La Presse Anarchiste

Marx, Bakounine et les dissidents russes

Je ne dis pas sovié­tiques, car en Russie il n’y a pas de sovi­ets. Ce n’est qu’une oli­garchie despo­tique dans les péri­odes où man­quent l’au­to­crate tra­di­tion­nel… Voici déjà 63 ans qu’ex­iste cette créa­tion du social­isme « sci­en­tifique », cette dic­tature du « pro­lé­tari­at » qui ne devait dur­er que peu, le temps de liq­uider les class­es, après quoi, dis­ait et le dit tou­jours la recette du même social­isme, c’est la société sans class­es, le social­isme, le com­mu­nisme… le par­adis ! En atten­dant, on a liq­uidé dans ce mal­heureux pays les enne­mis de classe, les « enne­mis » poli­tiques des autres mou­ve­ments social­istes et des paysans par mil­lions. On a fait mourir d’autres mil­lions par la famine arti­fi­cielle­ment créée. On a liq­uidé la vieille garde lénin­iste qui a d’ailleurs bien mérité son sort pour avoir été l’a­vant-garde de la ter­reur et de la félonie du début. Ils ont inven­té aus­si les ter­ri­bles camps de con­cen­tra­tion qui ont servi de mod­èle à toutes les dic­tatures du monde, de sorte que cette « démoc­ra­tie » cen­tral­iste y a fait mourir pas moins de 60.000.000 d’in­no­cents ! Ils ont fait aus­si une guerre patri­o­tique avec promesse solen­nelle de lib­erté et on pré­pare et on donne le ton à une nou­velle guerre, atom­ique cette fois. Tout ceci est le fruit bien mûr de social­isme « sci­en­tifique » inven­té par Marx et son valet bien docile, le fab­ri­quant Engels. Si il y a plus d’un siè­cle, nan­ti d’une bonne dose d’ar­ro­gance, on pou­vait par­ler d’un tel social­isme, de nos jours cela devient un atten­tat à la logique, au bon sens et à la vérité. On se demande avec stu­peur com­ment est pos­si­ble l’ex­is­tence de gens aus­si bornés que, par exem­ple, la veuve de Mau­rice Thorez qui à la TV, l’air ingénu, demande aux français d’ac­cepter « une petite dic­tature du pro­lé­tari­at de bien courte durée»… Bien sur cette vénérable vieil­larde a tou­jours vu le monde à tra­vers des lunettes ros­es. Elle à sûre­ment accom­pa­g­né Thorez en Russie et grâce à ses lunettes elle est restée enchan­tée de cette dic­tature bien courte ! Mais si des gens comme elle, repus de démoc­ra­tie (car ils osent dire impuné­ment bien plus que le français moyen) vident le con­tenu de leur igno­rance devant les téléspec­ta­teurs, ils sont excus­ables à cause de l’ab­sence de bagages intel­lectuel et de l’anesthésie morale dont ils sont atteints. Cepen­dant, ce qui est mille fois plus stupé­fi­ant, c’est de voir des jeunes expul­sés par les « social­istes sci­en­tifiques » de Moscou qui arrivent et se déclar­ent marx­iste ! Pour­tant ils ne sont pas dépourvus de bagage intel­lectuel, car une bonne par­tie est for­mée d’écrivains, de philosophes et de poètes. Ils ne souf­frent pas s’anesthésie morale car ils se sont révoltés et ont passé de longues années dans les camps et les pris­ons psy­chi­a­triques. Cepen­dant ils se dis­ent marx­istes, bien per­suadés que ce sont les « sci­en­tifiques » du Krem­lin qui se trompent, tan­dis que eux, les véri­ta­bles marx­istes, sont capa­bles de créer une société juste, humaine et un monde nou­veau avec les pré­ceptes d’une théorie qui s’est avérée erronée et néfaste pour l’his­toire humaine. En atten­dant, dès leur arrivée en avion, on les voit se prostern­er en direc­tion de la nou­velle Mecque démoc­ra­tique de Wash­ing­ton et atten­dre l’oc­ca­sion et l’hon­neur de ser­rer la main du cham­pi­on des droits de l’homme, Jim­my Carter. Pour être juste, il faut accorder une cir­con­stance atténu­ante à ces jeunes gens qui ont dû pass­er oblig­a­toire­ment par l’alchimie sco­las­tique du marx­isme. Tout y passe, la jeunesse comme les vieil­lards, dans ces cham­bres pires que celles à gaz, celles du lavage des cerveaux. Cepen­dant il y a une cir­con­stance aggra­vante : ces dis­si­dents avaient des com­pa­tri­otes glo­rieux, des révo­lu­tion­naires dotés d’une abné­ga­tion apos­tolique tels que Tch­er­nichevs­ki, Dobrol­ubov, Herzen, Oga­rev, et le géant de la révo­lu­tion russe et mon­di­ale, Michel Bak­ou­nine. Et stu­peur, le silence à leur égard est com­plet de la part de ces écrivains, poètes, etc.! Le seul lavage de cerveaux ne suf­fit pas car dans leur pays les œuvres de ces géants exis­tent, quoique accom­pa­g­nées de com­men­taires ridicules. La réti­cence de ces dis­si­dents ne peut pas s’ex­pli­quer par le manque d’in­for­ma­tion, car en pleine guerre, lors du pas­sage des troupes russ­es dans notre ville en Bul­gar­ie, j’ai con­nu deux sol­dats qui à la ques­tion « Êtes-vous marx­istes ? » répondirent « Je suis bak­ounin­iste » en dis­parais­sant dans la foule des sol­dats, car en temps de guerre il faut un sacré courage pour faire des aveux pareils. Or l’at­ti­tude de cette nou­velle émi­gra­tion ne s’ex­plique que par le fanatisme dont ils sont imprégnés, et ils ont souf­fert à tort et en vain, car avec le marx­isme on ne peut créer qu’un ordre étatiste et une dic­tature comme celle de leur pays… Nous lib­er­taires, nous n’avons jamais pro­mu nos idéo­logues au rang de génies, de prophètes et de dieux comme le font régulière­ment les marx­istes. Cepen­dant, on ne peut pas s’ab­stenir de rap­pel­er à ces dis­si­dents qu’il y a plus d’un siè­cle, Bak­ou­nine dis­ait : « Tout gou­verne­ment, même com­posé d’au­then­tiques ouvri­ers, ne tardera ps à se trans­former en une nou­velle aris­to­cratie et tyran­nie ». Cette prophétie a été trag­ique­ment con­fir­mée par l’his­toire, hélas ! Mais le même ora­cle, la bête noire aux yeux de Marx, con­tin­u­ait  « Lib­erté sans égal­ité, c’est injus­tice et priv­ilèges ; égal­ité sans lib­erté, c’est la bes­tial­ité ». comme en Russie il n’y a ni l’un ni l’autre, c’est encore pire, c’est l’ab­so­lutisme d’I­van le ter­ri­ble, de Néron, de Caligu­la et des Pharaons…

