La Presse Anarchiste

La double objection

L’adhé­sion à nos thèses implique le refus de par­ti­ci­per à toute guerre ; beau­coup d’entre nous refusent éga­le­ment de subir le joug du ser­vice mili­taire ; à des moments dif­fé­rents et par des moyens divers, ils se sont défi­nis dans cette voie.

L’or­ga­ni­sa­tion du ser­vice natio­nal de défense en vigueur depuis le 1er jan­vier 1964 néces­site de notre part une nou­velle objec­tion assor­tie d’une action d’in­for­ma­tion la plus large possible.

Peu de gens savent que sous cette vague défi­ni­tion se cache la mili­ta­ri­sa­tion per­ma­nente de tous les Fran­çais, hommes ou femmes, de 18 à 60 ans.

Cette mise en condi­tion est ren­due pos­sible par l’é­ta­blis­se­ment d’un fichier natio­nal qui défi­nit à tout moment la situa­tion de chaque indi­vi­du en tant que membre du ser­vice de défense, ain­si que son affectation.

Ce fichier est actuel­le­ment en cours de réa­li­sa­tion ; le per­son­nel fonc­tion­na­ri­sé a été recen­sé tout d’a­bord et c’est main­te­nant le tour des entre­prises pri­vées, depuis les plus impor­tantes jus­qu’aux plus modestes.

Il semble indis­pen­sable de refu­ser toute col­la­bo­ra­tion, toute signa­ture, toutes com­mu­ni­ca­tions d’é­tat civil ou de situa­tion mili­taire qui per­mettent d’ef­fec­tuer ce recen­se­ment. Ce sont les employeurs qui ont la res­pon­sa­bi­li­té d’é­ta­blir les for­mu­laires et de les com­mu­ni­quer à l’ad­mi­nis­tra­tion ; il n’est pas pré­vu qu’ils puissent s’y refuser.

Par contre, des sanc­tions sont envi­sa­gées pour les employés qui ne veulent pas par­ti­ci­per à cette nou­velle « mise en carte » : 50 à 500 F d’a­mende ; en cas de réci­dive, l’a­mende sera dou­blée et assor­tie de peine de 1 à 2 mois de prison.

Cer­tains pour­ront dire que, dans notre doux pays, les citoyens sont déjà suf­fi­sam­ment enre­gis­trés, numé­ro­tés, fichés, pour bien des rai­sons (carte d’i­den­ti­té, sécu­ri­té sociale, recen­se­ment mili­taire); cette nou­velle ordon­nance ne fai­sant qu’en­té­ri­ner un état de fait, il est inutile de s’y refu­ser. Ce serait prendre à la légère le nou­veau pas en avant fait par l’É­tat dans son sou­ci de rendre l’in­di­vi­du taillable et cor­véable à merci.

L’or­ga­ni­sa­tion de la défense civile pré­voit, en effet, la pos­si­bi­li­té sui­vante pour le gou­ver­ne­ment : mobi­li­sa­tion pos­sible de tout ou par­tie des tra­vailleurs dans leur emploi en temps de guerre ou de paix ; dès lors l’employé ne dépend plus que de la juri­dic­tion mili­taire ; sont pré­vus, notam­ment, les délits d’in­sou­mis­sion, de déser­tion et de refus d’obéissance.

En d’autres termes, on peut consi­dé­rer que le droit de grève n’existe en France que s’il ne gêne pas le gou­ver­ne­ment. Dans le cas contraire, les ouvriers pour­ront être mobi­li­sés sur place et tout mou­ve­ment reven­di­ca­tif sera iné­luc­ta­ble­ment brisé.

Pour bros­ser un tableau plus géné­ral des consé­quences de cette mili­ta­ri­sa­tion per­ma­nente, on peut dire que les pou­voirs excep­tion­nels qui étaient ceux d’un gou­ver­ne­ment en temps de guerre se trouvent main­te­nant appli­cables à tout moment dans le cadre mili­taire en temps de paix.

L’or­don­nance du 7 jan­vier 1959 pré­voit que « dans le cas d’é­vé­ne­ments inter­rom­pant le fonc­tion­ne­ment régu­lier des pou­voirs publics, les pou­voirs de défense sont auto­ma­ti­que­ment dévo­lus au ministre des Armées ».

L’im­pré­ci­sion du début de la phrase est d’au­tant plus inquié­tante que les pou­voirs de défense sont défi­nis ain­si dans la même ordonnance :

« a) droit de requé­rir les per­sonnes, les biens et les services ;

« b) droit de sou­mettre à contrôle et à répar­ti­tion des res­sources en éner­gie, matières pre­mières, pro­duits indus­triels et pro­duits néces­saires au ravi­taille­ment et à cet effet d’im­po­ser aux per­sonnes phy­siques et morales en leurs biens les sujé­tions nécessaires. »

Ces courts extraits des textes régis­sant l’or­ga­ni­sa­tion du ser­vice natio­nal de défense semblent suf­fi­sants pour démon­trer l’im­por­tance du problème.

Il est déplo­rable que les syn­di­cats et les par­tis de gauche res­tent muets une fois de plus sur une ques­tion de cette importance.

Outre le refus indi­vi­duel de signer « les états de per­son­nels com­pris dans une affec­ta­tion col­lec­tive de défense », il appa­raît indis­pen­sable d’en­tre­prendre une action d’in­for­ma­tion auprès des mili­tants d’as­so­cia­tions ou grou­pe­ments amis afin de créer un cou­rant d’o­pi­nion défa­vo­rable à ce sta­tut de défense.

Enfin pour mieux se docu­men­ter, on peut uti­le­ment consulter :

  • les bro­chures nos 1033 bis et 62229 du « Jour­nal officiel »,
  • le sup­plé­ment au « J. O. » du 10 sep­tembre 1963,
  • le no 19 de « l’Ac­tion Civique Non Vio­lente » sur « La défense natio­nale à l’âge atomique ».

Mar­cel Viaud


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