La Presse Anarchiste

Une expérience actuelle en Suède : le boycottage des produits sud-africains

C’est en mars 1963 que le SUL (orga­ni­sa­tion de coor­di­na­tion d’une soixan­taine de mou­ve­ments de jeu­nesse sué­dois grou­pant envi­ron 1400000 adhé­rents) lan­ça l’appel au boy­cot­tage pour lut­ter contre l’apartheid en Afrique du Sud.

L’information de l’opinion publique sué­doise sur les réa­li­tés du racisme en Afrique du Sud a été le pre­mier pas de l’action du SUL. C’était déjà une façon d’attirer l’attention de la popu­la­tion : car il est admis que la publi­ca­tion des faits doit être la pre­mière par­tie d’une action prolongée.

L’aide pra­tique fut la deuxième phase de l’action en faveur des Noirs sud-afri­cains. Des quêtes ont été orga­ni­sées pour venir en aide aux vic­times des lois raciales et aux familles des déte­nus. Cet argent ser­vait éga­le­ment à payer les procès.

Mais les mili­tants recon­nais­saient que l’information et la soli­da­ri­té n’étaient qu’un pre­mier tra­vail, qu’une pré­pa­ra­tion au boy­cot­tage, la troi­sième et la plus com­ba­tive des phases. Il fal­lait main­te­nant faire pres­sion sur les res­pon­sables de l’apartheid, par les moyens à la dis­po­si­tion de gens géo­gra­phi­que­ment très éloi­gnés des lieux de l’injustice. Les pro­duits com­mer­ciaux échan­gés de pays à pays étaient le point com­mun sur lequel allait s’exercer la pres­sion. Bien qu’utiles, l’information et la soli­da­ri­té s’avéraient insuf­fi­santes au point de vue de l’efficacité.

Le boy­cot­tage pro­pre­ment dit a débu­té par un appel à chaque consom­ma­teur, par l’intermédiaire d’affiches, de tracts et d’encarts dans les jour­naux. Le mot d’ordre était : n’achetez pas des pro­duits venant de l’Afrique du Sud. Pour aider les consom­ma­teurs à s’y recon­naître par­mi les mar­chan­dises au cours de leurs achats une petite carte, se glis­sant faci­le­ment dans le por­te­feuille, a été impri­mée. Y sont ins­crits les noms de tous les fruits, légumes, conserves, vins et alcools sud-afri­cains. On a même indi­qué la période de l’année où chaque pro­duit est impor­té, par exemple : les pommes vertes au prin­temps et en été, les pommes de terre de jan­vier à juin, les pêches toute l’année, etc.

Sur les tracts dis­tri­bués, une phrase d’Albert Luthu­li est mise en valeur : « Il faut nous boy­cot­ter. » Il exprime ensuite sa sym­pa­thie à ceux qui par des moyens paci­fiques essaient de faire pres­sion sur les Blancs de l’Afrique du Sud et leur gou­ver­ne­ment afin qu’ils aban­donnent la poli­tique d’apartheid.

Dans les cir­cu­laires, on ne demande pas seule­ment au consom­ma­teur de faire ses achats avec pré­cau­tions, mais on l’exhorte à expli­quer au com­mer­çant le pour­quoi de son refus. Le consom­ma­teur peut ain­si ame­ner le com­mer­çant à ne plus ache­ter de pro­duits sud-afri­cains et même à arbo­rer, dans sa vitrine, l’affiche disant : nous ne ven­dons pas de pro­duits sud-africains.

S’il est bon qu’une cam­pagne de boy­cot­tage com­mence à la base, par l’éveil indi­vi­duel de l’intérêt de chaque consom­ma­teur, il est tout aus­si indis­pen­sable ensuite d’accentuer l’action en y intro­dui­sant un élé­ment nouveau.

L’étape sui­vante consiste à prendre contact avec les firmes d’importation, les gros­sistes et les grandes chaînes de dis­tri­bu­tion. Un comi­té est char­gé d’entamer le dia­logue avec leurs direc­tions res­pec­tives afin de les ame­ner à ces­ser l’achat et la revente des pro­duits sud-afri­cains. Le résul­tat de ces entre­tiens est posi­tif, l’appel lan­cé à la non-col­la­bo­ra­tion est enten­du et sui­vi par quatre grandes chaînes de dis­tri­bu­tion, Epa, Tem­po, Metro, ICA et par la plus grande coopé­ra­tive de consom­ma­tion sué­doise, KF (Koo­pe­ra­tive Foer­bun­det). Le direc­teur de cette der­nière, Nils The­din, pré­cise, dans une inter­view (« Arbe­ta­ren », mai 1963) qu’il « ne peut que se réjouir de l’initiative prise par une si grande par­tie de la jeu­nesse. Le boy­cot­tage devient le sujet prin­ci­pal des dis­cus­sions qui ont lieu un peu par­tout dans nos suc­cur­sales. La direc­tion a donc trou­vé nor­mal de tenir compte de cette opi­nion publique ». Il sou­ligne, à rai­son, l’importance de la soli­da­ri­té sans laquelle un résul­tat posi­tif ne peut être obte­nu. Soli­da­ri­té entre les com­mer­çants bien sûr, car s’ils se doivent d’être una­nimes à pra­ti­quer le boy­cot­tage, ils doivent aus­si four­nir, auprès de leurs clients habi­tuels un tra­vail d’explication afin que ceux-ci ne trou­vant pas les mar­chan­dises dési­rées ne s’adressent pas à d’autres commerçants.

