En 1861, Proudhon, alors en Belgique, publia une brochure sur l’Unité italienne. Les belges, éblouis par les hauts faits de Mazzini et Garibaldi, étaient d’enthousiastes unitaires. Le brillant écrivain, avec sa verve ironique, écrivit une spirituelle adresse Napoléon III dans laquelle il l’engageait à s’emparer sans coup férir de la Belgique, ― ses habitants étant d’enragés adversaires du fédéralisme, n’y trouveraient rien à redire, — pour la plus grande gloire de l’Unité impériale. Ces bons belges prirent la brochure à la lettre. Ils s’emballèrent, traitèrent Proudhon d’agent bonapartiste et annexionniste. Une émeute eut lieu. Proudhon fut contraint de déguerpir.
Aujourd’hui, il vient de m’arriver une aussi ridicule aventure. Il y a quelques mois. Dans une discussion sur l’Égoïsme et l’Altruisme, je déclarai que l’homme, même anarchiste, n’était mû que par l’Égoïsme ; dans la chaleur de la dispute, poussant l’argument jusqu’au paradoxe — c’était mon droit — j’affirmai qu’étant anarchiste par intérêt — moral et matériel — si je pensais retirer une satisfaction supérieure en devenant souteneur ou mouchard, il est probable que je deviendrai souteneur ou mouchard.
Malheureux que j’étais ! Il y avait un belge parmi mes adversaires ; et six mois après on profite de ces paroles, comprises je ne sais trop comment, pour essayer d’empêcher l’Autonomie de paraître.
Imbécillité des sectes ! Stupidité des doctrinaires!! Belgique et tartuferie!!
G. Deherme