Oui, Bak­ou­nine était la bête noire pour le père du social­isme « sci­en­tifique ». avec une ambiguïté et une hypocrisie effarantes, ne pou­vant pas com­bat­tre les vérités sim­ples de ce grand révo­lu­tion­naire, Marx est passé à l’in­trigue, à la calom­nie et aux mis­es en scène de con­grès truqués et de procès qui ont servis de mod­èles aux fameux procès stal­in­iens. Il s’in­quiète dès le début de la car­rière révo­lu­tion­naire de Bak­ou­nine. Celui-ci n’é­tait pas encore anar­chiste et prêchait la révo­lu­tion des paysans slaves opprimés par toutes les monar­chies de l’Eu­rope cen­trale et ori­en­tale. Néan­moins on dev­inait déjà l’apôtre de la révo­lu­tion mon­di­ale, car il prévoy­ait l’ex­ten­sion de la fronde aux autres pays et dans le monde entier. Lorsque Bak­ou­nine com­bat­tait sur les bar­ri­cades de Dres­de et que resté à son poste jusqu’à la fin il fut con­damné à mort, cela ne gênait par Marx de vitupér­er con­tre lui car, paraît-il, son pan-slav­isme aurait entravé la révo­lu­tion alle­mande qui n’ex­is­tait que dans l’imag­i­na­tion des marx­istes. Il n’y eut que l’escar­mouche de Dres­de, menée par des démoc­rates bour­geois, où Bak­ou­nine fut sur­pris et pris à part, car il lut­tait sur toutes les bar­ri­cades du monde. En réal­ité son but était d’at­tein­dre Prague pour y déclencher la révo­lu­tion slave à laque­lle il œuvrait déjà depuis sa jeunesse. Cette calom­nie n’é­tant pas suff­isante, les aides de camp de Marx répandirent le bruit que Bak­ou­nine serait un agent du Tsar et la « nou­velle » fut imprimée et répan­du par le pro­pre jour­nal du Pape du social­isme « sci­en­tifique », Die Neue Rheinis­che Zeitung. L’énorme men­songe affir­mait que George Sand aurait été en pos­ses­sion de doc­u­ments irréfuta­bles. Bak­ou­nine écriv­it à l’écrivain qui était son amie et elle lui expri­ma sa pro­fonde indig­na­tion pour cette odieuse calom­nie. Cepen­dant, Marx fai­sait l’ingénu, il n’en savait rien, il aurait été absent etc. Sur le chemin de Prague, Bak­ou­nine ren­con­tre Marx et croy­ant, ou faisant sem­blant de croire à ces men­songes son grand cœur slave oublie tout et il embrasse son détracteur. A Dres­de, il est con­damné à mort et livré aux autorités autrichi­ennes et il est de nou­veau con­damné à mort. Mais la mort ne veut pas de lui et on le livre aux mains du tsar, son pire enne­mi. Comme on le sait déjà, il purge cinq années de forter­esse et deux ans de Sibérie après quoi il réap­pa­raît en Europe. Ain­si passent sept années de la vie de Bak­ou­nine mais la vieille calom­nie n’est pas oubliée. Elle cou­ve dans l’âme et les archives de Marx et attend le moment prop­ice. Le grand révo­lu­tion­naire est devenu non seule­ment une fig­ure légendaire, mais il a muri : débar­rassé de son panslav­isme, il prône la révo­lu­tion sociale pro­lé­tari­enne antié­tatiste qui devrait instau­r­er une société libre, basée sur le principe fédéral­iste et qui doit s’au­to­gér­er à l’aide des con­seils (sovi­ets) ouvri­ers, paysans et ceux de toutes les autres organ­i­sa­tions dont les délégués, libre­ment élus et révo­ca­bles, for­meraient le con­seil com­mu­nal. La com­mune devrait être une petite république qui s’u­nit aux autres com­munes pour for­mer une province et la total­ité des provinces com­posent la nation. Par la voie du fédéral­isme, les nations s’u­nis­sent en con­ti­nents pour for­mer finale­ment la grande fra­ter­nité mon­di­ale. Tout ceci pou­vait paraître naïf et utopique en son temps et Marx n’ou­bli­ait pas de le soulign­er. Mais de nos jours où l’ex­péri­ence des « sci­en­tifiques » a abouti a la plus for­mi­da­ble dic­tature de l’his­toire humaine, les choses se présen­tent sous une lumière dif­férente. On reprochait à Bak­ou­nine l’ab­sence de quelqu’un qui com­mande, mais à force de com­man­der on arrive là où sont les choses dans cette immense prison nom­mée « Union Sovié­tique ». Donc il ne faut pas de com­man­dants, mais l’or­gan­i­sa­tion libre des tra­vailleurs par la voie fédéral­iste. Aujour­d’hui, nous avons au moins deux organ­i­sa­tions de ce type qui exis­tent à l’échelle