Si la posi­tion des diri­geants de la KF était la suite logique des dis­cus­sions et de la volon­té expri­mée des membres de la base, il n’en fut pas de même pour une autre grande chaîne de dis­tri­bu­tion, Tem­po. Son direc­teur, John Oeje­gard, expli­qua qu’il n’avait jamais été ques­tion pour eux de faire de la poli­tique. Mais qu’il se voyait dans l’obligation de prendre une déci­sion qui pré­sen­tait un aspect poli­tique, car le fait de vendre des pro­duits sud-afri­cains l’exposait à des attaques constantes de la presse écrite. Il signa­lait de la même manière les nom­breuses lettres de ses clients lui deman­dant de se plier au mot d’ordre général.

Le direc­teur d’Epa, Bengt Ryd­man, aurait vou­lu éga­le­ment, selon ses dires, ne pas mélan­ger le com­merce et la poli­tique : « Si la direc­tion a déci­dé de sup­pri­mer les pro­duits sud-afri­cains dans ses maga­sins, c’est parce qu’elle a choi­si de se plier à la pres­sion de l’opinion publique. Cette déci­sion n’a cepen­dant été prise qu’après une longue réflexion. Nous crai­gnons en effet qu’un tel boy­cot­tage ne se retourne contre notre pays, car la Suède exporte plus de pro­duits vers l’Afrique du Sud que cette der­nière n’en exporte vers la Suède. Si nous boy­cot­tons leurs mar­chan­dises nous allons aus­si por­ter un coup sérieux à l’industrie sué­doise, aux tra­vailleurs sué­dois. L’annulation de com­mandes impor­tantes est à pré­voir, ce qui pour­rait entraî­ner le chô­mage dans cer­taines branches de l’industrie. » Il sou­lève éga­le­ment un autre pro­blème : « L’Afrique du Sud n’est pas le seul pays dont nous contes­tons le régime. Ne faut-il pas aus­si inter­rompre toutes rela­tions éco­no­miques avec d’autres pays tels que l’Allemagne de l’Est, la Hon­grie, etc.?»

Il faut signa­ler que cet argu­ment néga­tif est le même que celui, expri­mé sous un aspect posi­tif par Bernt Rosen­gren dans « Arbe­ta­ren » (juin 1963) au sujet du boy­cot­tage tou­ris­tique de l’Espagne, car il ajoute que cela est d’autant plus pos­sible que l’opinion publique sué­doise a déjà été sen­si­bi­li­sée par les actions contre l’Afrique du Sud. Dans le cas de l’Espagne, il existe ain­si un moyen de pres­sion sup­plé­men­taire : en effet le tou­risme en Afrique du Sud est inexistant.

Tout cela démontre concrè­te­ment com­ment, à par­tir de l’acte géné­ral de consom­ma­tion (le tou­risme en est une forme), chaque indi­vi­du, à la condi­tion qu’il s’associe aux autres, peut créer un cli­mat et faire valoir son point de vue d’une manière tangible.

Il n’a cepen­dant pas tou­jours été pos­sible de convaincre les com­mer­çants au moyen du dia­logue. Le refus le plus spec­ta­cu­laire eut lieu quand Frukt­cen­tra­len (un orga­nisme spé­cia­li­sé dans la vente de fruits du monde entier) revint sur sa déci­sion de ne plus ache­ter et revendre ses pro­duits sud-afri­cains et les remit sur ses éta­lages à l’insu et du comi­té orga­ni­sa­teur du boy­cot­tage et des consom­ma­teurs. Les moti­va­tions en étaient qu’à cette époque (juin 1963) on ne pou­vait trou­ver de bons rai­sins ailleurs et que les ven­deurs étaient les vic­times d’une baisse du chiffre d’affaires avec, pour consé­quence éven­tuelle, le licen­cie­ment d’une par­tie du per­son­nel. Ce der­nier argu­ment se révèle peu valable étant don­né que la vente des fruits de l’Afrique du Sud ne repré­sente qu’une petite par­tie du com­merce par rap­port aux échanges de ce genre avec les autres pays.

