La Presse Anarchiste

Nelson Mandela

« En aucun cas je ne nie avoir pré­paré un plan de sab­o­tage. Je ne l’ai pas fait dans un esprit d’insouciance ou par quelque amour de la vio­lence. Je l’ai fait à la suite d’une esti­ma­tion calme et sobre de la sit­u­a­tion poli­tique telle qu’elle résulte de nom­breuses années de tyran­nie, d’exploitation et d’oppression de mon peu­ple par les Blancs. » […]

« Pre­mière­ment, nous croyions que, comme résul­tat de la poli­tique du gou­verne­ment, il était devenu inévitable que le peu­ple africain s’engage dans le sab­o­tage, et qu’à moins qu’une direc­tion respon­s­able fût don­née pour canalis­er et con­trôler les sen­ti­ments de notre peu­ple il y aurait des éclats de ter­ror­isme qui créeraient entre les races de ce pays une amer­tume et une hos­til­ité telles que la guerre elle-même n’en pro­duit pas. Deux­ième­ment, nous avions le sen­ti­ment que sans vio­lence il n’y aurait pas de voie ouverte au peu­ple africain pour faire aboutir son com­bat con­tre le principe de la supré­matie blanche. Tous les modes d’opposition légale à ce principe ont été inter­dits par le gou­verne­ment, et nous avons été mis dans une sit­u­a­tion où il nous fal­lait ou bien accepter un état per­ma­nent d’infériorité, ou bien défi­er le gou­verne­ment. Nous avons décidé de ne plus obéir à la loi. Nous avons d’abord enfreint la loi d’une façon qui évi­tait tout recours à la vio­lence ; alors cette forme d’action fit l’objet d’une nou­velle lég­is­la­tion ; et quand le gou­verne­ment en vint à la démon­stra­tion de force pour réprimer toute oppo­si­tion à sa poli­tique, alors seule­ment nous décidâmes de répon­dre à la vio­lence par la violence.

« Mais la vio­lence que nous avons adop­tée n’est pas le ter­ror­isme. Nous qui avons for­mé l’Umkonto1L’Umkonto We Sizwe (Fer de lance de la nation) est l’organisation de sab­o­tage., étions tous mem­bres de l’African Nation­al Con­gress, et nous avions der­rière nous la tra­di­tion de l’ANC de non-vio­lence et de négo­ci­a­tion pour résoudre les con­flits poli­tiques. Nous croyions que l’Afrique du Sud apparte­nait à tous ceux qui y vivent, et non à un groupe, qu’il fût noir ou blanc. Nous ne voulions pas d’une guerre inter­ra­ciale, et nous avons essayé de l’éviter jusqu’à la dernière minute. Si la Cour en doute, elle ver­ra que toute l’histoire de notre organ­i­sa­tion démon­tre ce que j’ai dit et ce que je vais dire, quand je décrirai les tac­tiques que l’Umkonto a décidé d’adopter. Je veux en con­séquence dire quelque chose sur l’African Nation­al Congress.

« L’African Nation­al Con­gress a été for­mé en 1912 pour défendre les droits des Africains qui avaient été sérieuse­ment réduits par le South Africa Act2Loi étab­lis­sant l’Union sud-africaine (1909)., et qui étaient men­acés par la Loi sur les Ter­res Indigènes3Le Native Land Act de 1913 insti­tu­tion­nal­isa les réserves, seules régions où les Africains ont le droit de pos­séder le sol (12 % de la sur­face du pays)..

« Pen­dant trente-sept ans – c’est-à-dire jusqu’en 1949 – il s’en tint stricte­ment à une lutte con­sti­tu­tion­nelle. Il présen­ta des deman­des et des réso­lu­tions ; il envoya des délé­ga­tions au gou­verne­ment en croy­ant que les plaintes des Africains pour­raient être arrangées par des dis­cus­sions paci­fiques et que les Africains pour­raient obtenir pro­gres­sive­ment les pleins droits poli­tiques. Mais les gou­verne­ments blancs restèrent insen­si­bles et les droits des Africains dimin­uèrent au lieu d’augmenter. Selon les mots de mon leader, le chef Luthuli, qui devint prési­dent de l’ANC en 1952, et qui reçut plus tard le prix Nobel :

