La Presse Anarchiste

Le XXe siècle contre l’individu (1)

 

« Tu t’ap­pelles libre ? Es-tu quel­qu’un qui avait le droit de s’é­chap­per d’un joug ? Il y en a qui perdent leur der­nière valeur en quit­tant leur sujé­tion… Peux-tu te fixer à toi-même ton bien et ton mal et sus­pendre ta volon­té au-des­sus de toi comme une loi?…»

Nietzsche. 

Les Socié­tés, comme la nature, ont hor­reur de l’in­di­vi­du. Toutes les lois phy­siques, phy­sio­lo­giques, juri­diques, morales, sociales sont faites contre lui. Et la vie elle-même, la vie orga­ni­sée et indé­fi­ni­ment bour­geon­nante, n’est que l’his­toire de com­bi­nai­sons com­plexes et enne­mies qui s’ef­forcent toutes, en même temps, de réa­li­ser et de dis­soudre des indi­vi­dus. Ces lois com­plexes des phé­no­mènes phy­siques et chi­miques, qui s’ap­pellent l’as­so­cia­tion, la com­bi­nai­son, la syn­thèse ne sont que des armes per­ma­nentes que la vie emploie contre des indi­vi­dus qui pour­raient se constituer.

À l’in­té­rieur même de notre orga­nisme, quand des cel­lules s’in­surgent, échappent au rythme ordon­na­teur, s’in­di­vi­dua­lisent, la science — du moins dans son état actuel — pro­nonce le mot de : cancer.

L’in­di­vi­du serait-il un acci­dent biologique ?

L’in­di­vi­dua­lisme serait-il une sorte de can­cer social ? Un can­cer social dont tous les corps consti­tués et les Morales et les Lois cher­che­raient, par une thé­ra­peu­tique pré­ven­tive (qui s’ap­pelle l’é­du­ca­tion, l’ins­truc­tion, la culture) à affai­blir l’exis­tence et l’action ?

Et une étude du XXe siècle par rap­port à l’in­di­vi­du nous per­met­tra-t-elle, à la fois de répondre à cette ques­tion et de savoir si les pro­grès du corps social, si l’emprise gran­dis­sante de la Science sur les forces et masses phy­siques favo­risent ou restreignent le déve­lop­pe­ment des individus ?

C’est ce que nous allons rechercher.

— O —

Il serait évi­dem­ment injuste, et en grande par­tie inexact, de dire : Le XIXe siècle, ou le XVIe siècle, ou le XIIIe ont été plus favo­rables à l’in­di­vi­du que le ving­tième. Si, d’une part, cer­tains liens, plus mous de l’or­ga­ni­sa­tion sociale sem­blaient, en une cer­taine mesure, favo­ri­ser l’es­sor et les liber­tés de quelques indi­vi­dua­li­tés fortes, la solide emprise men­tale que les reli­gions fai­saient peser sur tous les esprits anni­hi­laient les efforts d’une indi­vi­dua­li­té en ins­tance d’é­va­sion. Quand on lit les Essais d’un Mon­taigne, la bio­gra­phie d’un Des­cartes on est comme hon­teux des super­che­ries et des mille petites lâche­tés quo­ti­diennes dont ces esprits libres étaient contraints de s’en­ve­lop­per pour sau­ve­gar­der leur liber­té civile et sociale. Et c’est en se contrai­gnant à vivre aus­si sim­ple­ment qu’un yoghi hin­dou que le grand Spi­no­sa a dû la mépri­sante liber­té qui lui a per­mis d’é­bran­ler le monde moral et men­tal et de tirer du sys­tème car­té­sien les consé­quences révo­lu­tion­naires que l’au­teur du Dis­cours de la Méthode, par amour de la paix — et de sa peau — sem­blait se dis­si­mu­ler à lui-même. Ne les blâ­mons pas. Ces hommes por­taient sur eux, en eux, des bombes autre­ment dan­ge­reuses et effi­caces que celles avec les­quelles cer­tains s’i­ma­gi­nèrent, voi­ci trente ans, chan­ger l’as­pect et modi­fier les lois du monde social…

Mais si nous n’ad­met­tons pas cet éloge sans fon­de­ment des siècles morts, nous pou­vons noter, cepen­dant, que les pro­grès de la civi­li­sa­tion sont tou­jours des pro­grès contre l’in­di­vi­du, au béné­fice de la pluralité.

