La Presse Anarchiste

À l’œuvre !

Main­te­nant que la lutte de classes a défi­ni­ti­ve­ment trou­vé son expres­sion, en France, dans la C.G.T., issue du Congrès uni­taire, main­te­nant que les fonc­tion­naires à per­pé­tui­té de la rue Lafayette res­tent seuls avec les fonc­tions qu’ils détiennent de la com­pli­ci­té capi­ta­liste, il s’agit, pour les exploi­tés, de reprendre confiance dans l’organisation syn­di­cale, de don­ner à celle-ci les armes de des­truc­tion néces­saires pour saper le régime d’autorité, de déter­mi­ner en son sein toutes les condi­tions idéales et pra­tiques de la vie sociale.

Une double tâche incombe à la C.G.T. unitaire.

D’abord, se consti­tuer en orga­nisme de com­bat. La vieille C.G.T. était for­mée de telle sorte que l’impulsion révo­lu­tion­naire d’un syn­di­qué n’allait au syn­di­cat que pour y éteindre sa force. Quand le syn­di­cat pos­sé­dait cette volon­té d’action, il ne trou­vait dans la Fédé­ra­tion que le contre­poids de son éner­gie, le sta­bi­li­sa­teur réac­tion­naire, le tem­po­ri­sa­teur oppor­tu­niste. Et quand, par hasard, une grande pous­sée una­nime de révolte des exploi­tés empor­tait les digues suc­ces­sives du syn­di­cat et de la Fédé­ra­tion — c’était la Confé­dé­ra­tion qui met­tait le holà final à la vague révo­lu­tion­naire en la bri­sant contre sa jetée inexorable.

Et, en sens inverse, pour des rai­sons mys­té­rieuses, des rai­sons poli­tiques, des rai­sons d’ordre géné­ral, selon un pro­gramme natio­nal, dont les syn­di­qués ne sen­taient pas la néces­si­té, ne com­pre­naient pas, à juste titre, l’intérêt pour le pro­lé­ta­riat, l’organisme cen­tral pré­ten­dait, à sa guise, lan­cer des décrets pour de grandes manœuvres, selon les méthodes militaires.

Résul­tat ? Tou­jours le même : inac­ti­vi­té révo­lu­tion­naire, impuis­sance ouvrière, consé­quence de l’avortement de toute ini­tia­tive d’action indi­vi­duelle dans la classe ouvrière.

Il s’agit, dans la nou­velle C.G.T., de créer, du syn­di­qué à la Fédé­ra­tion, en pas­sant par le syn­di­cat et les unions de syn­di­cats, indus­triel­le­ment et régio­na­le­ment, un tel cou­rant de soli­da­ri­té com­ba­tive que plus le champ d’action s’élargit, plus il s’intensifie. Au lieu de cen­tra­li­ser, à Paris, pour tout le pays, la volon­té révo­lu­tion­naire de l’ensemble des pro­lé­taires, il fau­dra lais­ser à chaque région le soin de se déter­mi­ner, afin d’apporter à la col­lec­ti­vi­té des exploi­tés la part de ses propres efforts pour réa­li­ser l’émancipation des tra­vailleurs. Et ain­si, pas­se­ra-t-on, pour l’œuvre révo­lu­tion­naire, direc­te­ment de l’individu à la région et de la région à l’Internationale. La Com­mis­sion admi­nis­tra­tive de la C.G.T. ne sera donc que l’interprète, dans l’Internationale, de la vita­li­té conver­gente des régions de ce pays.

Pour l’œuvre construc­trice, le pro­ces­sus d’élaboration sera éga­le­ment cen­tri­pète et régionaliste.

Au lieu d’envisager une indus­trie comme une col­lec­ti­vi­té fran­çaise, il s’agira de grou­per ensemble tous les élé­ments humains néces­saires à la pro­duc­tion qu’exigent les besoins de telle ou telle contrée, de telle ou telle ville. Le loca­lisme est une des condi­tions de la vita­li­té créa­trice du mou­ve­ment syn­di­ca­liste. Grâce à ce carac­tère local, il ne peut s’élaborer de prin­cipe auto­ri­taire : un contrôle inces­sant des pro­duc­teurs sur la pro­duc­tion rend les ouvriers maîtres de leur industrie.

Il convien­dra enfin, à la nou­velle C.G.T., d’appeler en elle et de sus­ci­ter en elle la tech­ni­ci­té, l’administration et le tra­vail intel­lec­tuel. Mais il ne faut pas, selon les sug­ges­tions de la vieille C.G.T., se conten­ter de consul­ter les tech­ni­ciens et les pen­seurs en un Conseil éco­no­mique supé­rieur. Ce serait là, le plus dan­ge­reux des centralismes.

Au lieu de les pla­cer à la tête, il faut appe­ler les intel­lec­tuels à la base même du mou­ve­ment ouvrier. Il faut les mettre sur le même plan que les autres tra­vailleurs. Il faut leur concé­der toutes les pos­si­bi­li­tés, toutes les obli­ga­tions, toute la force et tous les dan­gers qui sont le lot des manuels syn­di­qués. Intel­lec­tuels et manuels, éga­le­ment exploi­tés, condi­tionnent éga­le­ment la vie sociale. Dans chaque indus­trie, chaque grou­pe­ment régio­nal doit avoir son syn­di­cat de tech­ni­ciens ou son syn­di­cat d’intellectuels. Avec les mineurs, l’ingénieur. Avec les maçons, l’architecte. Avec les typos, l’écrivain. Avec les tra­vailleurs du Spec­tacle, l’auteur, etc…

Cette orga­ni­sa­tion inté­grale et régio­nale du syn­di­ca­lisme per­met­tra seule la prise de pos­ses­sion des locaux et des ins­tru­ments de tra­vail. Elle est une condi­tion essen­tielle de la révo­lu­tion qui, sup­pri­mant le sala­riat, abo­lis­sant les classes, ren­dra les tra­vailleurs res­pon­sables de tout le régime social et les condui­ra rapi­de­ment à la néga­tion de toute auto­ri­té gou­ver­ne­men­tale, à l’Anarchie. Le fédé­ra­lisme liber­taire est l’aboutissant final du syn­di­ca­lisme révolutionnaire.

André Colo­mer


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