« Qui pour­ra nier que trente ans de ma vie ont été passés à frap­per en vain, patiem­ment, mod­éré­ment et mod­este­ment à une porte fer­mée et ver­rouil­lée ? Quels ont été les fruits de la mod­éra­tion ? Les trente dernières années ont vu la plus grande par­tie des lois restreignant nos droits et nos pos­si­bil­ités, tant et si bien que nous avons atteint aujourd’hui une sit­u­a­tion où nous n’avons presque plus de droits du tout. »

« Même après 1949, l’ANC restait décidé à éviter la vio­lence. À cette époque, quand même, il y eut un change­ment par rap­port aux moyens stricte­ment con­sti­tu­tion­nels de protes­ta­tion util­isés dans le passé. Ce change­ment con­siste à décider de pro­test­er con­tre l’apartheid par les moyens paci­fiques mais illé­gaux, des man­i­fes­ta­tions con­tre cer­taines lois. Selon cette poli­tique, l’ANC lança la Cam­pagne de défi où je fus mis à la tête des volon­taires. Cette cam­pagne était basée sur le principe de la résis­tance pas­sive. Plus de 8500 per­son­nes défièrent les lois d’apartheid et allèrent en prison. Pour­tant, il n’y eut pas un seul cas de vio­lence de la part d’aucun man­i­fes­tant. Dix-neuf de mes col­lègues et moi-même fûmes con­damnés pour le rôle que nous avions joué en organ­isant la Cam­pagne (et ceci selon la loi sur la Sup­pres­sion du com­mu­nisme, bien que notre cam­pagne n’eût aucun rap­port avec le com­mu­nisme), mais nos sen­tences furent sus­pendues essen­tielle­ment parce que le juge trou­va que la dis­ci­pline et la non-vio­lence avaient fait l’objet d’une atten­tion constante. » […]

« En 1960, il y eut la fusil­lade de Sharpeville, qui entraî­na la procla­ma­tion de l’état d’urgence et la mise hors la loi de l’ANC. Mes col­lègues et moi, après exa­m­en atten­tif, décidâmes de ne pas obéir à ce décret. Les Africains ne par­tic­i­paient pas au gou­verne­ment et ne fai­saient pas les lois selon lesquelles ils étaient gou­vernés. Nous avons cru aux ter­mes de la Déc­la­ra­tion uni­verselle des droits de l’homme : “La volon­té du peu­ple sera la base de l’autorité du gou­verne­ment”, et, pour nous, accepter le ban­nisse­ment reve­nait à accepter que les Africains fussent con­traints au silence à jamais.

L’ANC refusa de se dis­soudre et, au lieu, entra dans la clan­des­tinité. Nous avons cru qu’il était de notre devoir de préserv­er cette organ­i­sa­tion qui avait été con­stru­ite pen­dant cinquante années de labeur inin­ter­rompu. Je ne doute pas qu’aucune organ­i­sa­tion poli­tique blanche con­sciente ne se dis­soudrait si elle était déclarée illé­gale par un gou­verne­ment dans lequel elle n’aurait pas droit à la parole. ” […]

« J’étais le secré­taire de la Con­férence et je pris la respon­s­abil­ité d’organiser une grève nationale où cha­cun resterait chez soi, grève qui fut lancée de manière à coïn­cider avec la procla­ma­tion de la république. Comme toute grève d’Africains est illé­gale, l’organisateur d’une telle grève doit éviter l’arrestation. Je fus choisi pour jouer ce rôle et je dus donc quit­ter ma mai­son, ma famille et ma clien­tèle et me cacher pour éviter d’être arrêté.

« La grève, en accord avec la poli­tique de l’ANC, devait être une man­i­fes­ta­tion paci­fique. Des instruc­tions atten­tives furent don­nées aux organ­isa­teurs et aux mem­bres pour éviter tout recours à la vio­lence. La réponse du gou­verne­ment fut d’introduire de nou­velles lois plus sévères, de mobilis­er ses forces armées, et d’envoyer des véhicules et des sol­dats dans les aggloméra­tions en grande démon­stra­tion de force afin d’intimider les gens. Cela mon­trait que le gou­verne­ment avait décidé de gou­vern­er par la seule force, et une telle déci­sion mar­qua le chemin vers l’Umkonto. » […]

« Que devions-nous faire, nous les lead­ers de notre peu­ple ? Devions-nous renon­cer devant la démon­stra­tion de force et la men­ace impliquée con­tre toute action future, ou bien devions-nous la com­bat­tre, et si oui, comment ?

