Si, dans sa longue chronique, L’autre moitié du devoir, Barbusse n’eût mis en cause les anarchistes, je me fus abstenu de prendre part à cette controverse, ayant trouvé dans les lettres à Romain Rolland, parues dans l’Art libre, une réponse suffisante aux arguments de l’auteur de Clarté.
Cependant les mises au point de Wullens et de Fabrice parues dans le Libertaire laissant dans l’ombre de multiples points de la discussion, j’ai cru devoir profiter de l’occasion pour faire connaitre dans le détail l’opinion, sur ces questions, d’un anarchiste qui fut un pacifiste de la première heure et exempt de tout sectarisme. D’autant plus que les réponses de Wullens et de Fabrice, la seconde surtout, relèvent plutôt de la polémique que de la controverse, et que, personnellement, je tiens à maintenir cette « conversation » sur le terrain de l’absolue et libre courtoisie.
Barbusse commence par déclarer qu’il est « normal » que les intellectuels soient, en majorité, conservateurs. Cela n’est pas plus « normal » que de constater qu’il y a parmi les bipèdes une considérable majorité d’imbéciles et de canailles. Cependant les véritables esprits libres ne manquèrent point dans l’histoire humaine, et si Barbusse veut bien dénombrer avec moi tous les grands morts auxquels nous devons peut-être le meilleur de notre pensée, il s’apercevra que s’il existe trop de conservateurs parmi les « travailleurs de l’esprit » le pourcentage des esclaves n’est pas plus grand chez les intellectuels que chez ceux qu’absorbe telle ou telle branche de l’activité humaine. Il n’y a pas plus d’artistes conservateurs qu’il n’y a de patrons ou d’ouvriers rétrogrades.
« L’Art a une tendance instinctive à s’adonner à la conservation », écrit Barbusse. Dans cette phrase réside, en raccourcie, le secret des erreurs de l’auteur de Clarté.
« L’Art » est une abstraction, un mot synthétique, commode parce qu’abréviatif ; en fait, il n’y a que des hommes et des œuvres. Ni les uns ni les autres n’ont de tendances générales, les hommes et les œuvres sont divers, et des trois directions du temps : Passé, Présent, Avenir, aucun n’est absolument ceci ou cela en soi. Il y a dans le passé bien des révolutions et dans l’avenir bien des régressions.
Il est certain qu’au 2 août 1914, les écrivains se sont en foule rués au service de la Raison d’État meurtrière et mensongère. Mais en cela ils n’ont fait que suivre l’exemple de l’immense majorité de leurs concitoyens. Tous, savants, artistes, employés, ouvriers, paysans, se sont sacrifiés au dieu cruel et menteur : la Patrie. Mais pourquoi reprocher plus âprement son servilisme à un embusqué de la Maison de la Presse qu’à un tourneur d’obus de chez Renault ? Les prolétariats ont traité la cause de la Paix tout comme les élites, et leur ignorance n’est point une excuse, car tout homme, quelles que soient sa classe et sa culture, sait bien, au fond de lui-même, qu’il est stupide d’être tué, cruel de tuer.
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Barbusse exonère les savants de cette tare et de l’ire qu’elle lui cause. Quelle erreur, là encore, est la sienne ! Est-ce que dans chaque clan belligérant on ne vit pas les hommes de science se faire les serviteurs de Bellone comme de simples paysans ? Avant la guerre même, on pût lire dans l’œuvre de l’un des plus grands savants modernes, Henri Poincaré, cette phrase assez compatible avec l’esprit critique si bénévolement prêté aux « scientifiques » par Barbusse : « Nous autres gens de l’Est nous n’avons pas oublié…» Et dans les Dernières pensées, du même auteur, on peut trouver matière à de nombreuses citations patriotiques. Il en fut de même, hélas ! pour Le Dantec, Le Bon, Dastre, et en général pour la presque unanimité du corps savant. Nicolaï et Einstein ne prouvent rien : une hirondelle ne fait pas le printemps.