mon­di­ale depuis plus d’un siè­cle : l’U­nion Postale et celle des chemins de fer. Là, per­son­ne ne com­mande, tout se fait par entente mutuelle et cela va à mer­veille. Marx se moquait des idées de Bak­ou­nine, mais il en avait une peur panique. C’est que les ouvri­ers en Suisse, en Ital­ie, en Espagne, en France embras­saient les idées lib­er­taires et leurs sec­tions for­maient la majorité au sein de l’In­ter­na­tionale. Bak­ou­nine était devenu un héros de la révo­lu­tion ayant unique­ment Garibal­di pour émule. Et au con­grès de la Ligue pour la Paix et la Lib­erté en 1866 à Genève lorsque Bak­ou­nine monte à la tri­bune, le prési­dent Garibal­di se lève, va à sa ren­con­tre et le serre dans ses bras. A cette époque, on n’avait pas encore adop­té la cou­tume arabe de se dis­tribuer des bais­ers comme on voit tous les poten­tats du Krem­lin régaler de leur salive leur vas­saux du vaste empire colo­nial. Naturelle­ment Marx devait pren­dre ses pré­cau­tions car le con­grès de Bâle en 1869 avait mon­tré la force du mou­ve­ment lib­er­taire mal­gré l’ab­sence de plusieurs délégués du sud trop pau­vres pour pay­er le voy­age. Alors effrayé Marx déclenche à nou­veau les orgues de la diffama­tion : le révo­lu­tion­naire de légende, l’en­ne­mi n°1 de toutes les monar­chies devient encore une fois le bras droit du Tsar ! Et cela mal­gré ses sept années de forter­esse et de bagne, en dépit de ses con­damna­tions à mort et sa lutte sur les bar­ri­cades de Prague et de Dres­de. Il fal­lait être fon­cière­ment pour­ri dans l’âme pour pou­voir débiter des mesquiner­ies pareilles, répug­nantes et dégradantes pour leur auteur. Cepen­dant cela ne suff­i­sait pas, il fal­lait faire le procès de Bak­ou­nine. Il faut l’ex­clure de l’in­ter­na­tionale et tan­dis que les pro­lé­taires de Paris mouraient en défen­dant la com­mune, pen­dant que Bak­ou­nine organ­i­sait à Lyon et à Mar­seille des insur­rec­tions et d’autres com­munes, Marx pré­parait sa vendet­ta. En vue du con­grès de 1872 qu’il con­vo­qua à des­sein en Hol­lande, il cher­chait fiévreuse­ment des charges con­tre son « enne­mi » mor­tel. Grâce à son âme généreuse, Bak­ou­nine avait eu l’im­pru­dence de col­la­bor­er deux ans avec Netchaev, un précurseur du bolchévisme, voy­ant dans quelle mis­ère il vit, ce jeune ter­ror­iste décide d’en­voy­er une let­tre de men­aces à l’édi­teur russe qui avait avancé 300 rou­bles à Bak­ou­nine pour la tra­duc­tion du « Cap­i­tal ». Le pau­vre homme avait com­mencé son tra­vail puis, emporté par son élan dans l’or­gan­i­sa­tion de la révo­lu­tion et de son énorme cour­ri­er, il a délais­sé la tra­duc­tion. Il est très pos­si­ble qu’elle le dégoutait car il écrit à un de ses amis : « je suis en train de traduire la méta­physique de Marx ». Tou­jours est-il que le tra­vail s’ar­rê­ta et Bak­ou­nine attendait en vain de l’ar­gent de ses frères afin de pou­voir rem­bours­er l’édi­teur. L’in­ter­mé­di­aire dans cette affaire est un étu­di­ant, Lubavine, que Marx cherche fiévreuse­ment afin d’avoir le témoignage de « l’e­scro­querie ». Et il doit rester déçu car l’é­tu­di­ent lui répond néga­tive­ment. Bak­ou­nine n’au­rait pas pris part à la let­tre de men­ace et au chan­tage. Mais Marx et ses valets ont déjà émis leur sen­tence : on charge le vail­lant révo­lu­tion­naire de tous les écrits ter­ror­istes de Netchaev. Au con­grès réu­nit à La Haye, les bak­ounistes sont minori­taires car le voy­age était trop long et cou­teux pour les délégués du Sud. Aupar­a­vant on organ­i­sait les con­grès en Suisse, beau­coup plus acces­si­ble pour les sud­istes, mais Marx qui dirigeait l’In­ter­na­tionale en auto­crate au sein du secré­tari­at général (élu par per­son­ne) avait cal­culé de con­vo­quer le con­grès loin au nord. Or Bak­ou­nine était accusé de dic­tature, voulant s’emparer de l’In­ter­na­tionale et d’e­scro­querie, accusé par celui qui pra­tique la dic­tature depuis la fon­da­tion de l’In­ter­na­tionale et le père du com­mu­nisme « sci­en­tifique », par­ti­san de l’ex­pro­pri­a­tion des richess­es de la bour­geoisie ! Quel avant-goût des procès staliniens !