« Nous ne doutions pas qu’il fal­lait con­tin­uer la lutte. Toute autre atti­tude reve­nait à capit­uler. Notre prob­lème n’était pas de savoir s’il fal­lait com­bat­tre, mais com­ment com­bat­tre. Nous de l’ANC avions tou­jours été pour une démoc­ra­tie non raciale, et nous répugnions à toute action qui aurait pu éloign­er les races plus qu’elles ne l’étaient déjà. Mais la dure vérité était que cinquante années de non-vio­lence n’avaient rien amené aux Africains d’autre qu’une lég­is­la­tion plus répres­sive, et de moins en moins de droits. La Cour a peut-être du mal à le com­pren­dre, mais c’est un fait que depuis un cer­tain temps, le peu­ple par­le de vio­lence, du jour où il com­bat­trait l’Homme Blanc et regag­n­erait son pays et nous, les dirigeants de l’ANC, avons tou­jours fait pré­val­oir notre point de vue d’éviter la vio­lence et de pour­suiv­re les méth­odes paci­fiques. Quand cer­tains de nous dis­cutèrent la ques­tion, on ne pou­vait nier que notre poli­tique d’établir un État non racial par la non-vio­lence n’avait rien établi du tout, et que nos par­ti­sans com­mençaient à per­dre con­fi­ance dans cette poli­tique et à dévelop­per d’inquiétantes idées de terrorisme.

« On ne doit pas oubli­er qu’à cette époque la vio­lence était dev­enue un des traits car­ac­téris­tiques de la scène poli­tique sud-africaine. Il y eut vio­lence en 1957 lorsque les femmes de Zeerust reçurent l’ordre de porter des lais­sez-pass­er ; il y eut vio­lence en 1959 quand les gens de Cato Manor protestèrent con­tre les descentes de police à pro­pos des lais­sez-pass­er ; il y eut vio­lence quand, en 1960, le gou­verne­ment ten­ta d’imposer les Autorités Ban­toues dans le Pon­doland. Trente-neuf Africains trou­vèrent la mort dans les trou­bles du Pon­doland. Il y eut vio­lence en 1958 quand on imposa les sélec­tions de bétail dans le Sekhukhu­ni­land. En 1961, il y eut des désor­dres à Warm­bat­hs, et pen­dant toute cette péri­ode, le Transkei a été le lieu de trou­bles per­ma­nents. Chaque désor­dre mon­trait claire­ment qu’un gou­verne­ment qui utilise la force pour main­tenir son pou­voir apprend aux opprimés à se servir de la force pour lut­ter con­tre lui. Déjà, des petits groupes s’étaient for­més dans les régions urbaines et fai­saient spon­tané­ment des plans pour un type vio­lent de com­bat poli­tique. Le risque appa­rais­sait que ces groupes adopte le ter­ror­isme con­tre les Africains de même que les Blancs, s’ils n’étaient pas bien dirigés. Par­ti­c­ulière­ment inquié­tant était le type de vio­lence s’étant pro­duit dans les endroits comme Zeerust, le Sekhukhu­ni­land et le Pon­doland, entre Africains. Cela pre­nait de plus en plus la forme non pas d’un com­bat con­tre le gou­verne­ment – quoique c’en avait été l’origine – mais d’un com­bat civ­il entre les chefs pro­gou­verne­men­taux et ceux qui s’y oppo­saient, con­duit de telle façon qu’il n’y avait rien à en espér­er d’autre qu’amertume et perte de vies.

« Au début de juin 1961, après une longue et anx­ieuse éval­u­a­tion de la sit­u­a­tion sud-africaine, moi-même et quelques col­lègues arrivâmes à la con­clu­sion que, comme la vio­lence dans ce pays était inévitable, il serait irréal­iste et faux pour les dirigeants africains de con­tin­uer à prêch­er la paix et la non-vio­lence en un temps où le gou­verne­ment répondait à nos deman­des paci­fiques par la force.