En arri­ve­rions-nous, ain­si, sur les traces de J.-J. Rous­seau et de cer­tains de ses dis­ciples, à faire une sorte d’é­loge de la vie sau­vage, à croire qu’en sim­pli­fiant gra­duel­le­ment et en fai­sant dis­pa­raître le milieu social et men­tal qui nous sert de gangue, les indi­vi­dus par­vien­dront à se réa­li­ser et à s’af­fir­mer avec une crois­sante liber­té ? Non.

La vie sau­vage est l’op­pres­sion et la dis­per­sion, l’ab­sorp­tion de l’in­di­vi­du par la nature. La vie sociale, créée par des indi­vi­dus agglo­mé­rés orga­nise l’op­pres­sion gra­duelle de l’in­di­vi­du par la col­lec­ti­vi­té. La vie sau­vage par ses condi­tions mêmes, orga­nise une oppres­sion encore plus grande, et l’in­di­vi­du, enser­ré par le rets indé­fi­ni­ment mul­ti­plié des exi­gences maté­rielles, n’a guère le temps, comme Robin­son dans son île, que d’or­ga­ni­ser chaque jour sa lutte pour la vie et pour la subsistance.

La vie sociale, par les mille faci­li­tés qu’elle crée et orga­nise, libère évi­dem­ment l’in­di­vi­du d’un cer­tain nombre de ces sou­cis élé­men­taires qui émiettent une per­son­na­li­té. Elle lui per­met de se conce­voir comme type. Elle lui per­met de se dire, comme Mon­taigne : « J’emporte par­tout ma soli­tude avec moi ». Elle ne lui per­met guère de se réa­li­ser comme être, l’exis­tence de l’in­di­vi­du allant à l’en­contre de la plu­part des exi­gences du contrat social, qui se for­mule, vous le savez bien, par la vieille et hypo­crite ren­gaine : « Tous pour un, un pour tous ». Alors que la maxime de l’in­di­vi­dua­lisme, for­mu­lée par le même Mon­taigne, pour­rait être, en par­tie, conte­nue dans la phrase fameuse : « C’est une abso­lue per­fec­tion, et comme divine, de jouir loya­le­ment de son être ». Or, la vie sociale, la vie du corps social orga­ni­sé, implique l’i­dée que cette jouis­sance loyale lèse ses inté­rêts, ses lois, déchire l’hy­po­thèque qu’elle se croit en droit de prendre sur tous ceux qui sont enser­rés dans la gangue des socié­tés organisées.

En d’autres termes, si l’in­di­vi­du a besoin de la Socié­té pour ne pas dis­per­ser son acti­vi­té en mille besognes maté­rielles qui émettent et anni­hilent son indi­vi­dua­li­té, la socié­té ne peut consi­dé­rer l’in­di­vi­du (en tant qu’in­di­vi­du) que comme un acci­dent et tend, par tous les moyens directs ou indi­rects dont elle dis­pose, à rame­ner l’in­di­vi­du au rang d’élé­ment social, de cel­lule sociale.

Il suf­fit, du reste, de défi­nir clai­re­ment ce que l’on peut entendre par indi­vi­du pour pré­ci­ser cet état de choses.

— O —

Le mot indi­vi­du sou­lève, en effet, le plus gros pro­blème non seule­ment de la bio­lo­gie et des Sciences natu­relles, mais aus­si de la phi­lo­so­phie et de la métaphysique.

Un indi­vi­du, affirme le dic­tion­naire, se dit de chaque être orga­ni­sé, soit ani­mal, soit végé­tal, par rap­port à l’es­pèce à laquelle il appartient.

« L’in­di­vi­dua­li­té est ce qui fait qu’un être est tel être et qu’il a une exis­tence dis­tincte des autres êtres ».

