Où est l’homme assez audacieux pour dire
À la mer : « C’est ainsi que je te ceux et non autrement » ?
Car — qu’elle s’étale sereine et magnifique,
Baignant amoureusement la terre et reflétant
Le sourire du ciel sur ses ondes d’améthyste…
Ou que rafraîchie par la brise qui souffle
Elle porte vers leur destin le commerce et les navires
Tantôt pour l’utilité du monde, tantôt à des fins plus sévères ;
Ou bien que balayée par la tempête, elle n’abandonne
À une furie primitive, hurlante et rugissante,
Montant à l’assaut de toutes les barrières qu’on lui oppose,
Déchaînée, entraînant dans ses abîmes les êtres vivants
Et semant d’épaves lieues sur lieues de côtes désolées
— Elle demeure la mer et tous s’inclinent
Devant sa majesté variée et immenseDe même c’est en vain que des hommes timorés
S’efforceront de poser des limites et des bornes à la Liberté,
Car la Liberté est sa loi à elle-même pour l’éternité.
Elle pose ses propres conditions et, au sein de la tempête
Comme au coeur du calme, elle accomplit son inflexible Volonté.
Ne la méprisons donc pas quand elle se repose
Tel un lion assoupi, tandis que semblable à un
Essaim de moustiques les persécutions bourdonnent autour de sa tête ;
N’en doutons pas lorsque, aux époques tourmentées,
Elle secoue la torche de la terreur et que ses cris
Épouvantent la terre qui tremble et que dans la flamme
Du désordre et de la guerre, nous la voyons toute sanglante
Faire rouler sur l’échafaud la tête des rois tremblants d’effroi.
Car dans tes yeux, ô Liberté,
Luit toujours la radieuse lumière par laquelle le monde sera sauvé.
Et même si tu nous ôtais la vie, nous aurions encore foi en toi.
John Hay.