« Nous n’arrivâmes pas facile­ment à une telle con­clu­sion. Ce fut seule­ment quand tout le reste eut échoué, quand tous les moyens de protes­ta­tion paci­fique nous eurent été ôtés que la déci­sion fut prise de s’embarquer dans les formes vio­lentes d’action poli­tique et de con­stituer l’Umkonto We Sizwe. Nous le fîmes sans l’avoir désiré, et parce que le gou­verne­ment ne nous lais­sait pas d’autre choix. Dans le man­i­feste de l’Umkonto, pub­lié le 16 décem­bre 1961, la pièce à con­vic­tion “ AD ”, nous disions :

« Le temps arrive dans la vie de toute nation où il ne reste plus que deux pos­si­bil­ités : se soumet­tre ou com­bat­tre. Ce temps est arrivé pour l’Afrique du Sud. Nous ne nous soumet­trons pas et nous n’avons pas d’autre pos­si­bil­ité que de riposter par tous les moyens dont nous pou­vons dis­pos­er pour défendre notre peu­ple, notre avenir et notre liberté. »

« Telle était notre atti­tude lorsqu’en juin 1961 nous décidâmes de pouss­er le mou­ve­ment de libéra­tion nationale à chang­er sa poli­tique. Je peux dire seule­ment que je me sen­tais morale­ment obligé de faire ce que j’ai fait.

« Nous qui avons pris cette déci­sion, entre­prîmes de con­sul­ter les dirigeants de dif­férentes organ­i­sa­tions, y com­pris l’ANC. Je ne dirai pas à qui nous avons par­lé ou ce qui nous a été répon­du, mais je voudrais traiter du rôle de l’African Nation­al Con­gress dans cette péri­ode de com­bat, et de la poli­tique et des objec­tifs de l’Umkonto We Sizwe.

« En ce qui con­cerne l’ANC, il se for­ma une opin­ion claire qui peut être résumée comme suit :

a) C’était une organ­i­sa­tion poli­tique de masse avec une fonc­tion à rem­plir. Ses mem­bres avaient adhéré sur la base expresse d’une pra­tique non violente.

b) À cause de cela, il ne pou­vait entre­pren­dre une action vio­lente et ne le ferait pas. Cela doit être souligné. On ne peut pas trans­former un tel corps poli­tique en une de ces organ­i­sa­tions petites et for­mant bloc que demande le sab­o­tage. Ce ne serait pas non plus poli­tique­ment cor­rect, car le résul­tat en serait que les adhérents cesseraient d’accomplir cette activ­ité essen­tielle : la pro­pa­gande poli­tique et l’organisation. Il n’était pas per­mis non plus de chang­er la nature entière de l’organisation.

c) D’autre part, vu la sit­u­a­tion que j’ai décrite, l’ANC était prêt à aban­don­ner sa poli­tique de non-vio­lence, vieille de cinquante ans, en ceci qu’il ne dés­ap­prou­verait plus un sab­o­tage pro­pre­ment con­trôlé. Ain­si les mem­bres qui se lanceraient dans une telle activ­ité ne seraient plus l’objet d’une sanc­tion dis­ci­plinaire de l’ANC.

« Je dis sab­o­tage pro­pre­ment con­trôlé, parce que j’avais fait claire­ment com­pren­dre que, si j’aidais à fonder l’organisation, je la soumet­trais en toute cir­con­stance aux direc­tives poli­tiques de l’ANC, et je n’entreprendrais jamais une forme d’activité dif­férente de celles prévues dans l’accord de l’ANC. Je vais main­tenant dire à la Cour com­ment cette forme de vio­lence en vint à être déterminée.

« À la suite de cette déci­sion, l’Umkonto fut for­mé en novem­bre 1961. Lorsque nous avons pris cette déci­sion, puis for­mulé nos plans, l’héritage de l’ANC denon-vio­lence et d’harmonie raciale ne nous quit­tait pas l’esprit. Nous sen­tions que le pays allait vers la guerre civile où les Noirs et les Blancs se com­bat­traient les uns les autres. Nous con­sid­éri­ons la sit­u­a­tion avec anx­iété. La guerre civile pou­vait sig­ni­fi­er la fin de ce que l’ANC défendait ; avec la guerre civile, la paix entre les races deviendrait plus dif­fi­cile que jamais à établir.

« Nous avons déjà des exem­ples dans l’histoire de l’Afrique du Sud des résul­tats d’une guerre. Il a fal­lu plus de cinquante ans pour que les cica­tri­ces de la guerre d’Afrique du Sud s’effacent. Com­bi­en faudrait-il pour effac­er celles d’une guerre civile entre les races qui ne serait pas menée sans de grandes pertes en vies humaines des deux côtés ?