Or, com­bien d’hommes, s’ils ont conquis la digni­té de pou­voir faire au moins un impar­tial et impi­toyable exa­men de conscience, com­bien d’hu­mains peuvent se tar­guer d’a­voir vrai­ment une exis­tence dis­tincte et auto­nome, de n’être pas seule­ment des aspects, des cas répé­tés de genres et d’espèces?…

Je dirai, à titre de remarque, d’illus­tra­tion — et il n’entre, certes, nulle inten­tion d’i­ro­nie dans cette obser­va­tion un peu mélan­co­lique — je dirai que ceux-là même qui font pro­fes­sion d’in­di­vi­dua­lisme doc­tri­naire croient trop sou­vent devoir, par leur mise exté­rieure, par le choix de leurs vête­ments, et la coupe de leurs che­veux, par l’as­pect même de ce que les Latins appe­laient habi­tus, mani­fes­ter qu’ils portent l’u­ni­forme d’in­di­vi­dua­liste ; tout comme d’autres portent celui d’ar­tiste, d’in­tel­lec­tuel, d’u­ni­ver­si­taire, voire d’agent de la contrainte sociale.

Il ne s’a­git pas, au demeu­rant, de blâ­mer ce qua­si ins­tinc­tif enfan­tillage ; nous cher­chons à étu­dier, objec­ti­ve­ment, sans pas­sion, les carac­tères et carac­té­ris­tiques de l’in­di­vi­du, comme nous étu­die­rions, loupe en main, les carac­té­ris­tiques d’une feuille, d’une fleur, d’une racine… Mais cette objec­ti­vi­té même dans la recherche et dans le juge­ment, pour simple et aisée qu’elle puisse sem­bler, est une des ver­tus les plus dif­fi­ciles que le cher­cheur doive acqué­rir et conser­ver. Les hommes en route vers le dou­lou­reux affran­chis­se­ment, eux-mêmes, n’aiment guère à se voir démon­trer que, s’ils échappent au gré­ga­risme col­lec­tif c’est pour deve­nir la proie orgueilleuse de petits gré­ga­rismes par­cel­laires, que, s’ils n’ont pas choi­si le milieu social qui les a sécré­tés et qui les condi­tionne, ils se sont immé­dia­te­ment englués dans un autre milieu, enro­bés dans d’autres pré­ju­gés, que l’in­di­vi­du qui se cher­chait, fier de son tra­ves­tis­se­ment oublie de conti­nuer sa route, comme le Roger de l’A­rioste oubliait chez Alcine la dure et fée­rique entre­prise qu’il avait assi­gnée à sa vaillance…

Mais il ne fau­drait pas, de ces consta­ta­tions néces­saires et qu’une conscience brave doit exa­mi­ner sans hypo­cri­sie, faire une rai­son de déses­pé­rer et de ne pas pro­gres­ser sur la route qui per­met à l’in­di­vi­du de se réa­li­ser, de s’af­fran­chir dans la mesure où les lois de la vie tolèrent cet affran­chis­se­ment, car tout ce qui vit tend et s’ef­force vers l’in­di­vi­dua­li­té, depuis l’arbre qui brise la pierre qui le porte jus­qu’à l’homme qui brise les tra­di­tions et les règles du milieu men­tal et social dans lequel il est plon­gé. Or, s’il semble impos­sible d’en­freindre cer­taines lois orga­niques est-il aus­si fata­le­ment inter­dit de refondre cer­taines lois men­tales et sociales ? Et cette science dont le XIXe siècle fut si fier concourt-elle, peut-elle concou­rir à l’af­fran­chis­se­ment de l’in­di­vi­du, en le dotant d’un impres­sion­nant empire sur la matière, et de sens si pro­lon­gés et si per­fec­tion­nés qu’il fini­rait par res­sem­bler à ces hommes-dieux que Wells a ima­gi­nés dans son Mr. Barns­taple ?

— O —

La science appli­quée, dont l’in­dus­trie exploite et concré­tise les décou­vertes, est l’art de doter l’homme d’or­ganes adven­tices, de sens arti­fi­ciels qui lui per­mettent d’am­pli­fier son action sur le monde maté­riel. La télé­gra­phie, la T. S. F., le télé­phone ne sont rien autre chose que la pro­lon­ga­tion des organes de la parole et du son ; l’au­to­mo­bile, l’a­vion nous dotent d’une rapi­di­té sur le sol ou dans l’air dont nos organes propres sont inca­pables. La machine pro­longe et mul­ti­plie nos sens, nos nerfs, nos muscles ; c’est encore de l’homme, en fer ou en ondes ; elle lui donne le pou­voir de dépla­cer ou de modi­fier des masses et des forces que ses organes nor­maux, ne pour­raient ébranler.

