La Presse Anarchiste

Sabotage

Jetons main­te­nant un regard en arrière. Au départ, nous nous trou­vions devant la pre­mière expé­rience consciente de non-vio­lence, la pre­mière cam­pagne de Gand­hi. À la suite de cela une longue période de quelque qua­rante ans que les détrac­teurs de la non-vio­lence veulent consi­dé­rer comme réel­le­ment non vio­lente parce que le sou­ci du res­pect de la léga­li­té a été le carac­tère domi­nant. Il est impor­tant de dénon­cer cette erreur d’appréciation du phé­no­mène. Nous avons été habi­tués de notre côté à cette oppo­si­tion res­treinte pen­dant la guerre d’Algérie lorsqu’on se conten­tait de signer des péti­tions, lorsqu’on se limi­tait à des oppo­si­tions et à des condam­na­tions ver­bales et écrites. La troi­sième période, que nous pou­vons consi­dé­rer comme non vio­lente clas­sique, débute avec la Cam­pagne de défi accom­pa­gnée du boy­cot­tage. Nous déter­mi­nons main­te­nant une qua­trième période qui est le sabo­tage que Man­de­la se garde bien de confondre avec le ter­ro­risme. En fonc­tion de nos concep­tions de la non-vio­lence, qui dis­tinguent dif­fé­rents degrés dans la des­truc­tion, nous pou­vons esti­mer que le sou­ci du res­pect de la vie démon­tré dans la pra­tique du sabo­tage selon Man­de­la peut faire accep­ter cette forme de sabo­tage par un cer­tain nombre d’entre nous. Il semble évident que le stade sui­vant, autre­ment dit la gué­rilla, sera la limite que nous nous don­ne­rons. Encore que, dans une situa­tion où aucune pos­si­bi­li­té non vio­lente ne se pré­sen­te­rait, il est pos­sible, de Ligt l’avait déjà expri­mé avant nous, de col­la­bo­rer avec les révo­lu­tion­naires par­ti­sans de l’action vio­lente tra­di­tion­nelle sous des formes qu’il reste à cha­cun de déterminer.

Nous avons cru utile d’examiner ce que repré­sente le sabo­tage afin d’éclairer notre posi­tion à ce sujet, puis d’essayer de le défi­nir sou­cieux que nous sommes de ne pas res­ter des puristes sans prise sur la réa­li­té. Nous sommes conscients qu’il n’existe pas deux caté­go­ries her­mé­tiques l’une à l’autre, d’un côté les vio­lents de l’autre les non-vio­lents. La réa­li­té ne pré­sente jamais de tels abso­lus. Il est facile de don­ner une image cari­ca­tu­rale du violent et du non-violent, la réa­li­té est tout autre, et si à prio­ri on se classe dans l’une ou l’autre ten­dance, en fait les situa­tions nous amènent à des posi­tions plus nuan­cées que nous vou­drions dépour­vues de tout sectarisme.

Le sabo­tage n’était encore au siècle der­nier qu’un terme argo­tique, signi­fiant non l’acte de fabri­quer des sabots, mais celui, ima­gé et expres­sif, de tra­vail exé­cu­té « comme à coups de sabots », de tra­vail gros­siè­re­ment bâclé.

C’est au congrès de la CGT, tenu à Tou­louse en 1897, qu’il reçut le bap­tême du feu comme pro­cé­dé métho­dique de lutte ouvrière. La réso­lu­tion pré­sen­tée par Deles­salle au sujet du boy­cot­tage et du sabo­tage fut adop­tée à l’unanimité. Elle sti­pu­lait : « Chaque fois que s’élèvera un conflit, que celui-ci soit dû aux exi­gences patro­nales ou à l’initiative ouvrière et, au cas où la grève sem­ble­rait ne pou­voir don­ner les résul­tats escomp­tés, que les tra­vailleurs appliquent le boy­cot­tage ou le sabo­tage ou les deux simultanément. »

Dès lors, anar­chistes et syn­di­ca­listes révo­lu­tion­naires le pré­co­ni­sèrent sans relâche tan­dis que les socia­listes dans leur majo­ri­té, non seule­ment ne le recom­man­dèrent jamais, mais le réprou­vèrent hau­te­ment dans la lutte ouvrière, le jugeant pré­ju­di­ciable à la valeur tech­nique et à la qua­li­té de l’ouvrier, qu’il était cen­sé dimi­nuer vis-à-vis de lui-même ; le consi­dé­rant au plus haut point des­truc­teur, puisque rédui­sant le patri­moine dont le monde du tra­vail devait un jour deve­nir héritier.

