Le Fond
Le fond de quoi ? Le fond de la bouteille
Ou d’une quelconque merveille.
Le fond du cor agonisant, le fond des bois,
Le fond des yeux (vide, comme tu vois).
Le fond de l’étendue (adieu mésange verte
Qui plongeais à la découverte).
Le fond de l’heure où le temps est blotti
Si terrifiant, si petit.
Le fond de l’antre où les bêtes s’assemblent,
Le fond du sac et celui (que vous semble ?)
Qu’une larme laisse incomblé…
Le fond d’où je vins appelé,
Le fond du ciel et son aire lacustre,
Le fond de culotte, le rustre !
Oui c’est le fond comme les rêves font,
Rien n’y pèse, tout s’y confond.
Le fond de la mémoire hanté de figues mûres,
Le fond d’une pensée et sa double figure,
Le fond des âges, mais pardi !
Le fond de la semaine avec un samedi,
Le fond des âmes le dimanche,
Le fond du péché (qu’on y penche).
Le fin du fond, le fond sans fin,
Le fond qui mange la faim.
Ce qu’est le fond, ce qu’il propose ?
Un mot pour le dire – s’il l’ose !
À la durée
Et cela qui cerne la mort…
Bouche belle de foi jurée,
Innocente clamant si fort
Que l’aurore même se plie
Aux sortilèges d’une voix !
Ainsi va le fleuve, la vie
Qui se délivre, que tu vois.
C’en est fait de l’impatience
Et d’un monde qui fut hagard ;
À peine une ombre de l’enfance
Promène encore son regard…
Ce qu’il faut dire est à mesure
Que tu t’avances plus ouvert.
Un visage, comme une épure,
Sourit, enseigne l’univers.
Ce qu’il faut dire – mais connaître ?
Connais ce peu que tu pressens !
Une aube nue à la fenêtre
A les yeux, la bouche du sang.
Créature… si mesurée
Et si gracile, jeune front !
Je te nomme toute, durée
Où sont les choses qui seront.
Gilbert Trolliet