­ment accro­chés aux colonnes du temple, et que Napo­léon dort pour l’éternité dans son pesant cercueil…

Car je n’aurai point la joie de voir le der­nier des maré­chaux, escor­té du der­nier piquet d’infanterie, faire solen­nel­le­ment son der­nier démé­na­ge­ment, de l’Académie au Panthéon.

Nous comp­tons bien qu’un jour le Pan­théon et les Inva­lides ser­vi­ront à quelque chose d’infiniment plus utile que d’abriter de vielles cha­rognes et ces emblèmes de la sau­va­ge­rie humaine que sont les drapeaux.

Lit­té­ra­ture d’Assassins

Un rédac­teur du Gau­lois a eu l’idée sau­gre­nue de fouiller dans les pape­rasses d’un ancien magis­trat. Il n’y a pas que les « chif­for­tons » qui cherchent leur vie dans les pou­belles. Mais il arrive qu’une fleur se découvre au milieu des innom­brables détri­tus. C’est le cas pour notre plu­mi­tif qui y a trou­vé la pro­fes­sion de foi de notre cama­rade Émile Henry.

Émile Hen­ry qui sut avec tant de force faire écla­ter son dégoût pour notre exé­crable société.

Cela s’appelle : « Com­ment je devins anarchiste ».

Après avoir fait remar­quer qu’il était anar­chiste de fraîche date, Émile Hen­ry ajou­ta : « Les édu­ca­teurs de la géné­ra­tion actuelle oublie trop fré­quem­ment une chose : c’est que la vie, avec ses luttes et ses déboires, avec ses injus­tices et ses ini­qui­tés, se charge bien, l’indiscrète, de des­siller les yeux des igno­rants et de les ouvrir à la réa­li­té. C’est ce qui m’arrive, comme il arrive à tous. On me disait que la vie est facile et lar­ge­ment ouverte aux intel­li­gents et aux éner­giques ; l’expérience m’a mon­tré que, seuls, les ram­pants peuvent se faire une bonne place au banquet. »

Lit­té­ra­ture d’assassin, pro­fes­sion de foi de réunion publique révolutionnaire !

Lit­té­ra­ture d’assassin!… Arrête, hé, le jour­na­liste, à force de ram­per tu vas finir par t’user le ventre.

Ban­dits!…

A. Ber­ck­mann et Emma Gold­mann ont lan­cé un appel aux tra­vailleurs les invi­tant à pro­tes­ter contre l’exécution, en Rus­sie, du pro­pa­gan­diste anar­chiste Tcherny.

Or Tcher­ny, dit l’Huma­ni­té est un bandit :

Le groupe Tcher­ny était par­ti­san du ter­ro­risme indi­vi­duel et col­lec­tif contre le pou­voir des Soviets. Le pro­pa­gan­diste Tcher­ny vivait des pro­duits du banditisme.

Le gou­ver­ne­ment des Soviets ne peut assu­ré­ment pas admettre que l’on jus­ti­fie par l’anarchisme le pillage des biens de la nation et l’assassinat des par­ti­cu­liers. Ceux qui le conçoivent ain­si seront trai­tés comme ils le méritent, quelles que soient les épi­thètes dont ils se parent.

Attaques de banques, fabri­ca­tion de fausse mon­naie, si ces faits étaient vrais, voi­là qui devrait faire tres­saillir d’aise celui qui écri­vait autre­fois : « Nous serons les ban­dits », et qui joue là-bas le rôle équi­voque que l’on sait.

Mais nous avons de meilleures rai­sons de croire ce que nous disent nos cama­rades Berk­mann et E. Gold­mann que de prê­ter atten­tion aux calom­nies des gou­ver­nants russes qui emploient pour nous dis­cré­di­ter les mêmes pro­cé­dés que leurs col­lègues bourgeois.

L’État

Mar­cel Sau­vage dans l’Ordre Natu­rel part en guerre contre l’État.

Le bon­heur est-il une ques­tion de dis­ci­pline et de médiocrité ?

Le com­mu­nisme auto­ri­taire me semble la moins géné­reuse des ten­ta­tives sociales. État seul capi­ta­liste, État patron, État mono­pole, État sou­ve­rain, État pro­vi­dence, l’État, dit quelque part Scho­pen­hauer, est le chef‑d’œuvre de l’égoïsme humain.

C’est contre l’État qu’il nous faut mar­cher, contre les éter­nels pro­fi­teurs d’État, qu’il s’agit d’abord de dégon­fler ; poli­ti­ciens de toutes les cou­leurs, camé­léons de la tri­bune par­le­men­taire, nau­fra­geurs des plus beaux espoirs. Ils étour­dissent le peuple.

Très bien ! Bra­vo!… Mais pour­quoi cette lettre à Lénine ?

Encore l’État

L’État, dit la bonne Séve­rine dans le Jour­nal du Peuple :

C’est cette poi­gnée d’hommes, qui se sont fau­fi­lés au pou­voir par des voies tor­tueuses, des che­mins de biais, des rac­cour­cis téné­breux, par­tant de la gauche, où il y a des risques, pour rejoindre la droite, où il y a des pro­fits, en pre­nant leur point d’appui sur le centre — ce ventre des Assemblées !