Cette thèse fut à l’époque dure­ment com­bat­tue par les par­ti­sans du sabo­tage, qui consi­dé­raient en effet et, semble-t-il, à juste rai­son, que si effec­ti­ve­ment le sabo­tage pou­vait par­fois ame­ner des des­truc­tions sérieuses, dans sa forme la plus épu­rée, il n’était par contre qu’un ralen­tis­se­ment de pro­duc­tion, une « grève en tra­vaillant », « une grève sur le tas» ; et que si, en d’autres cas, il consis­tait en tra­vail bâclé ou mal fait, il pou­vait aus­si prendre une forme posi­tive : la « grève du zèle » ou la « grève per­lée », celle-ci consis­tant à figno­ler le tra­vail, à le « per­ler », au point que le patron y perde des béné­fices cer­tains. Ce pro­cé­dé, négli­gé par les détrac­teurs du sabo­tage, per­met­tait pour­tant dans tous les cas de sau­ve­gar­der les qua­li­tés morales et tech­niques de l’ouvrier, mises en cause par les socia­listes. On aurait cepen­dant tort de croire que la classe ouvrière aurait atten­du la consé­cra­tion par un congrès cor­po­ra­tif pour pra­ti­quer le sabo­tage. Il en est de lui comme de toutes les formes de révolte, il est vieux comme l’exploitation humaine.

À pro­pos des émeutes de Lyon, en 1831, Bal­zac écri­vait dans « la Mai­son Nucin­gen » : « Le canut, probe jusque-là, ren­dant en étoffe la soie qu’on lui pesait en bottes, a mis la pro­bi­té à la porte en son­geant que les négo­cia­tions le vic­ti­maient, et il a mis de l’huile à ses doigts : il a ren­du poids pour poids, mais il a ren­du la soie repré­sen­tée par l’huile et le com­merce des soies a été infes­té d’étoffes graissées. »

Le sabo­tage est éga­le­ment pra­ti­qué depuis long­temps outre-Manche, sous le nom de Ca’ Can­ny ou Go’ Can­ny, mot de patois écos­sais signi­fiant à peu près : ne vous fou­lez pas.

À Glas­gow, en 1889, une grève de dockers écla­ta pour une aug­men­ta­tion de salaires refu­sée. Les employeurs embau­chèrent des ouvriers agri­coles pour rem­pla­cer les gré­vistes et ceux-ci durent s’avouer vain­cus. Au moment de reprendre le tra­vail, leur secré­taire syn­di­cal les ras­sem­bla et leur dit : « Les employeurs ont dit et répé­té qu’ils étaient enchan­tés des ser­vices des ouvriers agri­coles qui nous ont rem­pla­cés pen­dant la grève. Nous les avons vus ; nous avons vu qu’ils ne savaient même pas mar­cher sur un navire, qu’ils lais­saient choir la moi­tié de la mar­chan­dise, bref que deux d’entre eux ne fai­saient pas la besogne d’un de nous. Cepen­dant les employeurs se déclarent enchan­tés de leurs ser­vices ; il n’y a donc qu’à leur en four­nir du pareil et à pra­ti­quer le ca’canny. »

La consigne fut appli­quée pen­dant quelques jours, puis les employeurs convo­quèrent le secré­taire syn­di­cal et lui firent deman­der aux dockers de tra­vailler comme avant, moyen­nant quoi ils accor­daient les dix cen­times d’augmentation réclamés.

Le go’canny consiste en quelque sorte à mettre en pra­tique la vieille for­mule ouvrière : « À mau­vaise paie, mau­vais travail. »

En 1881, déjà, le sabo­tage fut pra­ti­qué métho­di­que­ment par les télé­gra­phistes du bureau cen­tral de Paris. Ceux-ci récla­maient une aug­men­ta­tion du taux de leurs heures sup­plé­men­taires, aucune suite n’étant don­née à leur reven­di­ca­tion, ils déci­dèrent d’agir et un beau matin Paris tout entier se réveilla pri­vé de télé­graphe et iso­lé (le télé­phone n’était pas encore ins­tal­lé). Pen­dant quatre ou cinq jours, tech­ni­ciens et ingé­nieurs s’évertuèrent à déce­ler la « panne » pro­vo­quant l’arrêt des appa­reils, mais vai­ne­ment. Le cin­quième jour, les reven­di­ca­tions étaient satis­faites et le télé­graphe remis, dis­crè­te­ment mais immé­dia­te­ment, en ordre de marche. Le motif et les auteurs de la « panne » ne furent jamais connus ni même soupçonnés.

