La Presse Anarchiste

Croyons encore à la Paix et agissons en conséquence

Si pour agir il nous fal­lait d’abord acqué­rir la cer­ti­tude d’aboutir, nous n’agirions jamais et nos efforts actuels pour sau­ve­gar­der la paix appa­raî­tront sans doute ridi­cules, alors que la guerre per­siste par endroits et couve à fleur de terre par­tout dans le monde.

Un cama­rade m’écrit : « Que pou­vons-nous empê­cher ? Mieux vaut nous cou­cher, du moins nous ne nous fati­gue­rons point et nous n’irons pas au-devant de nou­velles désillusions. »

Un autre ami doute de la qua­li­té des paci­fistes d’aujourd’hui : « Ils sont bien nom­breux, subi­te­ment ; quand la guerre arri­ve­ra, ils se disperseront. »

Tout est pos­sible et le pire a plus de chance de l’emporter que le mieux. Mais de même que le prin­temps suc­cède à l’hiver, l’amour de la paix rem­place les cris de haine de la guerre.

Cet amour est-il pro­fond, durable ? Vaines questions.

Il est ! Et nous n’allons pas nous en plaindre, nous qui, depuis tant d’années, atten­dons de le voir apparaître.

* * * *

Per­son­nel­le­ment, je suis pes­si­miste. Je crains que la der­nière guerre, en fai­sant dis­pa­raître quelques grandes nations et en créant deux blocs géants, ait ren­du presque fatal le heurt que nous redou­tons tous.

En 1939, j’avais la convic­tion que la guerre était évi­table. En 1949, je n’ose en dire autant pour celle qui rôde.

Le capi­ta­lisme d’État sta­li­nien désire défaire les trusts amé­ri­cains pour atteindre ensuite à son apo­gée. Le capi­ta­lisme pri­vé qui ne veut pas dis­pa­raître et dont la puis­sance est encore colos­sale, là-bas outre-Atlan­tique, s’apprête, lui, à jouer sa der­nière carte.

Il semble bien que les deux monstres vont s’empoigner, nous broyant au milieu.

Et devant cette pers­pec­tive, l’on se sent petit, tout petit, quand on appar­tient à un pays vas­sal qui ne sait même pas se pro­té­ger tant soit peu en affir­mant sa neu­tra­li­té abso­lue et non armée à la face de l’univers.

On vou­drait être Russes ou Amé­ri­cains pour faire une pres­sion directe sur des gou­ver­nants responsables.

On vou­drait que le paci­fisme qui emplit enfin le cœur de nom­breux Fran­çais occupe le cœur des Amé­ri­cains et des Russes, puisque c’est de leurs pays res­pec­tifs que dépend la guerre ou la paix.

On vou­drait que les Russes qui ont souf­fert atro­ce­ment des guerres puissent par­ler ; que les Amé­ri­cains en aient pâti davan­tage pour s’y oppo­ser enfin efficacement.

* * * *

Mal­gré cela, amis scep­tiques, la paix n’est pas encore à son der­nier souffle. Le pes­si­miste que je suis admet que des évé­ne­ments peuvent se pro­duire qui feraient s’estomper et dis­pa­raître les dan­gers de guerre.

Que tous les paci­fistes euro­péens enflent donc leur voix, qu’elle prenne une telle ampleur que les pires sourds l’entendent.

Et entrons tous dans la ronde de la paix, à côté des nou­veaux venus, en vue d’assurer ensemble la conti­nui­té de la vie.

[/​Louis Lecoin/​]

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