« Le souci d’éviter la guerre civile a dom­iné notre pen­sée pen­dant plusieurs années, mais quand nous avons décidé de faire entr­er la vio­lence dans notre poli­tique, nous nous sommes ren­du compte que nous auri­ons peut-être à envis­ager la per­spec­tive d’une telle guerre. Il fal­lait en tenir compte en for­mu­lant nos plans. Il nous fal­lait un plan sou­ple qui nous per­mit d’agir selon les besoins du moment ; avant tout, le plan devait en être un qui recon­nut la guerre civile comme le dernier recours, et remit à plus tard la déci­sion sur ce prob­lème. Nous ne voulions pas être engagés dans une guerre civile, mais nous voulions être prêts si elle deve­nait inévitable.

Il y a qua­tre formes de vio­lence pos­si­bles. Il y a le sab­o­tage, la guerre de guéril­la, le ter­ror­isme et la révo­lu­tion ouverte. Nous avons choisi d’adopter la pre­mière méth­ode et de l’éprouver à fond avant de pren­dre aucune autre décision.

« À la lumière de nos orig­ines poli­tiques, ce choix était logique. Le sab­o­tage n’implique pas de perte de vies et il per­met les meilleurs espoirs pour le futur des rela­tions entre les races. L’amertume serait réduite au min­i­mum et, si cette poli­tique por­tait ses fruits, un gou­verne­ment démoc­ra­tique pou­vait devenir une réal­ité. C’est ce que nous nous sommes dit à l’époque et ce que nous avons écrit dans notre manifeste :

« Nous de l’Umkonto We Sizwe avons tou­jours cher­ché à nous libér­er sans bain de sang ni affron­te­ment civ­il. Nous espérons, même à cette heure tar­dive, que nos pre­mières actions ren­dront cha­cun con­scient de la sit­u­a­tion désas­treuse où mène la poli­tique nation­al­iste. Nous espérons ramen­er le gou­verne­ment et ses par­ti­sans au bon sens avant qu’il ne soit trop tard, afin que le gou­verne­ment et sa poli­tique puis­sent être changés avant qu’on atteigne le moment sans espoir de la guerre civile. »

« Le plan ini­tial fut basé sur une analyse de la sit­u­a­tion poli­tique et économique du pays. Nous pen­sions que l’Afrique du Sud dépendait large­ment du cap­i­tal et du com­merce étrangers. Nous avions le sen­ti­ment qu’une destruc­tion organ­isée d’usines énergé­tiques et l’interruption de com­mu­ni­ca­tions fer­rovi­aires et télé­phoniques tendraient à écarter tout cap­i­tal du pays, à ren­dre plus dif­fi­cile le trans­port des marchan­dis­es des régions indus­trielles aux ports mar­itimes dans les temps voulus, et con­stitueraient à long terme un fardeau pour l’économie du pays, oblig­eant ain­si les électeurs à recon­sid­ér­er leur position.

« Les attaques con­tre les points vitaux de l’économie du pays devaient être liées avec des sab­o­tages de bâti­ments gou­verne­men­taux et d’autres sym­bol­es de l’apartheid. Ces attaques seraient une source d’inspiration pour notre peu­ple, et l’encourageraient à par­ticiper à des actions de masse non vio­lentes, telles que des grèves et des protes­ta­tions. En plus, elles con­stitueraient une issue pour les ten­ants des méth­odes vio­lentes et nous per­me­t­traient de prou­ver con­crète­ment à nos par­ti­sans que nous avions adop­té une ligne plus dure et que nous ripos­tions à la vio­lence du gouvernement.

« De sur­croît, si une action mas­sive était organ­isée avec suc­cès et suiv­ie de repré­sailles mas­sives, nous pen­sions que la sym­pa­thie pour notre cause se dévelop­perait dans d’autres pays, et qu’une pres­sion plus grande serait amenée à peser sur le gou­verne­ment sud-africain.

« Tel était alors le plan. L’Umkonto accom­pli­rait des actes de sab­o­tage, et de strictes instruc­tions furent don­nées aux mil­i­tants dès le départ, de ne bless­er, ni de tuer per­son­ne, en aucun cas, lors de la pré­pa­ra­tion ou de l’exécution des opérations. » […]

« Les mil­i­tants de l’Umkonto n’avaient pas le droit d’être
armés dans les opéra­tions
. » […]

« J’avais déjà com­mencé à étudi­er l’art de la guerre et de la révo­lu­tion, et, comme j’étais à l’étranger, je suiv­is un cours d’entraînement mil­i­taire. S’il devait y avoir guéril­la, je voulais être capa­ble de com­bat­tre aux côtés de mon peu­ple et partager les hasards de la guerre avec lui. ”