Au congrès des cui­si­niers, en 1898, un délé­gué se tailla un beau suc­cès en nar­rant avec humour le dro­la­tique cas de sabo­tage sui­vant : Les cui­si­niers d’un grand éta­blis­se­ment pari­sien ayant à se plaindre de leur patron res­tèrent à leurs postes toute une mati­née four­neaux allu­més, mais au moment où les clients affluèrent il n’y avait dans les mar­mites que des briques cui­sant à grande eau… en com­pa­gnie de la pen­dule du restaurant :

En 1910, Émile Pou­get, un des pro­mo­teurs du sabo­tage ouvrier, écri­vait : « L’exploiteur choi­sit habi­tuel­le­ment, pour aug­men­ter la ser­vi­tude ouvrière, le moment où il est le plus dif­fi­cile de résis­ter par la grève, seul moyen employé jusqu’alors ; avec le sabo­tage, il en est tout autre­ment, les tra­vailleurs peuvent désor­mais résis­ter sans perte de salaire et sans crainte, ils ont en main un moyen infaillible d’affirmer leur viri­li­té. » Et il ajoute : « Le sabo­tage est dans la guerre sociale ce que sont les gué­rillas dans les guerres natio­nales. Il découle des mêmes sen­ti­ments, répond aux mêmes néces­si­tés et a sur la men­ta­li­té ouvrière d’identiques consé­quences. On sait com­bien les gué­rillas déve­loppent le cou­rage indi­vi­duel et l’esprit de déci­sion ; autant peut s’en dire du sabo­tage : il tient en haleine celui qui le pra­tique et a l’heureux résul­tat de déve­lop­per l’esprit d’initiative, d’habituer à agir soi-même, de sur­ex­ci­ter la combativité. »

Le ralen­tis­se­ment ins­tinc­tif du tra­vail est la forme pri­maire du sabo­tage, ain­si à Bea­ford aux États-Unis, en 1908, une cen­taine d’ouvriers furent avi­sés qu’une réduc­tion de salaire leur serait impo­sée. Sans mot dire, ils se ren­dirent à une usine voi­sine et firent rogner leurs pelles d’une cer­taine lon­gueur. Après quoi ils revinrent au chan­tier et répon­dirent au patron qui s’étonnait : « À petite paie, petite pelle. »

Cette forme de sabo­tage n’est bien sûr pra­ti­cable que par des ouvriers tra­vaillant à l’heure ou à la jour­née, mais le sabo­tage peut aus­si être pra­ti­qué avec suc­cès par les tra­vailleurs aux pièces.

Ici la ligne de conduite dif­fère : res­treindre la pro­duc­tion serait res­treindre le salaire, il faut appli­quer le sabo­tage à la qua­li­té au lieu de la quan­ti­té. Le tra­vailleur attein­dra alors le patron dans sa clien­tèle et par là même dans ses bénéfices.

En 1900, le bul­le­tin de la Bourse du tra­vail de Mont­pel­lier pro­po­sait à ses lec­teurs : « Si vous êtes méca­ni­cien, il vous est très facile avec une poudre quel­conque, ou même avec du sable, d’enrayer votre machine, d’occasionner une perte de temps et une répa­ra­tion coû­teuse à votre exploi­teur. Si vous êtes ébé­niste, quoi de plus facile que de dété­rio­rer un meuble, sans que le patron s’en aper­çoive et de lui faire perdre ain­si des clients ? Un tailleur peut aisé­ment abî­mer un habit ou une pièce d’étoffe ; un mar­chand de nou­veau­tés avec quelques taches adroi­te­ment posées sur un tis­su le fait vendre à vil prix ; un gar­çon épi­cier, avec un mau­vais embal­lage, fait cas­ser la mar­chan­dise ; c’est la faute à n’importe qui et le patron perd le client. »

Ain­si donc, les pro­cé­dés de sabo­tage sont variables à l’infini, il est une qua­li­té qui est par contre exi­gée des mili­tants qui l’emploient : c’est que leur mise en pra­tique n’ait pas de réper­cus­sions fâcheuses et directes sur le client, sur le consom­ma­teur. Le sabo­tage doit s’attaquer au patron, soit par le ralen­tis­se­ment du tra­vail, soit en ren­dant les pro­duits visés inven­dables, soit encore en immo­bi­li­sant les ins­tru­ments de pro­duc­tion. Le consom­ma­teur ne doit en aucun cas souf­frir de cette guerre faite à l’exploiteur.