L’his­toire a voulu se moquer de la jus­tice, elle a jeté 1/3 du monde dans les griffes des dis­ci­ples d’un méta­physi­cien hal­lu­ciné, et cela grâce au geste impar­donnable des marins anar­chistes de Kro­n­stadt qui chas­sèrent Keren­s­ki pour laiss­er s’in­tro­n­is­er Lénine. En avril 1921 ces héros payèrent de leur sang l’er­reur his­torique. Et dire que pen­dant 4 longues années ils auraient pu faire chang­er l’his­toire de la Russie et du monde, si ils avaient été mieux instru­its dans les idées de Bak­ou­nine. Mais pen­chons-nous un moment sur cette super-sci­ence marx­iste et exam­inons-en ses lois de fer, ou d’aci­er comme les voulait Engels :

Il sem­ble de prime abord que cela ne vaudrait pas la peine de s’oc­cu­per du marx­isme qui est un sys­tème méta­physique dans les temps mod­ernes, mais con­sid­érant qu’un bon tiers de notre planète se trou­ve sous la botte de ses führers et de ses gauleit­ers, quoique divisés, on est for­cé de chang­er d’avis. C’est que tout mou­ve­ment poli­tique repose sur une théorie de sorte que l’on ne pour­rait pas le com­bat­tre sans s’at­ta­quer à sa base philosophique. Le marx­isme, son « matéri­al­isme » dialec­tique et his­torique repose entière­ment sur la con­cep­tion idéal­iste et méta­physique de Hegel, le philosophe alle­mand qui a bat­tu tous les records en intu­itions arbi­traires, se trou­vant en désac­cord com­plet avec la réal­ité. Il n’est orig­i­nal que dans la mesure où il use de toute sa rhé­torique abstraite pour jus­ti­fi­er la monar­chie prussi­enne dont il était le fidèle valet. Le reste, il l’a copié du philosophe antique Hér­a­clite qui basait son sys­tème sur le change­ment per­pétuel des mon­des. « Tout change, tout coule » dis­ait-il. Il n’est lui-même pas orig­i­nal, il a un illus­tre précurseur, le philosophe Anax­i­man­dre, qui con­sid­érait l’u­nivers com­posé d’une sub­stance unique incon­nue et ani­mée d’un mou­ve­ment et change­ment éter­nel. Hegel copie égale­ment l’idée d’Hér­a­clite selon laque­lle dans tous les objets et tous les phénomènes il y a des forces con­traires dont la lutte pro­duit le change­ment et le pro­grès. Il est donc par­ti­san de la lutte et de la guerre, où les forces con­traires s’u­ni­raient dans un mou­ve­ment d’har­monie ! Pour être logique, Hér­a­clite se déclare con­tre Homère qui pré­conise la dis­pari­tion de la guerre par­mi les dieux et entre les humains. « Il ne pen­sait pas qu’il prie pour la destruc­tion du monde, s’indigne le bon Héraclite,car si sa prière était exhaussée, tout irait en ruine ». Hegel copie encore d’autres idées, et après une salade d’Idée absolue, d’E­sprit absolu et de Dieu, il nous sert l’inep­tie égale­ment copiée selon laque­lle il n’y a que le tout qui est réel et existe en entier tan­dis que le par­ti­c­uli­er est réel seule­ment en par­tie. Cela veut dire que Dieu seul,ou l’e­sprit absolu existe pour de vrai et le reste n’ex­iste qu’au quart ou à la moitié ! Naturelle­ment il copie aus­si l’idée de la guerre et devient son par­ti­san pas­sion­né, mais unique­ment lorsqu’elle est vic­to­rieuse pour la couronne de Prusse. Ici s’ac­com­plit un mir­a­cle philosophique : le prona­teur du change­ment et du pro­grès per­pétuel voit dans sa philoso­phie la réal­i­sa­tion de l’e­sprit absolu. Cela sig­ni­fie que par­mi tous les sys­tèmes philosophiques, il n’y a que le sien qui existe à part entière et représen­terait en plus la fleur de la pen­sée humaine qui resterait telle pour l’é­ter­nité. Cepen­dant la réal­i­sa­tion de la divinité ne s’ar­rête pas là, elle s’ef­fectuerait égale­ment dans la monar­chie prussi­enne qui lui est si chère. Ces deux réal­i­sa­tions restent à plan­er seule dans un monde inex­is­tant ou en par­tie réel avec la per­mis­sion du bon penseur. Allons croire que nous avons à faire à un homme nor­mal. Tout ceci n’est pas de nature à le gên­er lorsqu’il affirme : tout ce qui est rationnel existe et tout ce qui existe est rationnel. C’est une autre astuce pour étay­er la monar­chie prussi­enne et à la fois une con­tra­dic­tion car à cette époque il y avait plusieurs monar­chies qui du coup devi­en­nent rationnelles, exis­tantes etc. Cepen­dant dans Hegel il y a des sot­tis­es orig­i­nales : son éter­nel mou­ve­ment pro­gres­sif s’ef­fectuerait suiv­ant une recette à lui : thèse, antithèse, syn­thèse. Cela veut dire que la lutte des forces con­traires qui sévit dans chaque chose amène un stade ini­tial (thèse) à sa néga­tion (antithèse) et celle-ci va à son tour vers sa néga­tion, la syn­thèse, qui ne serait autre que la thèse à un degré supérieur. Pourquoi tout cela ? C’est un mys­tère dont seuls les marx­istes pos­sè­dent la clé. Cepen­dant cette inep­tie et tout le brouil­lard qui recou­vre « la fleur de la pen­sée » ne gên­erait pas leur auteur pour répon­dre avec arro­gance à ces cri­tiques qui lui démon­traient que les faits infir­ment ses théories : « tant pis pour les faits » rétorquait-il en passant.