Quelques-uns valent mieux que les autres, parce qu’ils gardent, au fond d’eux-mêmes, une vague ten­dresse pour leurs débuts. Ce jeune ora­teur, pro­non­çant à une tri­bune popu­laire des paroles enflam­mées, c’est l’image de pre­mière com­mu­nion sur laquelle pleurent les plus délu­rées gaillardes. Ils ne regrettent rien ; mais, d’être sen­sibles fi la rémi­nis­cence, ils se révèlent plus humains, acces­sibles à cette pitié sans laquelle le pré­ten­du roi de la créa­tion n’est qu’un fauve aggravé.

Mais le reste ! Ces ava­chis et ces bêtes féroces !

Séve­rine garde des illu­sions tenaces. Elle prend pour des accès de pitié, d’humanité cer­tains gestes que com­mandent à ces gou­ver­nants qu’elle croit meilleurs que d’autres, cer­taines néces­si­tés impé­rieuses met­tant en jeu leur inté­rêt, seule chose capable de ser­vir de mobile à leurs actes.

Ah ! Séve­rine, quand il est ques­tion de gou­ver­nants, lais­sons la conscience de côté. Elle est tel­le­ment atro­phiée chez eux qu’on peut dire qu’elle n’existe plus, même, à l’état de souvenir.

Déser­teurs

Il n’est pas ques­tion des déser­teurs pour les­quels il est deve­nu de mode de récla­mer jour­nel­le­ment une amnis­tie que nous sommes trop lâches à impo­ser aux gou­ver­nants. Il est vrai que si nous étions capables d’imposer cela, le reste sui­vrait vite. Les déser­teurs dont par­ler Mar­cel Bou­len­ger dans le Gau­lois, ce sont les « hommes du monde » qui jouent aux révolutionnaires

Et il faut les voir sou­rire d’un air espiègle et mutin, lorsqu’ils ont lan­cé leur : « Que vou­lez-vous, mon cher, moi, je suis un bol­cheu­viste!…», tout en nous ten­dant leur porte-ciga­rettes en or, rem­pli d’un tabac pré­cieux. Après quoi, pour bien mon­trer qu’ils ne nous en veulent pas de ne point par­ta­ger leur opi­nion si éclai­rée, si ravis­sante, et que, même, ils nous savent gré de notre visage un peu scan­da­li­sé, ils ajoutent : « J’ai là mon auto. Vou­lez-vous que je vous jette chez vous ? »

C’est de la trahison!…

Si le com­mu­nisme ne rési­dait qu’en l’amour des humbles et des petits, et qu’être bol­che­viste ne consis­tât qu’en l’abandon de tout son argent aux pauvres, il y aurait là quelque sain­te­té, certes, ain­si qu’une élégance.

Mais il ne s’agit pas heu­reu­se­ment d’en arri­ver là.

Or, renier les siens n’est déjà guère admi­rable. Mais renier les siens, après avoir bien pro­fi­té de tous les avan­tages qu’offrait leur civi­li­sa­tion, et pas­ser à l’ennemi… on aura beau le faire par jeu, et en affec­tant de croire que cela n’a pas d’importance, voi­là bel et bien une des plus laides tra­hi­sons. Après tout, c’est déser­ter : le bour­geois com­mu­niste peut s’appeler un déserteur.

N’est-ce pas que c’est drôle?…

Radeck, Cachin, Poiricaré!…

Toute la presse a fait tapage à pro­pos de la mis­sion extra­or­di­naire confiée par Radeck au citoyen Mar­cel Cachin. Les réprou­vée du Popu­laire se sont émus de ce que l’éprouvé (ô com­bien) Cachin ait consen­ti à ser­vir de trait d’union entre le gou­ver­ne­ment « com­mu­niste » russe et Poin­ca­ré qui n’en méri­te­ra que mieux son sur­nom de Poincaroff.

Mise en demeure de s’expliquer, l’Huma­ni­té par la plume du citoyen Fros­sard répond :

Nos adver­saires, dis­si­dents et majo­ri­taires, veulent à tout prix — on devine pour­quoi — que Mar­cel Cachin ait ren­con­tré M. Poin­ca­ré. Ils lui attri­buent je ne sais quelles trac­ta­tions, dont le suc­cès n’aurait été assu­ré que sur ren­ga­ge­ment pris par notre ami, au nom du par­ti, de renon­cer à la cam­pagne enga­gée contre le pré­sident du Conseil.

Nous ne nous prê­te­rons pas davan­tage à leur jeu. Ils n’ignorent pas que per­sonne, dans un par­ti comme le nôtre, n’a le droit d’engager l’organisation sans son consen­te­ment, et ils connaissent assez Mar­cel Cachin pour le savoir inca­pable de se prê­ter à un tel man­que­ment au devoir com­mu­niste. Nous lui ferions injure en insis­tant davantage.