Je crois expliquer cette sympathie de Barbusse pour la science et les savants, en ce fait que la doctrine à laquelle il adhère, avec toute l’ardeur d’un néophyte, est une doctrine à prétentions scientifiques. Et ce qu’il appelle la « géométrie révolutionnaire » infaillible encadrée dans les principes généraux de Clarté, ce n’est pas autre chose que le Marxisme plus ou moins orthodoxe. Or, rien n’est plus aisé que d’exposer l’inanité de la rigueur « scientifique » du dit Marxisme. Wilfrido Pareto et Georges Sorel ont divulgué déjà les nombreuses ignorances de Marx ainsi que la légèreté de quelques-unes de ses affirmations téméraires. Qui oserait aujourd’hui, parmi les spécialistes, endosser les idées de l’auteur du Capital sur la concentration des capitaux ? Et quel est l’historien qui se satisferait du « matérialisme historique?…» Un des esprits les plus lumineux de l’Europe intellectuelle, l’Italien Benedetto Croce a défini assez durement le Capital : « un mélange bizarre de théories générales, de polémiques et de satires amères, d’illustrations et de digressions historiques assez souvent inexactes. » Comment un tel ouvrage (Le Capital), écrit en des circonstances données, au moyen d’observations faites en Angleterre, au début du développement de l’industrialisme, a‑t-il pu servir de Bible à une secte sociologique, comment les théories Marxistes ont-elles triomphé, dans les masses ignorantes, plutôt que telle ou telle hypothèse sociale ? C’est là un de ces faits dont l’explication complexe relève plutôt de la psychologie des foules que de la science. La sociologie d’ailleurs est loin d’être une science exacte, et comme le dit justement Romain Rolland, la seule partie des mathématiques qui puisse lui être appliquée, c’est le calcul des probabilités.
C’est dans Marx encore (circulaire de l’Internationale du 21 juillet 1873) que l’on retrouverait l’origine de la suspicion où Barbusse tient les intellectuels. Mais Marx et Barbusse ont-ils jamais été autre chose eux-mêmes que des intellectuels ?
C’est donc à bon droit que Rolland sourit de cette « géométrie sociale» ; je fais de même, et mon sourire éclate en rire énorme lorsque je contemple les jeunes « barbussistes » outrant ces erreurs, les multipliant par leur ignorance prétentieuse et voulant nous faire prendre Gleizes pour un peintre et Cachin pour un prophète.
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La première application que désire faire Barbusse de sa géométrie sociale est l’empêchement des Guerres. D’accord sur le but sinon sur les moyens ; je ne saurais me contenter comme raison de la guerre du mot Capital qui, dans la bouche des socialistes par trop simplistes, est une explication totale et définitive des massacres.
D’après Marx lui-même le Capital et le Prolétariat sont essentiellement modernes, ils n’existaient point dans l’antiquité ; (c’est là d’ailleurs une partielle erreur) or, l’histoire de ces époques antérieures est pleine de guerres terribles… On s’est battu pour toutes sortes de causes : dieux, femmes ou intérêts mercantiles, et demain des conflits pourront surgir entre « Républiques communistes », entre continents « socialisés », jusqu’à ce que la planète soit unifiée ; mais cela sans doute demandera des siècles, car l’homme n’aménage que lentement sa demeure… la route monte en lacets.
Quelle que soit la perfection « scientifique » des sociétés futures, bien des possibilités guerrières subsisteront tant que l’esprit de guerre n’aura pas été arraché des cerveaux humains. Quand les agitations en surface auront cessé sur la terre, viendront sans doute des agitations en profondeur… La République était belle sous l’Empire ; le Communisme est beau sous la République bourgeoise !…
« Les moralistes purs sont impuissants contre la guerre et le mal. » Ayant constaté cela, Barbusse voit dans le Communisme une force suffisante contre les ennemis de son cœur et de sa raison. À l’épreuve de la guerre, l’Internationale socialiste a fondu comme plomb et feu. La IIIe Internationale n’a point encore été éprouvée, mais sa valeur pacifiste actuelle est illusoire tant qu’un conflit, si minime soit-il, n’aura pas été évité par ses soins. La paix actuelle, si relative et si précaire, tient bien plus à la lassitude des hommes et à l’horreur des désastres accumulés qu’au vouloir pacifique des prolétariats ; fussent-ils embrigadés sous la rouge bannière du Parti…
Qu’il faille « révolutionner le milieu, tout en éduquant l’individu », qui le nie ? Ce n’est pas nous certes, et Barbusse ignore-t-il cette formule essentiellement anarchiste ?