Marx et Engels étaient dis­ci­ples de Hegel et le restèrent jusqu’à la fin de leur vie, nonob­stant l’af­fir­ma­tion que, ayant pris con­nais­sance du matéri­al­isme de Feuer­bach, ils délais­sèrent Hegel et se firent matéri­al­istes. Cela saute aux yeux si on analyse leur con­cep­tion point par point :

1. Ils adop­tèrent le sys­tème hegelien presque en entier à‑priori, ensuite ils se mirent à la recherche de preuves en défor­mant et en fal­si­fi­ant la science.

2. L’idée de grandeur con­cer­nant « la fleur de la pen­sée humaine » et sa peren­nité passent dans le marx­isme en entier et sans cam­ou­flage. Lui aus­si représen­terait la super-sci­ence et le super-social­isme val­able à tout jamais. Cela veut dire qu’ils ne doivent subir aucun change­ment dans un monde soumis à un per­pétuel mou­ve­ment pro­gres­sif dialec­tique. Il devient clair à tous que les Papes marx­istes se con­tre­dis­ent eux-mêmes, car ou bien le monde est soumis à un change­ment éter­nel con­cer­nant égale­ment le marx­isme qui tôt ou tard devrait aboutir à sa néga­tion (antithèse), ou bien l’u­nivers est sta­tique et il y a des choses et des états per­pétuels tels que les hal­lu­ci­na­tions de Hegel et Marx.

