La Presse Anarchiste

Poèmes pour l’amie

Ah ! que ne suis-je un petit oiseau ?
Pas un oiseau de luxe, sûrement,
pas un oiseau des îles,
mais un oiseau dans le genre de l’hirondelle
que les longs tra­jets ne rebu­tent ni ne lassent.

Comme j’au­rais bien­tôt fait de te rejoindre
partout où tu te déplacerais !
Je serais tou­jours a tes côtes ou dans les alentours,
tu ne me ver­rais pas,
tu ne m’apercevrais pas,
ou encore tu ne serais pas atten­tion à moi,
mais je serais là quand même :
Dans un angle du toit où j’au­rais bâti mon nid,
quelque part dans le minus­cule jardin attenant à ton logis,
ou sur la crête du mur qui sépare la demeure de la mai­son adjacente,
et par­fois même dis­simulé dans un coin de la cham­bre où tu reposes.
Je t’ac­com­pa­g­n­erais dans tes courses,
dans tes voyages.
Je te précéderais ou le suiv­rais selon les cas,
tan­tôt je me cacherais au coeur de quelque buis­son touf­fu en atten­dant que tu passes,
lors de tes ran­don­nées à bicyclette,
tan­tôt je me percherais sur quelque branch­es d’ar­bre en fleurs.

Si tu pre­nais le train,
j’ar­riverais bien à me juch­er sur la toi­ture de quelque wagon.
Je serais éveil­lé avant toi
afin de le saluer à ton départ
et je ne réin­té­gr­erais mon nid qu’après t’avoir accompagnée
à ton retour,

Aucune bar­rière ne m’empêcherait de te rejoindre,
le petit oiseau que je serais n’au­rait heureuse­ment à tenir aucun compte,
des con­venus, des usages ou des men­songes sociaux.
Je te suiv­rais n’im­porte où
en prison, en exil, par delà les mers, s’il le fallait :
Je me nicherais sur les mâts du navire qui t’emporterait vers de loin­taines rives !
Et lorsqu’au­rait son­né l’heure de ren­dre à la nature ma petite âme d’oiseau,
je ramasserais assez d’én­ergie encore pour
me gliss­er jusqu’à la couche, jusque sur ton sein
et me pelo­ton­nant dans la tiédeur de ce dernier abri,
pour exhaler mon dernier souffle,
heureux, en expi­rant, de t’avoir aimée, de t’être demeuré fidèle jusqu’à la fin.

29 août 1942

E. Armand.


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