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S’appuyant sur Auguste Comte, Barbusse, désireux de remplacer ce qu’il faut détruire, nous offre l’édifice mirifique de l’idéologie socialiste. On pourrait à cela objecter tout d’abord qu’en matière sociale rien ne se détruit qui ne soit automatiquement remplacé. Les sociétés sont comme certains insectes dont les membres arrachés repoussent d’eux-mêmes. Mais il s’agit ici, évidemment, de remplacer en modifiant, dans un sens donné et c’est là qu’éclate l’injustice de Barbusse envers les anarchistes.
Tout autant que les socialistes, les anarchistes se sont préoccupés d’apporter à la suite de leurs négations des théories constructives. Mais plus humains, dépourvus de ce pédantisme à prétentions scientifiques, trop fréquent chez les marxistes, ils ont apporté à la construction des hypothèses sociales qu’ils voulaient fécondes, une largeur de vues, une nécessaire imprécision logiquement modeste, et un irréductible amour de la Liberté qui font de leurs travaux la partie la plus humainement magnifique des anticipations sociales par lesquelles les hommes de bonne volonté essaient d’ébaucher un avenir meilleur.
En 1902, paraissait (chez Giard et Brière), la traduction française du livre de Paul Eltzbacher, l’Anarchisme, et Tolstoï écrivait à propos de cet œuvre : « L’anarchie entre dans la phase dans laquelle le socialisme se trouvait il y a trente ans : elle acquiert le droit de cité dans le monde des savants. » Que Barbusse ouvre ce livre, il y trouvera exposées,. avec la froide méthode d’un professeur de Droit, les sociologies de Godwin, Proudhon, Stirner, Bakounine, Kropotkine, Tucker et Tolstoï et, s’il compare son orthodoxie marxiste en sera peut-être ébranlée…
Que Barbusse daigne, en outre jeter les yeux autour de lui, dans son Parti. Il y trouvera, comme dans tout parti politique une foule d’appétits plus ou moins bien masqués ; l’arrivisme sous toutes ses formes, la lutte âpre pour l’emploi ou la sinécure, et conséquemment les directions pratiques tombant entre les mains des plus malins. Mais les apôtres où sont-ils?…
Le nombre imposant de postes avantageux existant dans un Parti est une explication au moins partielle du succès de celui-ci. Ainsi pourrait, hélas ! se justifier un grand nombre d’adhésions au socialisme, surtout parmi celles des faux intellectuels qui constituent les cadres de la propagande, du journalisme et du parlementarisme communistes. L’anarchie est stérile en « fromages » les rats l’évitent comme dangereux et sans profit. Sa force apparente y perd, sa beauté y gagne.
Le grand reproche fait aux théories anarchistes, que Barbusse sous-entend et que ses amis formaient volontiers, est celui d’être particulièrement chimériques. En fait elles ne le sont pas plus que le communisme néo-marxiste — il me serait facile de le démontrer mais cela dépasserait le cadre de cet article. — Le fussent-elles, que l’on pourrait répondre : Plus est élevé l’idéal, plus les hommes sont obligés de lever la tête pour ne pas le perdre de vue.
La seule chose valable qui émane d’une sociologie est une directive. Une théorie ne vaut qu’en ce qu’elle a de dynamique, seul le mouvement est nécessaire. Je sais un petit apologue arabe fort adéquat à la question sociale : Un homme possède un âne rétif ; voulant quand même transporter son fardeau, le cavalier attache à un fil, pendu à un bâton, une carotte. L’appât pend devant le nez de la bête rétive qui avance pour saisir la proie qui toujours fuit… L’important c’est que l’âne marche. Mangera-t-il la carotte ? C’est une autre question. Mais il marchera d’autant mieux que la carotte est plus belle.