3. Dans l’hege­lisme le ressort ou la force motrice dans l’u­nivers est l’idée, ou esprit absolu, qui est une cause en soi et se développe toute seule. Dans le marx­isme, il y a une thèse iden­tique con­cer­nant le développe­ment his­torique. Ce serait l’é­conomie, stim­ulée par le pro­grès des moyens de pro­duc­tion qui déter­mine l’al­ter­nance des régimes soci­aux, de leur loi et de toute la super­struc­ture de la vie intel­lectuelle. Ils n’ont aucune réponse et celui qui avance l’af­fir­ma­tion que ce sont les besoins humains qui font pro­gress­er les out­ils et les machines est accusé de biol­o­gisme ! C’est une sorte d’hérésie aux yeux des marx­istes qui par ce fait se déclar­ent par­ti­sans de l’au­todéveloppe­ment des forces pro­duc­tives. Une analyse atten­tive nous mon­tre que l’his­toire n’est pas tou­jours trib­u­taire des moyens de pro­duc­tion. Ain­si depuis l’an­tiq­ui­té jusqu’à la révo­lu­tion indus­trielle au siè­cle dernier, nous voyons les mêmes forces pro­duc­tives : l’ar­ti­sanat et la man­u­fac­ture dont l’eau con­sti­tu­ait l’én­ergie motrice. Pour­tant il y a eu des change­ments de régimes, de lois, de philoso­phie etc. durant ce long laps de temps ! Il y a cepen­dant une loi qui date de l’époque romaine et qui est tou­jours en vigueur, c’est celle qui garan­tit la pro­priété privée. Com­ment expli­quer cette anom­alie ? Les forces pro­duc­tives et toute l’alchimie marx­iste ne ser­vent à rien. Il n’y à que la con­cep­tion vrai­ment matéri­al­istes, celle des rap­ports de pos­ses­sion qui nous four­nit la clef. Dans ses égare­ments méta­physiques, Marx prend à tort ceux-ci pour des rap­ports de pro­duc­tion qui devraient oblig­a­toire­ment chang­er lorsqu’ils entrent en con­flit avec les moyens de pro­duc­tion. Quelle chance, tout est automa­tique dans le marx­isme et va sur des roulettes. L’his­toire nous apprend que les rap­ports de pos­ses­sion sont pri­mor­diaux et firent leur appari­tion au sein de la société prim­i­tive. Depuis les richess­es changent et vont aux mains des plus forts, des vain­queurs. Les forces pro­duc­tives étant une richesse les accom­pa­g­nent, mais elles n’ont jamais déter­miné le cours de l’his­toire. La preuve : la révo­lu­tion russe n’é­clatât pas à cause du con­flit imag­i­naire entre les rap­ports de pro­duc­tion et les machines, mais bien à la suite des rap­ports de pos­ses­sion dans une société semi-féo­dale où l’énorme masse paysanne ne pos­sé­dait que ses bras et sa mis­ère. Et encore : la grande révo­lu­tion fut sabotée par une oli­garchie de par­ti qui saisit les ter­res et les forces pro­duc­tives et con­fec­tion­na une société , où les rap­ports de pro­duc­tion sont bien pires qu’à l’époque des tsars.

4. Nous ne pou­vons pas pren­dre au sérieux l’asser­tion de Marx et Engels comme quoi ils auraient rompu avec Hegel en dres­sant sur les pieds sa con­cep­tion des idées qui paraît-il repo­sait sur sa tête aupar­a­vant. D’après Hegel, les idées s’ex­téri­orisent de notre esprit et créaient les objets et les choses qui n’ex­is­tent pas objec­tive­ment. Marx et son adjoint se mirent à voir dans les idées les pho­togra­phies des choses. C’est l’u­nique con­cep­tion matéri­al­iste qui cor­rige une faible part de l’énorme édi­fice méta­physique adop­té en bloc par les papes marx­istes. Il la copièrent de Feuer­bach qui était dis­ci­ple des matéri­al­istes français de l’é­cole de Diderot que précé­dait déjà John Lock avec sa con­cep­tion de « tab­u­la rasa » du cerveau humain à la nais­sance. Tout ceci ne gêne pas nos héros pour se con­sid­ér­er comme les pères du matéri­al­isme quoique le faible voile matéri­al­iste, bien trans­par­ent, n’ar­rive pas à cam­ou­fler l’éd­i­fice méta­physique sur lequel repose le marx­isme. Nous avons déjà cité qua­tre points qui démon­trent l’i­den­tité des sys­tèmes hege­line et marx­iste. Le cinquième est cat­a­strophique pour le marx­isme, mais faisons une petite digression.

