La Presse Anarchiste

Anniversaire

Depuis que le mou­ve­ment révo­lu­tion­naire est rede­ve­nu appa­rent, c’est-à-dire depuis sept ou huit années, il est d’u­sage chez les socia­listes des diverses écoles de se rendre le der­nier dimanche de mai au Mur des fédé­rés. C’est pour rendre hom­mage à ceux qui sont tom­bés pour l’é­man­ci­pa­tion humaine. Par­fait. Mais com­ment s’y prendre ? Les socia­listes viennent ce jour-là appor­ter des cou­ronnes aux morts à qui ça doit faire bien plai­sir dans leur fosse. Il est vrai que cela fait aller le com­merce des cou­ronnes, et que de ce côté cela pare la crise des affaires. Nous croyons qu’il y a mieux à faire, et que la meilleure manière d’ho­no­rer ceux qui sont tom­bés sans avoir la conso­la­tion de voir leur œuvre assise, est de cher­cher les causes de leur défaite. C’est en même temps une bonne école pour les com­bat­tants de la pro­chaine guerre sociale.

Le gou­ver­ne­ment de la Com­mune avait une puis­sante armée, la Banque sous la main, la popu­la­tion tout entière l’ac­cla­mait. Ayant en main la force argent, la force mili­taire et la force opi­nion, tout ce qu’il faut pour réus­sir. — La Com­mune a été écra­sée par une poi­gnée de poli­ti­ciens tarés qui n’a­vaient pas les sym­pa­thies de la pro­vince et qui ne pou­vaient comp­ter que sur une armée numé­ri­que­ment infé­rieure, et très démo­ra­li­sée. Pour­quoi cette for­mi­dable insur­rec­tion s’est-elle émiet­tée en deux mois ? c’est parce qu’elle était diri­gée. — La Com­mune a été vain­cue garce qu’elle était gou­ver­ne­ment. — La Com­mune a com­mis deux fautes irré­pa­rables. Elle n’a pas su com­battre Ver­sailles, elle n’a pas su gar­der sa popu­la­ri­té, — les deux fautes étaient inévi­tables du moment qu’il y avait direc­tion, auto­ri­té. — Si la popu­la­tion pari­sienne, avait mar­ché d’elle-même comme son bon sens le lui disait, elle aurait enle­vé d’un seul coup toute la clique orléa­no-répu­bli­caine de Ver­sailles. Mais on a nom­mé une assem­blée qui a nom­mé un comi­té, qui a nom­mé un délé­gué à la guerre, qui a nom­mé des géné­raux. Pen­dant ce temps-là, les Ver­saillais se remet­taient de leur frayeur et pre­naient l’offensive.

Autre chose. Il est cer­tain que la Com­mune, accla­mée au début par toute la popu­la­tion fut par la suite délais­sée. Dans la der­nière semaine, il y eu peu de monde aux bar­ri­cades, et dans ceux qui com­bat­taient, beau­coup n’a­vaient aucune idée et mar­chaient pour les trente sous. Quelle est la cause de cette indif­fé­rence de la masse ? C’est que la Com­mune qui devait faire monts et mer­veilles au point de vue social, n’a ren­du que quelques décrets qui sont de mau­vaises blagues. Tels, les décrets des loyers et du Mont-de-Pié­té. Le peuple qui cre­vait de faim sous la Com­mune comme il avait cre­vé avant se moquait pas mal de la farine du gou­ver­ne­ment. Il ne faut pas voir là-dedans mau­vaise volon­té des braves gens qui menaient la barque. Étant diri­geants, ils étaient en dehors de la classe ouvrière et n’en res­sen­taient pas les besoins ; de là, impuis­sance de les satisfaire.

Cela nous indique la voie pour la pro­chaine. Il fau­dra, sous peine de défaite inévi­table, faire ses affaires soi-même, être cha­cun son propre gou­ver­ne­ment. En d’autres termes agir, aus­si bien pour la lutte que pour la vie ordi­naire, agir indi­vi­duel­le­ment. Sans cela, les mêmes, fautes amè­ne­ront les mêmes résultats.

C. Hen­ry


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