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« Forces brisantes éparses, plus nuisibles par les conséquences de leurs actes individuels, qu’utiles par l’héroïsme de leur exemple. » C’est ainsi que Barbusse qualifie les anarchistes ; cette définition péjorative et injuste fait peine à lire sous la plume d’un homme qui fut un moment l’un des clairs serviteurs de la Vérité, cette chose que nous aimons par-dessus toutes les choses.
Le voici donc envahit par l’esprit ecclésiastique?… il épouse les vieilles animosités socialistes et partage les mépris politiciens pour des hommes et des méthodes incontestablement supérieurs, en pensée, et en action, à l’immense majorité de ses suiveurs.
Opposer l’anarchie au socialisme est une erreur, On peut s’étonner de voir Barbusse y participer. Tel n’était point cependant l’avis de Nietzche et il me souvient d’avoir publié, dans le numéro 1 de Notre Voix, en face même d’un article de Barbusse, un passage de la Volonté de Puissance qui est une magnifique, brève et lumineuse synthèse du socialisme et de l’anarchisme, passage d’où je détache ces lignes :
« L’anarchisme n’est de son côté, qu’un moyen d’agitation du socialisme ; avec ses moyens il éveille la crainte, il commence à fasciner et à terroriser : avant tout il attire de son côté les hommes courageux et audacieux, même sur le domaine spirituel 1F. Nietzche : La Volonté de Puissance. — Tome II, Aphorismes 337, page 125.»
Et Nietzche assigne comme but au socialisme : « rendre possibles beaucoup d’individus ».
Je sais, en outre des socialistes, quelques anarchistes dont cette pensée audacieuse bouleversera l’étroit sectarisme, mais cela n’importe pas plus que le propos de ce « camarade élémentaire » qui m’affirmait récemment que tout vrai communiste révolutionnaire doit croire aveuglément au Dogme-Panacée Révolution et croire proche sa réalisation. Ce sont là propos religieux ; moins que religieux, confessionnels, et il convient de négliger cette naïveté, le temps saura chasser les nuées. Ainsi les premiers chrétiens croyaient proche le royaume de Dieu. Ce fut Constantin qui vint et l’Église romaine…
Avant de songer à construire solidement, il convient de s’assurer de la qualité des matériaux ; qu’on le veuille ou non « ce n’est pas l’édifice qui fait les pierres mais les pierres qui font l’édifice », ainsi que le constatait Ermenonville dans le Journal du peuple. Or, le parti communiste français renferme, semble-t-il, assez peu d’éléments susceptibles de concourir à l’édification d’une société harmonieuse… Mais voyons ce qu’il s’agit de construire.
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Barbusse ayant intitulé sa chronique L’Autre moitié du devoir, prétend rappeler aux « rollandistes » que cette seconde moitié s’appelle action et qu’il ne suffit pas de penser et d’écrire.
Cette action c’est l’acheminement vers l’État communiste et la Dictature, non du prolétariat mais du Parti qui prétend le représenter. Nous pensons, nous, que l’État, quel qu’il soit, est l’ennemi irréductible du peuple, que toute dictature est mauvaise parce que le Pouvoir corrompt fatalement ceux qui l’exercent, et que, partant, la véritable « autre moitié du devoir » consiste à abattre définitivement l’État et à instaurer une véritable société d’hommes libres. À notre tour nous convions amicalement Barbusse à ce devoir révolutionnaire.
Le rayonnement fallacieux de la Révolution russe a conduit les socialistes français à la servile admiration de tout ce qui est russe. Que n’ont-ils plutôt écouté les paroles de Kropotkine lorsqu’il disait de la dictature bolcheviste : « Ils sont en train de nous apprendre comment le communiste ne doit pas être introduit ». Les événements lui ont donné raison, puisque, après avoir détruit tout le passé, après avoir tenté le plus rude saut dans l’absolu qu’ait jamais tenté société humaine, les chefs de l’État russe actuel se voient contraints de revenir à un processus plus, modéré, et même à des concessions de doctrine.