Les marx­istes dis­posent d’une armée d’idéo­logues et de pro­fesseurs qui inculquent oblig­a­toire­ment leur « sci­ence » dans les cerveaux de la jeunesse des pays colonisés par leur gauleit­ers. Pas un d’en­tre eux ne vous dira ce qu’est au juste la dialec­tique. Les uns affir­ment avec Engels que c’est une manière de penser et les autres la con­sid­èrent comme une méth­ode de recherche sci­en­tifique. En réal­ité ce terme provient du mot grec « dialego » qui veut dire con­ver­sa­tion. Dans l’an­tiq­ui­té on a écrit presque tous les livres sous forme de dia­logues avec ques­tions et répons­es. Pla­ton a fait ses volu­mineux ouvrages de cette façon. Socrate n’a rien écrit, mais il répandait ses idées sous forme de ques­tions aux­quelles les assis­tants devaient répon­dre. Comme il posait trop de ques­tion défa­vor­ables à la « démoc­ra­tie » d’Athènes, il fut con­damné à mort. Cepen­dant le philosophe pied nus n’est nulle­ment attristé par la sen­tence. Il se réjouit par con­tre de ce que son âme rejoin­dra l’autre monde, où elle sera immortelle et il pour­ra pos­er à volon­té ses ques­tions sans risque de peine de mort. Pourquoi Hegel a bap­tisé sa doc­trine nébuleuse dialec­tique, ceci reste inex­plic­a­ble. De toute façon, Marx et Engels adoptent cette dialec­tique remet­tent une petite par­tie sur les pieds et déclar­ent : « la dialec­tique est un ordre cos­mique, écrit Engels dans sa brochure « L. Feuer­bach », une loi uni­verselle qui régit tout dans ce monde : les proces­sus matériels aus­si bien que les phénomènes spir­ituels. Le cerveau humain est dialec­tique­ment con­sti­tué et entouré de proces­sus dialec­tique donc, qu’il le veuille ou non, il est obligé de penser dialec­tique­ment ». Hélas, le « per­spi­cace » Engels met en ruine tout ce bel édi­fice en se lamen­tant seule­ment quelques lignes plus loin que : « le nom­bre des nat­u­ral­istes ayant appris à penser dialec­tique­ment est très restreint ». Or du moment que notre cerveau est libre de choisir sa façon de penser, il est logique de penser que le fameux univers dialec­tique et ses lois exis­tent seule­ment dans les têtes des marx­istes. Or en défini­tive les Papes de la super-sci­ence et du social­isme « sci­en­tifique » ne s’avèrent que de vul­gaire pla­giaire méta­physiques. Pour plus de pré­ci­sion, il faut not­er que dans la plainte d’ Engels il y a une exagéra­tion car il n’y a pas un seul nat­u­ral­iste qui aurait appris à penser dialec­tique­ment. Avec l’ex­pres­sion de « nom­bre restreint de nat­u­ral­istes » on visait unique­ment Dar­win, mais c’est une erreur grossière car il était évo­lu­tion­niste ce qui est con­traire à la con­cep­tion dialec­tique qui con­sid­ère le pro­grès comme le résul­tat de muta­tions entre thèse, antithèse etc., ce dont Dar­win n’avait aucune notion. Les pères du marx­isme et leurs dis­ci­ples de nos jours de peu­vent se référ­er à aucun nat­u­ral­iste, ni à un autre savant dialec­ti­cien car nous con­nais­sons bien le nom­bre élevé d’a­cadémi­ciens licen­ciés à Moscou pour réti­cence à la sco­las­tique moderne.

Marx et Engels n’avaient rien de savants en his­toire naturelle ou dans les autres sci­ences pré­ciales. Ce n’é­taient que des dilet­tantes qui s’é­taient imposés une tâche bien ingrate : fouiller les sci­ences afin de trou­ver des preuves pour étay­er la méta­physique hegeli­enne déjà adop­tée à‑priori. Or ils retroussent leurs manch­es et s’achar­nent surtout dans la chimie et, faute de preuves patentes, ils défor­ment les faits. L’essen­tiel c’é­tait de « démon­tr­er » la valid­ité uni­verselle des lois dialec­tiques. Elles sont trois :

  1. Loi de la péné­tra­tion mutuelle(cohabitation) des contraires.
  2. Loi des change­ments quan­ti­tat­ifs pas­sant en en qual­ité nouvelle.
  3. Loi de la néga­tion à la néga­tion, ou la fameuse tri­ade (thèse, antithèse, synthèse).