Pour­tant le dépu­té Uhry écrit dans le Popu­laire :

D’une part, mon ami André Ber­thon, dépu­té com­mu­niste, qui ne m’a pas deman­dé le secret, m’a décla­ré for­mel­le­ment, au Palais, que Cachin avait remis à M. Poin­ca­ré des docu­ments de la part de Radeck, et qu’il a ain­si ser­vi de trait d’union entre les Soviets et le pré­sident du Conseil.

D’autre part, un per­son­nage impor­tant du par­ti com­mu­niste m’a affir­mé que le citoyen Paul Louis avait éga­le­ment ser­vi d’intermédiaire pour appor­ter des docu­ments, qui ont été trans­mis à M. Mil­le­rand et à M. Poincaré.

et Uhry conclut :

En agis­sant ain­si, Cachin, Paul Louis et d’autres ont vou­lu obte­nir de M. Poin­ca­ré la recon­nais­sance de la Répu­blique des Soviets, comme nous la récla­mons depuis des mois, nous, simples réfor­mistes. Il n’y a aucun mal à cela.

Évi­dem­ment ! Et nous en concluons que réfor­miste ou pseu­do-révo­lu­tion­naire, tout ce qui est poli­ti­cien est bon à mettre dans le même panier.

Ren­dez les Livres prêtés

Un livre prê­té est très sou­vent un livre per­du. Quand par hasard on vous le rend, il est par­fois bien malade. C’est ce que constate avec nous Lich­ten­ber­ger dans la Vic­toire :

S’ils sont extrê­me­ment scru­pu­leux, ils le rendent réduit en écharpe ou souillé de taches innom­mables ; il est stu­pé­fiant ce que des gens qu’on croi­rait doués de quelques habi­tudes de pro­pre­té arrivent à faire d’un livre qui a pas­sé entre leurs mains. Aus­si, s’ils gardent quelque pudeur, pré­fèrent-ils infi­ni­ment ne pas le rendre. Ils l’enfouissent dans une cache ou le prêtent à leur tour, et, gra­duel­le­ment, l’objet fugi­tif dis­pa­raît dans l’insondable.

Un livre c’est plus qu’un ami. Il ne peut nous tra­hir. Il est cher c’est vrai. Mais bien plus cher encore à celui qui vous le prête. Ren­dez-le-lui intact pour qu’il puisse sans crainte en faire pro­fi­ter d’autres camarades.

La Semaine du Vin

Grand tam-tam dans les jour­naux bour­geois arro­sés spé­cia­le­ment pour cette besogne, en faveur du vin, du bon vin de France. Les pro­prié­taires des grands crus cherchent à faire pres­sion sur l’Amérique où l’on ne boit plus… qu’en cachette. Ce qui natu­rel­le­ment gêne la vente.

Cette pro­pa­gande, dit M. d’Anthouard, ne sera cer­tai­ne­ment pas embar­ras­sée pour démon­trer irré­fu­ta­ble­ment que l’usage du vin ne conduit pas à l’alcoolisme, au contraire.

Le Figa­ro pour la cir­cons­tance a inter­viewé toute une série de per­son­nages connus.

M. Jean Riche­pin déclare qu’il pré­fère le bour­gogne, parce qu’il a été nour­ri au cham­ber­tin. Ce qui prouve que ce poète des gueux était « bien de chez lui » et que sa bohème, en somme, n’a jamais été que de fan­tai­sie. Voyez-vous un mau­vais gar­çon né de pauvres hongres, « nour­ri au chambertin » ?

Oh ! ces envo­lées ora­toires sur la misère humaine, des poètes à la panse pleine et au petit coup de plumet!…

Et le nom­mé Louis Mar­sol­leau ! qui dans l’Éclair rend compte de ces inter­view conclut :

« La semaine des vins ? Non la semaine des vains ».

Cette semaine-là, mon vieux, je crois bien qu’elle dure depuis long­temps et qu’elle n’est, pas prête de s’écouler.

Front Unique

Mos­cou, qui l’eût cru ? à lan­cé le mot d’ordre. Pour cer­tains cela semble dur à ava­ler. Par « dis­ci­pline » ils mar­che­ront. Ver­feuil, lui, y va d’enthousiasme dans le Jour­nal du Peuple, pour le bloc pro­lé­ta­rien pro­po­sé par Trotsky.

La chose, c’est le regrou­pe­ment du pro­lé­ta­riat, aujourd’hui déso­rien­té, dis­per­sé et impuis­sant. Même si cela doit nous coû­ter des sacri­fices d’amour-propre ou de digni­té, nous ne devons pas hési­ter à nous enga­ger dans cette voie. L’intérêt du mou­ve­ment ouvrier est au-des­sus de nos vaines per­son­na­li­tés. Je dis plus : il est au-des­sus même de l’intérêt de Parti.

Il ne peut même rien avoir de com­mun avec l’intérêt d’un par­ti poli­tique quel­conque, fût-il socialiste.

Pierre Mual­dès.


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