Que les États bourgeois se soient misérablement comportés envers la Russie, cela est certain ; mais si l’on veut être véridique, il ne faut pas rejeter exclusivement sur le blocus la responsabilité de l’échec du communisme slave. Je dis échec car les paysans Russes, Cosaques, Tatars, Kirghizes, Circassiens, Tchérémisses ou autres se chargeront, en un prochain avenir, de ramener les rêves de communisme-marxiste « scientifique » à la taille de leurs désirs terriens étroitement réalistes, sans trop de souci des antinomies à peu près insolubles qui se présentent à tout réformateur social. L’empirisme une fois de plus vaincra le plan préétabli, lequel pourtant n’aura pas été complètement inutile, mais qui l’eût été moins encore, exempt, de cette fausse rigueur pseudo-scientifique.
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Joindre en un même ostracisme, bourgeois et anarchistes, cela était indigne de Barbusse et je veux croire que le rapprochement de ces deux vocables fut, sous sa plume, tout fortuit, sinon je devrais être plus dur encore pour cette Église communiste où se déforment les esprits, où s’étouffent les libertés, où de fallacieux pavillons couvrent de louches marchandises, où des pensées libres et pures comme celle de l’auteur du Feu risquent d’être influencées par les sophistes et les rhéteurs… et je devrais cesser de m’étonner que la Tchéka sortit tout armée du bolchevisme comme l’Inquisition sortit tout armée de l’Église catholique. Tout révolutionnaire qui ne possède pas au-dedans de lui l’amour de la Liberté et de la Vérité, ces vieilles entités toujours jeunes, est un homme dangereux pour le véritable progrès humain.
La recherche de la Vérité est une chose difficile, et pour la vouloir absolument, il ne faut pas croire la posséder exclusivement. Le fanatisme est une vieille chose, et toujours ceux qui en furent affligés crurent parler et agir pour le bien public.
Nous ne savons quand viendra la Révolution, ni même si elle viendra. Être révolutionnaire ne signifie pas croire naïvement au « Grand Soir » non plus qu’avoir dans sa poche un plan de la Société future. Tout ce bric-à-brac est périmé. La Révolution comme toute chose humaine est en perpétuel devenir, et c’est en nous qu’il faut d’abord la posséder afin que son rayonnement illumine la route. Romain Rolland dit qu’il y a des bourgeois parmi les anarchistes et aussi parmi les communistes. Certes, mais il y a surtout trop de suiveurs, trop peu d’individus et c’est de cela plutôt que de sa faiblesse numérique qu’est faite la débilité du mouvement révolutionnaire en ce pays.
Au lendemain de la guerre, il y avait une possibilité d’union des forces subversives. Personne ne semble avoir compris la haute nécessité de cette union préconisée pourtant par Sébastien Faure. On a préféré ânonner les litanies moscovites, s’hypnotiser sur un mouvement trop lointain et obscur pour être un phase, et voici que maintenant les chapelles s’excommunient mutuellement, les boutiques se disputent la clientèle, et si par hasard un homme libre et désintéressé cherche, au-dessus et en dehors des organisations à promulguer ce qu’il croit être l’humaine vérité voici que les sectes surgissent, rivales, mais prêtes cette fois à s’entendre pour le rejeter dans les ténèbres extérieures. Ainsi en est-il pour Romain Rolland et quelques esprits libres avec lui.
Mais au fond cela importe peu, et le sage n’en sera pas pour cela plus prêt à se jeter dans le pessimisme négatif, qu’il n’accepte les yeux clos l’optimisme niais des prêtres, qu’ils soient rouges ou noirs.
Génold
P.-S. — il y aurait beaucoup d’autres chose à dire au sujet de la controverse Rolland-Barbusse, qui est plutôt la confrontation de deux philosophies, qu’une simple discussion sociologique. Le temps et l’espace m’étant mesurés, je n’ai fait qu’effleurer les sommets. Mais pour peu que la conversation se poursuive, je me réserve de commenter ici les arguments échangés, je le ferai en amoureux passionné de la Liberté et de la Vérité avant tonies choses et surtout en homme dépourvu d’illusions sociales.
Lilluli est bien morte.
G.
- 1F. Nietzche : La Volonté de Puissance. — Tome II, Aphorismes 337, page 125.