Selon la pre­mière « loi », nous ne pou­vons avoir aucune notion pré­cise sur les choses et les phénomènes car ils changent à chaque instant et sont com­posés de deux con­traires. Donc un objet don­né est lui et non-lui, une loi naturelle est elle et non-elle, un com­primé de poi­son est à la fois non-poi­son et le train qui arrive est train et non-train ! Aux fins de la véri­fi­ca­tion de cette « loi » nous recom­man­dons à ces savants d’avaler le com­primé de non-poi­son et de se plac­er sur la voie du non-train. Au fait, cela représente une sorte d’ag­nos­ti­cisme qui est inhérent à chaque sys­tème méta­physique. Empé­do­cle, le con­tem­po­rain d’Hér­a­clite, ridi­culi­sait ces asser­tions vieilles de 25 siè­cles en dis­ant : « un homme ne peut être à la fois grand et petit, ni un corps froid et chaud. Froid est ce qui n’est pas chaud ». Engels a fait un grand effort pour étay­er la sec­onde loi. Il a fouil­lé à fond la chimie organique, surtout les phénomènes isomères, et a récolté quelques suc­cès dont il fait grand cas. Ain­si le but de cette loi inven­tée par les deux marx­istes est de prou­ver le déclenche­ment automa­tique de leur sup­posée révo­lu­tion par l’ac­cu­mu­la­tion du mécon­tente­ment au sein de la classe ouvrière. Naturelle­ment, ils attendaient cet évène­ment en Angleterre et en Alle­magne, pays indus­tri­al­isés à l’époque où le pro­lé­tari­at cumu­lait du mécon­tente­ment qui devait pass­er à une qual­ité nou­velle, la révo­lu­tion. Mais puisque ce pas­sage s’ef­fectue par l’ac­cu­mu­la­tion d’un élé­ment unique, le mécon­tente­ment, on est en droit de s’at­ten­dre à l’ap­pari­tion d’une nou­velle qual­ité par l’en­tasse­ment de pier­res, de sable etc., ce qui démon­tre l’ab­sur­dité de cette « loi uni­verselle ». La troisième loi, la néga­tion à la néga­tion est étayée par un rapiéçage trop appar­ent. Engels dit : « prenons un grain d’orge et plaçons-le dans le sol. Il germe, se des­saisit (meurt) et donne nais­sance à la tige, son antithèse. A son tour celle-ci meurt et pro­duit l’épi avec plusieurs grains, ce qui est la syn­thèse. » Afin de démon­tr­er l’inep­tie de cette « sci­ence », nous posons la ques­tion : com­bi­en de fois se des­sai­sis­sait (mourait) une femme de la cam­pagne qui accouchait chaque année ? Com­bi­en de fois dans sa vie se des­saisit (meurt) une souris, une lap­ine ou une tru­ie qui met­tent au monde des cen­taines de petits ? Cepen­dant comme tou­jours c’est Engels lui-même qui se charge de la réfu­ta­tion de ses théories : « je ne dis rien, écrit-il, sur les proces­sus qui ont lieu dans le grain et la tige, je con­state seule­ment les lois générales. » Tout le monde sait déjà que des pré­ten­dues lois générales s’oc­cu­paient unique­ment de la méta­physique jusqu’au début du siè­cle dernier. De nos jours, où la sci­ence a fait un bond colos­sal, il n’est pas per­mis de par­ler de ces lois inexistantes.

Cepen­dant les marx­istes du plus grand empire colo­nial ne désar­ment pas car les bla-bla les ser­vent de la manière suivante :

  1. Par leur « sci­ence » nébuleuse ils arrivent à attir­er cer­tains jeunes des cours oblig­a­toires de marx­isme qui se font dans toutes les écoles et universités.
  2. Cer­tains mi-let­trés de l’oc­ci­dent mor­dent à l’hameçon dialec­tique et devi­en­nent des agi­ta­teurs utiles.
  3. La pre­mière « loi » dialec­tique qui traite le noir de blanc et vice ver­sa est mon­naie courante dans les dic­tatures où en défini­tive le chef décide de ce qui sera blanc ou noir, ce qui est juste ou injuste. La théorie leur facilite grande­ment la tâche puisque les choses seraient à la fois blanch­es et noires, justes et injustes, ou morales et immorales. Dans ces pays, les droits de l’homme seraient respec­tés le mieux du monde ; si les queues aux mag­a­sins per­sis­tent cela vient du ciel et jamais du régime. Si la pro­duc­tion est défail­lante, la faute est aux tra­vailleurs et jamais à l’ex­ploita­tion forcenée… En somme, une idéolo­gie con­stru­ite sur plaque tour­nante. Il ne reste qu’à leur souhaiter tout le bon­heur qu’ils méritent.

P. Gors­ki


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