La pra­tique du sabo­tage peut encore dans d’autres cir­cons­tances prendre des allures dif­fé­rentes : le pro­cé­dé dit « de bouche ouverte » entre autres. C’est à lui que recourent les ouvriers du bâti­ment qui dévoilent à l’architecte, ou au pro­prié­taire qui fait bâtir, les mal­fa­çons de l’immeuble qu’ils viennent de ter­mi­ner, mal­fa­çons ou mal­ver­sa­tions ordon­nées par les entre­pre­neurs et à leur pro­fit : murs man­quant d’épaisseur, emploi de maté­riaux de mau­vaise qua­li­té, couches de pein­tures esca­mo­tées, etc.

Le sabo­tage envi­sa­gé sous ces dif­fé­rentes formes per­met la pro­tes­ta­tion ouvrière sans aban­don du tra­vail, donc sans perte de salaire. Il peut aus­si s’étendre beau­coup plus loin, et Bous­quet, secré­taire du syn­di­cat des bou­lan­gers, décla­rait en 1905 : « Nous pou­vons consta­ter que le simple arrêt de tra­vail n’est pas suf­fi­sant. Il serait néces­saire et même indis­pen­sable que l’outillage, c’est-à-dire le moyen de pro­duc­tion, soit réduit à la grève, autre­ment dit, ren­du impro­duc­tif par non-fonc­tion­ne­ment, car quand les rené­gats vont tra­vailler, ils trouvent les machines, les outils en bon état, et ce par la suprême faute des gré­vistes qui, ayant lais­sé en bonne san­té ces moyens de pro­duc­tion, ont lais­sé der­rière eux la cause de leur échec reven­di­ca­tif. Le pre­mier devoir avant la grève est donc de réduire à l’impuissance les ins­tru­ments de tra­vail. C’est l’abc de la lutte ouvrière. À ce moment, la par­tie devient enfin égale entre le patron et l’ouvrier, car alors la ces­sa­tion du tra­vail est réelle. Elle pro­duit le but recher­ché : l’arrêt de la vie dans le clan bourgeois. »

Peu de temps après, Renaud, employé des che­mins de fer de l’Ouest-État, ajou­tait : « Pour être cer­tain du suc­cès, au cas où la majo­ri­té des employés ne ces­se­raient pas tout de suite le tra­vail, il est indis­pen­sable qu’une besogne dont il est inutile de don­ner ici une défi­ni­tion soit faite au même ins­tant dans tous les centres impor­tants, au moment de la décla­ra­tion de grève. Pour cela, il fau­drait que des cama­rades réso­lus, déci­dés et connais­sant au mieux les rouages des ser­vices, sachent trou­ver les points sen­sibles et frappent à coups sûrs sans faire de des­truc­tions imbéciles. »

Après ces décla­ra­tions, nous pou­vons conclure qu’il en est du sabo­tage sous ses diverses formes, comme de tous les autres pro­cé­dés ou tac­tiques de lutte : la jus­ti­fi­ca­tion de leur emploi découle des buts pour­sui­vis. C’est à cette pré­oc­cu­pa­tion qu’il y a quelques dizaines d’années les employés de la com­pa­gnie des tram­ways de Lyon obéis­saient, qui, pour rendre la cir­cu­la­tion impos­sible aux tram­ways conduits par des rené­gats, cou­laient du ciment dans les aiguillages des rails. C’est aux mêmes besoins que répon­dirent les employés des che­mins de fer du Médoc, en 1908, qui, avant de sus­pendre le tra­vail, eurent soin de cou­per les lignes télé­pho­niques reliant les gares, dévis­sèrent les organes de prise d’eau des loco­mo­tives et les cachèrent pen­dant toute la durée de la grève.

À chaque cas pré­cis s’adapte une manière ori­gi­nale de lutte.

À Phi­la­del­phie, dans une grande mai­son de four­rure, avant de quit­ter le tra­vail, chaque cou­peur modi­fie ses patrons de coupe. Les rené­gats embau­chés se mirent au tra­vail avec les patrons « sabo­tés » et au moment de l’assemblage ce fut le plus gran­diose des gâchis. Le patron, après une perte énorme de dol­lars, fut dans l’obligation de réem­bau­cher les gré­vistes. Cha­cun reprit alors son poste après avoir reçu satis­fac­tion et, réajus­tant ses patrons de coupe, se remit à l’ouvrage.

