Beaucoup de nos camarades paraissent ne plus se souvenir de l’article « À nos amis » paru dans le N°1 de l’Autonomie Individuelle, article leur indiquant grosso modo qui nous étions, ce que nous voulions.
Une explication plus ample est devenu nécessaire pour définir autant que possible nos aspirations. Cela permettra à ceux qui les trouveraient justes de venir avec nous en activer la propagation. Cette explication indiquera en même temps aux compagnons que, dans la discussion survenue entre les an-archistes communistes libertaires (?) et les an-archistes ennemis de l’utopisme, il n’y a pas de questions de personnes, comme dans les partis politiques qui se disputent la férule gouvernementale, mais bien manière différente de concevoir, de définir l’an-archie.
Comme toutes les idées nouvellement exprimé, l’an-archie avait groupé autour d’elle une pléiade d’hommes convaincus et unis par des aspirations communes ; mais, comme toutes les idées nouvelles, elle fut discutée. Et si de la discussion jaillit la lumière, la division entre les opinants en est souvent la résultante, au plus grand bénéfice de l’idée mise sur le tapis. Ce qui vient d’arriver à l’an-archie pour ses partisans.
L’an-archie, pressentie par Proudhon, qui déclarait, dès 1848, l’État — quelle que soit sa forme — incompatible avec la liberté, fut formulée avec précision par Bakounine et confusément comprise par les communistes à tendances libertaires — appelés prosaïquement rétrécis — qui l’approprièrent à leur système économique. D’où communisme-an-archiste ; comme si l’an-archie pouvait avoir quelque chose de commun avec une forme économique quelconque. De là confusion, et d’autant plus regrettable qu’elle permet aux contempteurs de l’an-archie de baver sur une idée qu’ils ne peuvent ou ne veulent comprendre, mais qui prête facilement à la critique grâce à cette même confusion.
Avant d’entrer plus avant dans la discussion, entendons-nous donc une bonne foi sur la valeur des mots et sur l’idée qu’ils expriment. Qu’est-ce que l’an-archie ? Qu’est-ce que le communisme ? Voilà la question nettement posée. Écoutons d’abord la réponse des rétrécis : Nous comprenons par communisme-an-archiste une société dans laquelle les hommes produiraient en commun et consommeraient librement tout en conservant individuellement une liberté sans restrictions. Ils ajoutent encore comme corollaire de ce qui précéda que le communisme s’imposera au lendemain (?) de la Révolution sociale. Mais, lecteurs, où voyez-vous de l’an-archie dans cette manière de voir, et que pensez-vous de ceux qui se disent an-archistes en raisonnant ainsi si ce n’est que ce sont des gens n’ayant pas étudié l’Idée et qui n’en ont que l’intuition. Voici maintenant la définition de l’an-archie telle qu’elle doit se faire et comme la donnent les individualistes : L’an-archie, c’est la synthèse d’une multitude d’associations ayant chacune pour base un système économique différent. Ces associations fédérées, liées par un contrat librement consenti par chacune d’elles, n’obéiront qu’a une seule loi morale et naturelle, la Réciprocité, ou, pour parler un peu plus clairement, l’an-archie, c’est la négation de tout système politique imposant un système économique quelconque.
L’an-archie n’est donc que la liberté des groupements qui se formeront, se créeront, quand l’autorité politique sera supprimée par la violence. Et, pour corollaire de ce qui précède, les individualistes ajoutent : Partisans de l’autonomie individuelle, ce qui n’est pas an-archie, nous voulons un système économique dans lequel nous aurons la liberté la plus complète ; ce système économique n’existe pas encore il ne surgira des besoins du moment que lorsque les hommes auront compris l’an-archie.
Les individualistes — dont nous sommes — pour donner cette définition se sont débarrassée des rêveries socialiste-sentimentales et laissent aux partisans de celles-ci le rêve de voir les hommes se pâmer dans la bave d’un baiser immensément fraternel. Les an-archistes individualistes ont pris l’homme tel que la nature l’a fait, non altruiste, mais égoïste. Ils ont laissé l’utopisme aux poètes. Et à ceux de leurs anciens amis qui les excommunient parce qu’ils ne veulent pas être sectaires, ils recommandent les lignes suivantes écrites par Paul Baquet, le plus philosophe des rédacteurs du Cri :
« Est-ce qu’on expulse une idée ! On met les hommes dehors tout au plus. On les chasse par la grande porte et même par toutes les portes à la fois. Ils rentrent par les fenêtres. Or, il y a plus de fenêtres que de portes dans la grande maison sociale. »
Charles Schæffer