Ain­si, l’homme nu et désar­mé des pre­miers âges, sans avoir acquis autre chose que le déve­lop­pe­ment de ses organes, devient une sorte d’en­chan­teur dans le monde des phé­no­mènes natu­rels et voit gra­duel­le­ment s’ac­croître son emprise phy­sique sur le monde physique.

Ain­si il devient, par toutes ces forces dont il dis­pose, une sorte de géant prag­ma­tique. Mais l’in­di­vi­du n’y gagne rien ; car, comme dans un conte sym­bo­lique de ce Wells dont nous par­lions tout à l’heure, comme dans Place aux Géants, la Socié­té ne sau­rait per­mettre que ces organes ain­si pro­lon­gés, ampli­fiés, que ces forces ain­si domp­tées soient mises à la dis­po­si­tion de l’in­di­vi­du. Elle qua­li­fie­rait « révolte » ou « crime » l’acte par lequel des indi­vi­dus pré­ten­draient conser­ver pour eux seuls une décou­verte sus­cep­tible d’aug­men­ter la puis­sance de l’homme dans la pri­son de l’espace.

D’autre part, cette conquête pro­gres­sive du monde maté­riel par la mul­ti­pli­ca­tion des machines, du machi­nisme, a néces­si­té une orga­ni­sa­tion indus­trielle, des socié­tés humaines, a déter­mi­né une ère indus­trielle, un âge indus­triel qui condi­tionne étroi­te­ment, non seule­ment des foules spé­cia­li­sées dans la pro­duc­tion, mais le milieu social tout entier. Les gou­ver­ne­ments, les états, les nations se sont déve­lop­pées, défaits, modi­fiés dans la mesure où le jeu du déve­lop­pe­ment indus­triel l’exigeait.

Des guerres ont explo­sé, des états ont chan­gé de struc­ture, des com­bi­nai­sons eth­niques se sont désa­gré­gées parce que des mines de fer, de char­bon, parce que des puits de pétrole, parce que des gise­ments de miné­raux ou de métaux, parce que l’ou­ver­ture de nou­veaux comp­toirs ou le jeu per­ni­cieux des Bourses exi­geaient inexo­ra­ble­ment ces modifications.

Des exemples ? Ils sont mul­tiples et actuels.

C’est com­man­di­té par les grands indus­triels de la Pénin­sule et par les action­naires amé­ri­cains qui avaient mis de l’argent chez ces indus­triels que le dic­ta­teur de l’I­ta­lie peut, en 1920, orga­ni­ser son coup d’É­tat, à l’heure même où les usines trans­al­pines sem­blaient, en pro­cla­mant la dic­ta­ture ouvrière, ren­ver­ser tout le régime de l’o­li­gar­chie indus­trielle. Depuis, il semble qu’il n’y ait plus qu’un seul indi­vi­du debout sur l’I­ta­lie sujette, alors que les puis­sants inté­rêts éco­no­miques qui ont sub­ven­tion­né son aven­ture peuvent, d’un seul coup, bri­ser leur fon­dé de pou­voir, le jour où son omni­po­tence leur sem­ble­ra inutile ou nuisible.

Mais si la dic­ta­ture monar­chique ain­si concé­dée et appoin­tée par les entre­prises indus­trielles ne semble tolé­rer, dans le pays, aucune vel­léi­té indi­vi­dua­liste, la dic­ta­ture des masses réunies et agglo­mé­rées par les exi­gences de l’in­dus­trie, la « dic­ta­ture du pro­lé­ta­riat », ne tolère pas davan­tage des liber­tés de l’individu.

Car fas­cisme et sovié­tisme n’au­raient pu se pro­duire dans un monde sans machines et sans indus­tria­lisme et n’ont aucun rap­port avec les des­po­tismes féo­daux et mili­taires des siècles passés.

