La Presse Anarchiste

Notre programme

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Nous vou­lons reprendre la publi­ca­tion des Temps Nou­veaux. Nous éprou­vons le besoin d’a­voir un organe à nous pour la pro­pa­gande qui cor­res­pond à nos idées, d’a­voir un jour­nal indé­pen­dant qui ne soit inféo­dé ni à un par­ti, ni même à une classe, où notre action ne soit pas com­pro­mise par des poli­ti­ciens ou des mer­can­tis (il y a des pério­diques « révo­lu­tion­naires » dans ce cas), où nous ne ris­quions pas d’être enva­his par des indi­vi­dus tarés ou sus­pects, par des vani­teux sans ver­gogne et sans connais­sances sérieuses, par des fana­tiques ou des détraqués.

D’autre part, nous avons à défendre et à pro­pa­ger des idées qui peuvent ne pas plaire à d’autres, même anar­chistes. C’est pour­quoi nous fai­sons appel à ceux qui ont à peu près nos ten­dances et nos aspi­ra­tions, le même goût pour la recherche de la véri­té et le même désintéressement.

Ce qui carac­té­rise, en effet, et ce qui a tou­jours carac­té­ri­sé Les Temps Nou­veaux, c’est d’a­voir réuni autour d’eux des per­sonnes sans ambi­tion per­son­nelle, sans vani­té à flat­ter, sans appé­tits à satis­faire. Et peut-être cette carac­té­ris­tique explique-t-elle la haine que nous ont vouée quelques fripouilles.

Nous n’a­gis­sons que par idéa­lisme. Nous n’a­vons ni esprit de corps, ni esprit de classe, ni aucun esprit par­ti­cu­la­riste. Nous dési­rons l’é­man­ci­pa­tion de l’hu­ma­ni­té tout entière ; et c’est le sen­ti­ment de jus­tice qui nous révolte contre toute oppres­sion et tout parasitisme.

Notre idéal est à la fois social et moral. Nous ne sépa­rons pas la liber­té des indi­vi­dus de leur bien-être maté­riel. Ain­si nous sommes conduits à envi­sa­ger, comme ave­nir de l’hu­ma­ni­té, l’or­ga­ni­sa­tion du com­mu­nisme, c’est-à-dire d’as­so­cia­tions, mais d’as­so­cia­tions libres et diverses, réunies libre­ment en fédé­ra­tions mul­tiples. Notre pré­oc­cu­pa­tion du bien-être moral nous conduit à la lutte contre l’au­to­ri­té, contre l’É­tat et ses dif­fé­rentes formes, y com­pris le socia­lisme d’É­tat (consé­quence logique du socia­lisme parlementaire).

C’est donc sur­tout le point de vue moral qui nous dis­tingue des socia­listes de par­ti et des syn­di­ca­listes purs. Nous nous révol­te­rions contre l’é­ta­blis­se­ment de la royau­té, même parée de réformes éco­no­miques, parce que le régime roya­liste impose un res­pect avi­lis­sant et implique une édu­ca­tion ser­vile. Nous avons, dans la guerre, pris par­ti pour la défense, contre le mili­ta­risme alle­mand, car nous com­pre­nions que le triomphe de l’au­to­cra­tie prus­sienne eût entraî­né un for­mi­dable recul dans l’é­vo­lu­tion des liber­tés humaines. Nous n’a­vons jamais espé­ré que de cette guerre dût décou­ler ni l’ab­di­ca­tion de la bour­geoi­sie, ni même des avan­tages éco­no­miques, pas plus qu’au moment de l’af­faire Drey­fus nous n’es­comp­tions de résul­tats maté­riels et pra­tiques d’une action d’ordre moral. Et dans un cas com­met dans l’autre, nous recom­men­ce­rions la même propagande.

Pour les mêmes rai­sons, mais non pour celles que donne la presse bien pen­sante, nous n’a­vons pas d’ad­mi­ra­tion pour le bol­che­visme, sans détes­ter moins les par­tis de réac­tion qui veulent sa dis­pa­ri­tion. Nous nous expli­quons que beau­coup de révo­lu­tion­naires aient, de loin, idéa­li­sé ce gou­ver­ne­ment comme un sym­bole ; nous com­pre­nons que les ouvriers usent mali­cieu­se­ment du mot lui-même comme épou­van­tail pour hor­ri­fier les bour­geois. Mais, à notre point de vue, le bol­che­visme n’est qu’un socia­lisme d’É­tat, très auto­ri­taire, for­te­ment cen­tra­li­sé et vivant grâce à la vio­lence. Or, il n’est pas dans notre pro­gramme de faire le bon­heur du peuple par en haut et mal­gré lui. Nous ne croyons pas au bon tyran. Nous ne sommes pas sou­te­nus par la foi en un évan­gile infaillible qu’il faut appli­quer coûte que coûte. Nos aspi­ra­tions viennent des aspi­ra­tions de la foule et non d’un dogme a prio­ri. Si nous pen­sons que les révo­lu­tions ne sont jamais faites que par une mino­ri­té et faites sans doute avec vio­lences contre la tyran­nie des pri­vi­lé­giés et des para­sites, encore faut-il qu’elles soient favo­ri­sées par le consen­te­ment de la masse, non par un consen­te­ment pas­sif, par sou­mis­sion, mais par des aspi­ra­tions concor­dantes vers un idéal com­mun ; l’ac­tion de la mino­ri­té ne doit avoir pour but que de don­ner libre épa­nouis­se­ment aux nou­velles formes sociales en voie d’or­ga­ni­sa­tion ; sinon c’est la dic­ta­ture avec toutes ses consé­quences, y com­pris la réaction.

Pour que la révo­lu­tion que nous espé­rons ne soit pas acca­pa­rée par quelques ambi­tieux ou, ce qui revient au même, par les chefs d’un par­ti, tenons-nous prêts et orga­ni­sons dès main­te­nant notre propagande.

Les Temps nouveaux


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