Les phares de l’actualité restant braqués sur l’Afghanistan et Sakharov on oublierait presque tous les résistants sur lesquels la répression s’abat quotidiennement. Celle-ci nous semble avoir atteint des sommets au mois d’octobre dernier :
4/10/79 Gorki : Le psychiatre Alexandre Volochonovitch, associé à la « Commission d’enquête sur l’emploi de la psychiatrie à des fins politiques », et qui se rendait à Gorki pour examiner quelques personnes menacées de réclusion en asile, est arrêté en pleine gare sous prétexte de trafic de devises. Une perquisition ne rapportera que trois livres en langue anglaise, dont 2 sur la psychiatrie, et 13 pages d’analyses médicales.
12/10/79 Kiev : Douze Juifs sont arrêtés et gardés à vue 15 jours. Tous avaient refusé de sortir du bâtiment du comité Central du PC d’Ukraine à la fin de la journée tant qu’on ne leur fournirait pas d’explications sur l’opposition à leur immigration en Israël.
15/10/79 Kiev : Pour la troisième fois Marc Bielorousiets, défenseur des droits de l’homme, s’est fait rosser dans l’entrée de son immeuble par des « inconnus » qui ont l’air d’être toujours les mêmes…
16/10/79 Moscou : Anatole Pozniakov, membre du « Syndicat libre des travailleurs », arrêté d’abord pour délinquance (il s’indignait contre les licenciement illégaux) est reconnu « irresponsable » et dirigé sur un « hôpital spécial ».
22 – 23/10/79 Leningrad : Procès de Nicolaï Nikitine, membre du syndicat libre, sous l’accusation de « diffusion de documents diffamatoires ». Les pièces à conviction ne furent ni présentées ni analysées. Nikitine refuse de s’avouer coupable. Les témoins ne soutinrent pas l’accusation. Verdict : un an et demi de camp ! Avant le procès Nikitine avait entamé une grève de la faim. En effet, il partageait sa cellule avec des tuberculeux très atteints et un syphilitique. Il exige un examen médical pour s’assurer de n’être pas contaminé.
23 – 24/10/79 Kiev : arrestation le soir en pleine rue de Nicolas Andréliévitch Gorbal sous l’accusation cette fois de tentative de viol. Ancien professeur de musique dans la région de Ternopol, Gorbal fut condamné en 1970 à 7 ans de camp et déportation pour son poème « pensée » qu’il avait copié en 2 exemplaires et donné à lire à des amis… Depuis sa libération il travaillait comme liftier à Kiev. Au cours d’une perquisition en mars 79 on trouva chez lui de nombreux documents sur la vie en Ukraine. On se demande sur quoi portera l’accusation au procès…
— Quelques détails encore sur le procès de Victor Monblanov, accusé de délinquance et d’opposition aux autorités. Il n’y a eu que 2 témoins : le type qui arrache à Monblanov la pancarte « Liberté aux prisonniers d’opinion » (selon ses affirmations) et le flic qui l’arrête. Ce dernier affirme que Monblanov qui « oppose une résistance ». À la question des juges en quoi celle-ci consiste, le milicien, taciturne, répondit : « il tressaillit de tout son corps »!!! Tout ceci serait une bonne farce si le verdict était moins triste : 4 ans de camp à « régime normal ».
— Verdict au procès d’Irine Lopotoukhine : 3 mois de « redressement par le travail » sur le lieu de travail habituel (c’est à dire 20% de retenue du salaire mensuel), uniquement pour avoir refusé de témoigner contre son mari (Arkadi Tsourkov, l’un des principaux accusés du procès contre « l’opposition de gauche » en printemps dernier) alors qu’ils n’étaient que fiancés !
Et la liste des brimades et des disparitions s’allonge encore de tous ceux dont nous ne savons rien, de tous ceux qui ont été condamnés depuis 4 mois…
P.S On apprend l’arrestation fin février, de Viatcheslav Bakhmine, encore un membre de la « Commission d’enquête sur l’emploi de la psychiatrie à des fins politiques », et des perquisitions chez d’autres membres de cette commission, Leonid Tchernovski et Felix Serebrov. Ce dernier aurait été gardé à vue… 15 jours !
Dierzky
Amnesty International indique que du 1 octobre au 28 janvier, 34 personnes ont été arrêtées en URSS pour délit d’opinion, 18 personnes ont été condamnées à 81 ans de détention (de 1 à 12 ans) et trois ont été condamnées à l’internement psychiatrique. Et ce n’est que la partie visible de l’iceberg.