La Presse Anarchiste

Correspondance du val de St Imier

Le fait le plus mar­quant dans la vie pop­u­laire du Val de St Imi­er, c’est l’ac­tiv­ité qui se man­i­feste à l’é­gard de la con­sti­tu­tion des sociétés de métier.

La sit­u­a­tion toute floris­sante de l’in­dus­trie hor­logère fait naître des espérances d’aug­men­ta­tion de salaires ; ces espérances se traduisent générale­ment en faits, et comme heureuse­ment les ouvri­ers com­pren­nent aujour­d’hui que toute amélio­ra­tion, pour qu’elle soit réelle et quelque peu durable, doit être le fruit d’une organ­i­sa­tion ouvrière sérieuse, nous assis­tons en ce moment à l’or­gan­i­sa­tion, dans toutes les branch­es prin­ci­pales de l’hor­logerie, des sociétés de résistance.

Un prochain avenir nous mon­tr­era ce qui doit résul­ter, pour la cause général du pro­lé­tari­at, de ce mouvement.

Un fait, non moins impor­tant, vient de se pass­er à Sonvillier.

Des réu­nions pop­u­laires men­su­elles sont provo­quées par le comité de la société d’u­til­ité publique, dans le but d’in­téress­er d’a­van­tage la pop­u­la­tion aux affaires générales, de lui offrir un moyen de man­i­fester ses vœux, et de provo­quer dans la local­ité une vie intel­lectuelle plus générale. Ces réu­nions n’ap­par­ti­en­nent à aucun par­ti ; c’est le peu­ple, avec ses dif­férentes ten­dances, ses divers­es class­es, qui y est invité ; en un mot, elle sont une tri­bune libre.

Dans la séance du 11 mars, la ques­tion à l’or­dre du jour était la révi­sion du règle­ment com­mu­nal. Le Cer­cle d’é­tudes sociales de Sonvil­li­er (Sec­tion de l’In­ter­na­tionale) avait nom­mé une com­mis­sion chargée de présen­ter un tra­vail sur cette ques­tion, en la trai­tant au point de vue de l’au­tonomie communale.

Nous n’analy­serons pas ce tra­vail : c’est un exposé des principes du social­isme fédéral­iste, une attaque directe con­tre toutes les insti­tu­tions autori­taires, une reven­di­ca­tion absolue des droits qu’ont chaque être humain, chaque groupe d’in­di­vidus, de dis­pos­er libre­ment d’eux-mêmes, et par suite chaque pop­u­la­tion de con­stituer sa Com­mune libre.

Les mem­bres du Cer­cle d’é­tudes sociales ne se fai­saient pas d’il­lu­sion sur le résul­tat de leur démarche ; elle avait surtout pour but de propager dans le sein de la pop­u­la­tion l’idée de la Com­mune libre ; elle ne pou­vait avoir un but immé­di­ate­ment pra­tique, car, dis­ait le rap­por­teur, « la majorité des habi­tants sont indif­férents ou hos­tiles aux social­istes, qu’ils con­sid­èrent comme des partageux ; ce n’est pas avec de pareils sen­ti­ments qu’on peut opér­er une réforme sociale. Pour faire quelque chose de grand, il faut avoir la pas­sion révo­lu­tion­naire. Tout ce que nous pou­vons donc espér­er, c’est d’ap­pel­er l’at­ten­tion sérieuse de nos conci­toyens sur l’idée que nous leur soumet­tons. Tout citoyen éclairé, tout ouvri­er sérieux com­pren­dra qu’il y a désor­mais autre chose à faire que de la poli­tique autori­taire, qu’il y a la poli­tique sci­en­tifique, la poli­tique du Tra­vail à inau­gur­er dans le monde moderne. »

Si toute l’assem­blée n’é­tait pas sym­pa­thique aux idées émis­es dans ce tra­vail, l’at­ten­tion soutenue avec laque­lle la lec­ture en a été écoutée est une preuve suff­isante que la pop­u­la­tion com­mence à pressen­tir l’im­por­tance des prob­lèmes soci­aux. Serait-ce un réveil sérieux en faveur du social­isme, Nous ne pou­vons l’e­spér­er ; mais mal­gré tout, la journée du 11 mars con­serve son impor­tance : les ouvri­ers social­istes de Sonvil­li­er ont demandé la con­sti­tu­tion d’une Com­mune libre.

Puis­sent, dans toute la Suisse, les ouvri­ers com­pren­dre que leur salut n’est pas dans l’É­tat, mais dans les com­munes révo­lu­tion­naires, et pré­par­er par une agi­ta­tion générale la con­sti­tu­tion des Com­munes libres. Ils auront ain­si plus fait pour l’é­man­ci­pa­tion du pro­lé­tari­at que toutes les révi­sions de Con­sti­tu­tion fédérales ou cantonales. 


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