Outre les pro­cé­dés indi­qués ci-des­sus, il en est un qui se déve­lop­pa énor­mé­ment vers 1910, après les grandes grèves des pos­tiers : le sabo­tage répres­sif. À la suite de la deuxième grève des pos­tiers, des groupes révo­lu­tion­naires déci­dèrent de sabo­ter les lignes télé­pho­niques pour pro­tes­ter contre les licen­cie­ments de plu­sieurs cen­taines de gré­vistes, annon­çant leur inten­tion de ne ces­ser leur gué­rilla qu’après réin­té­gra­tion des révo­qués. Pour ce faire, un comi­té clan­des­tin expé­dia à des cama­rades sûrs, et dans tous les sec­teurs, une cir­cu­laire ano­nyme leur don­nant toutes indi­ca­tions tech­niques. L’hécatombe fut consi­dé­rable sur tous les points du ter­ri­toire, et le groupe de Join­ville à lui seul ne cou­pa pas moins de 795 lignes entre le 8 et le 28 juillet 1910. Aucun des auteurs de ces actes ne fut décou­vert par les auto­ri­tés et un accord inter­vint bien­tôt avec les com­pa­gnies de téléphone.

Une autre forme de sabo­tage peut aus­si être uti­li­sée ; elle est sur­tout usi­tée dans les pays ger­ma­niques et en Ita­lie. C’est l’obstructionnisme ou grève du zèle. Employée dans les che­mins de fer de ces pays, elle don­na à maintes reprises satis­fac­tion à ses uti­li­sa­teurs. Quelques autres cor­po­ra­tions l’employèrent éga­le­ment avec suc­cès en Autriche : les employés des postes et les typo­graphes notamment.

Ces der­nières années, de nom­breuses grèves du zèle ont éga­le­ment per­tur­bé les postes doua­niers fran­çais et chaque fois satis­fac­tion, au moins par­tielle, a été accordée.

Il paraît, à la lec­ture de ces lignes, que le sabo­tage s’est avé­ré fort ren­table dans le pas­sé sur le plan ouvrier et syn­di­cal. Peut-il en être de même dans d’autres domaines, est-il pos­sible d’en ten­ter l’expérimentation ?

Bar­thé­le­my de Ligt, anar­chiste et paci­fiste hol­lan­dais, auteur dans les années 30 d’un « Plan de mobi­li­sa­tion contre la guerre », l’envisageait dans celui-ci comme une des formes essen­tielles du com­bat contre la guerre. « Tant sur le plan indi­vi­duel que col­lec­tif, il suf­fit d’une poi­gnée de mili­tants convain­cus pour réa­li­ser un énorme tra­vail. Il faut rendre inuti­li­sables, en cas de mobi­li­sa­tion et de guerre, les ponts, les routes, les rails, etc., et détruire, par­tout où cela est pos­sible de le faire sans atten­ter à la vie humaine, les armes, les muni­tions et tout maté­riel de guerre entre­po­sés. Pra­ti­quer par­tout l’opposition tech­nique (autre appel­la­tion du sabo­tage pro­po­sée par B. de Ligt) en pré­fé­rant tou­te­fois, dans les cas où cela se peut, la recon­ver­sion en moyens de paix des moyens de guerre visés. »

Pen­dant la der­nière guerre mon­diale, les appels quo­ti­diens de la radio gaul­liste pous­saient au sabo­tage et tous les orga­nismes de résis­tance l’employèrent alors, plus ou moins heu­reu­se­ment. Les résul­tats furent néan­moins sou­vent pro­bants et avan­cèrent sin­gu­liè­re­ment la fin des hostilités.

Ce sera désor­mais à nous, dans les études qui sui­vront, de décou­vrir les pos­si­bi­li­tés que peuvent, sur le plan de notre com­bat anar­chiste et non violent, nous four­nir ce moyen adé­quat pour des mino­ri­tés déci­dées, actives et conscientes.

Lucien Gre­laud

Bibliographie concernant le boycottage et le sabotage

Livres et brochures :

  • CGT : « Boy­cot­tage et sabo­tage », Paris, 1897.
  • E. Pou­get : « Le Sabo­tage », Paris, 1910.
  • M. Leroy : « La Cou­tume ouvrière », Paris, 1913.
  • Com­père-Morel : « Grand dic­tion­naire socia­liste », Paris, 1924.
  • B. de Ligt : « la Paix créa­trice », Paris, 1934. « Plan de mobi­li­sa­tion », Bruxelles, 1934. « Pour vaincre sans vio­lence », Paris, 1935.
  • et l’article de Claude Bourdet:«Boycotterons-nous les pro­duits amé­ri­cains ? (« Alerte ato­mique », n° 11, déc. 1966).

Dans le même numéro :


Thèmes


Si vous avez des corrections à apporter, n’hésitez pas à les signaler (problème d’orthographe, de mise en page, de liens défectueux…

Veuillez activer JavaScript dans votre navigateur pour remplir ce formulaire.
Nom

La Presse Anarchiste