Ammon Hennacy est un homme qui repousse la violence, dénonce la guerre, combat l’État, les empiétements du gouvernement sur la liberté individuelle.
Il a souvent payé de sa personne et subit la prison par fidélité à cette manière de voir. Objecteur de conscience, il a réitéré son refus de se laisser porter sur les listes de conscription. Il a refusé plusieurs fois de suite de payer ses impôts dont 75 % servent, proclame-t-il, à alimenter le budget de la guerre. Mais il ne s’est pas contenté de cette attitude passive. Partout où il a passé, il a distribué des tracts, des brochures, promené des écriteaux exhortant les passants à ne pas payer leurs impôts, à refuser de se rendre à la caserne, à ne pas souscrire aux bons de la défense nationale.
Le « Catholic Worker » auquel il contribue régulièrement, l’a soutenu dans ses campagnes au cours desquelles il vitupérait Franco, dénonçait les méfaits du capitalisme et des requins de la finance. Comment Ammon Hennacy qui s’est, à un moment de sa vie, déclaré athée, s’est-il converti au catholicisme ?
Dès ses plus tendres années, il a commencé par subir l’ascendant de sa grand-mère, une quakeresse qui lui parlait des relations amicales de jadis entre Indiens et quakers.
Adolescent, le socialisme l’a attiré, puis l’anarchisme dont il a connu les différents modes d’expression. Il a été le compagnon de cellule d’Alexandre Berkman. Il a entretenu une correspondance amicale avec Emma Goldman et l’individualiste Tucker.
Il a été baptisé en 1952 par un prêtre « catholique anarchiste ».
Sans doute a‑t-il été conquis par le « Sermon sur la Montagne » ainsi que par le sacrifice du Christ, le renoncement à soi qui caractérisa sa vie quotidienne. Or justement, ce que reproche Hennacy aux non-conformistes, aux anarchistes actuels, c’est, concernant la plupart d’entre eux, de reculer devant le sacrifice, de ne pas être conséquents jusqu’au bout. Il est pour la révolution individuelle, la révolution de l’unique, même si elle demeure stérile. L’essentiel est le témoignage. Tant mieux si on l’écoute, tant pis s’il n’éveille aucun écho.
Enfin, il accepte le point de vue catholique de la différence entre les opinions et la doctrine. Ainsi le bien ou le mal fondé des persécutions contre les sorcières ou contre Galilée, par exemple, est affaire d’opinion qui n’affecte en rien les dogmes concernant Dieu, le Christ, la Foi et les mœurs. Peu importe que le clergé se range du côté du capitalisme ou du militarisme, le catholique pacifiste et anarchiste a toute liberté de différer d’eux sur ce point. C’est la grâce divine et non les grands cerveaux des théologiens et de la hiérarchie qui a créé le christianisme authentique.
En lisant cet article, certains regardent avec scepticisme l’anarchisme d’Ammon Hennacy. Et pourtant ses actes témoignent d’un esprit et d’une pensée foncièrement anarchistes. N’est-il pas beaucoup plus important pour un anarchiste de vivre conformément à ses conceptions que de croire ou de ne pas croire en Dieu ? Ainsi, actuellement, il participe avec Dorothy Day au Committee for Nonviolent Action ; pour protester contre la guerre au Vietnam, celui-ci organise une campagne pour le refus de l’impôt consacré à l’armée.
En conclusion, je dirais que même si nous sommes découragés par la vie militante, avec l’impression que tout est vendu et pourri, il reste une solution : c’est de faire la révolution tout seul — cette révolution qui débute d’abord à l’intérieur de nous-mêmes, peu importe ensuite l’environnement dans lequel on se trouve, on n’a plus besoin d’un groupe quel qu’il soit pour vivre sa vérité. « L’homme fera sa révolution sans amertume, il portera son témoignage envers et contre tout ; l’on n’est jamais battu même seul quelque chose peut être fait. »
René Nazon
Pour plus de renseignements sur Ammon Hennacy et l’équipe du mensuel américain Catholic Worker, vous pouvez consulter :
- La Longue Solitude de Dorothy Day (Editions du Cerf).
- Plusieurs articles parus dans les Informations catholiques internationales, dans la revue Coexistence de Jean van Lierde, dans Défense de l’Homme, dans L’Unique et dans le bulletin du C.I.R.A.