L’action directe s’imposa donc.

Cet orga­nisme pos­sède des bou­tiques dans plu­sieurs grandes villes de Suède. À Stock­holm, il y en a qua­rante et une. Des groupes de mani­fes­tants por­tant des pan­cartes et des ban­de­roles se ras­sem­blèrent le même jour devant vingt-cinq de ces maga­sins et mani­fes­tèrent. De sem­blables actions eurent lieu à Gothenburg.

Ces pro­tes­ta­tions ren­con­trèrent la plus grande sym­pa­thie par­mi la popu­la­tion, mais Bo Bro­lin, du comi­té orga­ni­sa­teur du boy­cot­tage, expri­ma dans un article d’«Arbetaren » (juin 1963): « Le but final est d’obtenir que l’association de com­merces en gros et l’union des com­mer­çants s’engagent à ne plus ache­ter et revendre les pro­duits de l’Afrique du Sud à par­tir d’une date fixée. Si un tel contrat était éta­bli nous pour­rions sup­pri­mer les petites mani­fes­ta­tions comme celles qui viennent d’avoir lieu. »

Ain­si ces groupes de mani­fes­tant jouent le rôle de com­man­dos non vio­lents qui, avec un but pré­cis, à un moment choi­si et en un lieu déter­mi­né, peuvent atti­rer l’attention sur un pro­blème grave, mais ils ne sau­raient être suf­fi­sants. La recherche d’un pro­lon­ge­ment, l’importance d’une pla­ni­fi­ca­tion, la néces­si­té abso­lue d’une esca­lade déci­sive sont les condi­tions pour qu’une telle entre­prise n’en reste pas au petit train-train des habi­tuelles mani­fes­ta­tions folk­lo­riques des « non-violents ».

Si l’organisation du boy­cot­tage dans sa plus grande par­tie a été orga­ni­sée par le SUL, il ne faut pas oublier que cela n’excluait pas d’autres ini­tia­tives venant de petits groupes moins structurés

Sur l’initiative du Comi­té pour les actions non vio­lentes une lettre est envoyée, au moins de février 1964, à chaque dépu­té. Elle insiste pour que le gou­ver­ne­ment suive l’appel de boy­cot­tage et indique, pour appuyer sa demande, que les Nations unies, dans une des réso­lu­tions concer­nant le pro­blème de l’Afrique du Sud, se sont décla­rées pour le boy­cot­tage. La lettre informe que « les Noirs sont conscients des risques qu’ils encourent. Ils ont néan­moins deman­dé ce boy­cot­tage et sont prêts à faire des sacri­fices, car ils pensent que c’est le seul moyen paci­fique qui reste pour résoudre le pro­blème ». L’envoi de ces lettres fut sui­vi de petites mani­fes­ta­tions devant le parlement.

Le SUL deman­da, au mois de décembre 1964, dans une inter­pel­la­tion adres­sée au ministre des Affaires étran­gères, Tors­ten Nils­son, que le gou­ver­ne­ment prenne posi­tion en pro­cla­mant un boy­cot­tage natio­nal de l’Afrique du Sud, celui-ci devant être total, c’est-à-dire non pas seule­ment consis­ter en un refus d’importation mais aus­si impli­quer une non-expor­ta­tion de pro­duits sué­dois vers l’Afrique du Sud. La demande a été reje­tée. Tors­ten Nils­son explique ain­si ce refus (« Arbe­ta­ren », 29 avril 1965): « Une telle mesure serait inef­fi­cace car je ne crois pas que nous serions sui­vis par d’autres pays. Une action iso­lée ris­que­rait d’engendrer des consé­quences contraires à celles que nous dési­rons, elle conso­li­de­rait peut-être la confiance que le gou­ver­ne­ment sud-afri­cain a en lui-même et accroî­trait son intran­si­geance. » « Arbe­ta­ren » n’est pas de cet avis : « Le boy­cot­tage, outre d’avoir éveillé l’opinion publique, a aus­si eu une réper­cus­sion éco­no­mique : l’importation des pro­duits ali­men­taires a bais­sé de 29,4 mil­lions de cou­ronnes en 1962 à 16,5 mil­lions de cou­ronnes en 1964. Cela grâce à la col­la­bo­ra­tion des grandes chaînes de dis­tri­bu­tion. Celles-ci res­tent tou­jours favo­rables au boy­cot­tage. L’appel de conti­nua­tion lan­cé par le comi­té orga­ni­sa­teur l’a confir­mé. Le pro­blème de l’apartheid ne som­bre­ra pas dans le silence. »

L’attitude néga­tive du gou­ver­ne­ment sué­dois obli­gea le SUL a mul­ti­plier ses efforts. Pen­dant les années 1965 – 1966, il prit de plus en plus de contacts per­son­nels avec des orga­nismes ou des per­sonnes par­ti­cu­lières ayant, sous des formes dif­fé­rentes, des rap­ports avec l’Afrique du Sud. C’est ain­si, par exemple, qu’il est deman­dé, le 25 mai 1965, au Mono­pole des spi­ri­tueux de ces­ser l’importation des pro­duits sud-afri­cains. Au mois de décembre de la même année il fut conve­nu, lors d’une réunion de la direc­tion, de ne plus éta­blir de contrats avec l’Afrique du Sud.