La dic­ta­ture est l’a­bou­tis­se­ment logique des civi­li­sa­tions indus­trielles. Pour ne point por­ter ce titre, l’op­pres­sion de l’in­di­vi­du aux États-Unis et dans la soi-disant « libre Angle­terre » est aus­si lourde que dans les empires de la fau­cille ou du faisceau.

Ain­si le XXe siècle indus­triel, pour avoir vou­lu doter l’homme de sens et d’or­ganes per­fec­tion­nés et qua­si-sur­hu­mains, a fait s’ap­pe­san­tir sur les indi­vi­dus une ser­vi­tude plus irré­mé­diable que celle impo­sée par la nature aux Socié­tés pri­mi­tives.

Et les indi­vi­dus qui vou­draient bri­ser de tels jougs ne pour­raient le faire qu’en s’a­gré­geant entre eux, et qu’en s’im­po­sant ain­si une autre ser­vi­tude col­lec­tive, libre­ment vou­lue, sans doute, mais aus­si néga­trice des espoirs individualistes.

Dans cette étude som­maire, dans cet aper­çu à vol d’oi­seau, je ne puis, certes qu’es­quis­ser les élé­ments d’un thème qui deman­de­rait un lourd volume pour être trai­té avec toute l’ex­ten­sion qu’il comporte.

Mais, de l’exa­men même des socié­tés indus­trielles actuel­le­ment orga­ni­sées — pour des rai­sons géo­gra­phiques, his­to­riques, eth­niques — en nations, il res­sort que le XXe siècle, au fur et à mesure qu’il sem­blait ampli­fier l’emprise de l’homme sur la matière, restrei­gnait les pos­si­bi­li­tés d’é­va­sion, d’é­pa­nouis­se­ment de l’individu.

— O —

Est-ce à dire que tout espoir soit inter­dit de voir se déve­lop­per l’être indi­vi­duel ? Que sous l’i­nexo­rable néces­si­té sociale l’in­di­vi­du ne soit plus qu’un pri­son­nier sans espoir ?

Non.

L’his­toire même de la pen­sée humaine contre­di­rait cette anti­ci­pa­tion déso­lante : elle nous rap­pelle que, si l’in­di­vi­du est étroi­te­ment cap­tif dans le milieu maté­riel, il pos­sède, dans le monde spi­ri­tuel, men­tal, un domaine propre. Ce domaine il peut, dès main­te­nant, le rendre auto­nome, inac­ces­sible et, grâce à lui, entre­voir, pour des temps sociaux futurs, entiè­re­ment dif­fé­rents des nôtres, les pos­si­bi­li­tés les plus magnifiques.

Mais une erreur com­mune est de confondre l’u­ni­té humaine et l’in­di­vi­du humain, de croire qu’il y a autant d’in­di­vi­dus qu’il y a d’hommes, alors que le don d’in­di­vi­dua­li­té, comme le génie musi­cal, scien­ti­fique, phi­lo­so­phique, est une chose rare, ava­re­ment dépar­tie. Notre erreur est de vou­loir doter l’in­di­vi­du de dégui­se­ments et de fan­tômes, sans recher­cher ce qui fait son ori­gi­na­li­té et son uni­té spé­ci­fique. Notre erreur est de nous pré­tendre indi­vi­dua­listes et de n’a­voir ni la force, ni le cou­rage, ni la patience de nous entraî­ner à être des indi­vi­dus ; de croire que l’on apprend sans effort à être un indi­vi­du, alors qu’il faut une tenace gym­nas­tique, pour apprendre le jeu du pia­niste, du cycliste, du dactylographe…

C’est cette étude qu’il nous sera peut-être don­né de pour­suivre de com­pa­gnie, au cours de ces cha­pitres sin­cères, de ce mono­logue libre, que, face à ma rai­son, j’ai essayé de pro­fé­rer, pour les quelques indi­vi­dus qui se cherchent, en sou­le­vant déses­pé­ré­ment l’é­norme masse men­tale et sociale qui pèse sur eux et qui les tient…

Ganz-Allein


Dans le même numéro :


Thèmes


Si vous avez des corrections à apporter, n’hésitez pas à les signaler (problème d’orthographe, de mise en page, de liens défectueux…

Veuillez activer JavaScript dans votre navigateur pour remplir ce formulaire.
Nom

La Presse Anarchiste