En juin 1965, on s’adresse à un grand quo­ti­dien du soir, « Expres­sen », pour qu’il retire les annonces publi­ci­taires concer­nant l’Afrique du Sud. Ce qui fut fait au mois de juillet.

Un chan­teur sué­dois, « Lit­tle Gerhard » (Karl-Gerhard Lundk­vist), avait été invi­té à se pro­duire devant un public blanc en Afrique du Sud. Le comi­té lui demande de refu­ser. Pareille­ment, un joueur de hockey sur glace, Nisse Nils­son, a refu­sé un enga­ge­ment d’entraîneur en Afrique du Sud.

Il a été pro­po­sé aux écri­vains, musi­ciens et orga­ni­sa­tions théâ­trales se pro­dui­sant en Afrique du Sud que leurs contrats men­tionnent que leurs œuvres ne seraient pas jouées uni­que­ment devant un public blanc.

— O —

Il convient main­te­nant de citer l’action des dockers ; action qui dépas­sa le cadre national.

Le 15 juin 1963, le « Lom­ma­ren », un bateau sué­dois, arrive dans le port de Gothen­burg. Il avait déjà acquis une cer­taine renom­mée car les dockers de Copen­hague et ceux d’Aarhus avaient refu­sé de déchar­ger sa car­gai­son de fruits sud-afri­cains. La com­pa­gnie pro­prié­taire du bateau le fit venir à Gothen­burg en pen­sant que les dockers sué­dois n’avaient aucune rai­son de s’y oppo­ser ! Les trente-six dockers appe­lés à ce tra­vail ne furent pas de cet avis : Ils refu­sèrent. Des réunions et des pour­par­lers eurent lieu entre le syn­di­cat et la direc­tion. Le refus était consi­dé­ré comme un non-res­pect des conven­tions col­lec­tives et les dockers sont dénon­cés comme bri­seurs de contrat et risquent alors d’être licen­ciés. Ils per­sistent cepen­dant dans leur refus. Pour les encou­ra­ger et pour sou­li­gner l’importance de cette action, le comi­té régio­nal du SUL orga­nise des mani­fes­ta­tions dans le port pen­dant la durée du conflit.

Au bout de quatre jours la direc­tion du port fait appel à des dockers non syn­di­qués qui, eux, sont en dehors des conven­tions col­lec­tives. Les dockers ordi­naires ne sont pas licen­ciés, mais ils ne sont réem­bau­chés qu’après le départ du « Lom­ma­ren ». Une caisse de soli­da­ri­té est orga­ni­sée par le SUL qui ain­si les dédommage.

Les dockers de Gothen­burg ont vou­lu tenir compte de cette expé­rience pour l’avenir. Ils pensent qu’une telle action res­te­ra un geste sym­bo­lique sans aucune effi­ca­ci­té pra­tique tant qu’ils ne pour­ront pas comp­ter sur la soli­da­ri­té des dockers non syn­di­qués. D’autre part, les risques encou­rus sont jugés trop consi­dé­rables par rap­port aux résul­tats obte­nus : perte de tra­vail régu­lier, licen­cie­ment, amendes diverses. Ain­si, seule une mino­ri­té de la popu­la­tion porte le far­deau le plus lourd du boy­cot­tage. Ce qui ame­na le comi­té régio­nal du SUL à décla­rer que l’on ne pou­vait pas deman­der aux dockers de refu­ser de déchar­ger les navires et, s’associant à eux dans un com­mu­ni­qué de presse (« Arbe­ta­ren », février 1965), ils demandent à tous les Sué­dois de pro­tes­ter éner­gi­que­ment auprès des orga­nismes qui mal­gré le boy­cot­tage pro­cla­mé conti­nuent d’importer des pro­duits sud-afri­cains. Ils exigent aus­si qu’une posi­tion favo­rable au boy­cot­tage soit prise par l’Association des trans­por­teurs sué­dois et que celle-ci réclame du gou­ver­ne­ment un boy­cot­tage national.

Quels sont les résul­tats tan­gibles de ce boycottage ?

Comme le boy­cot­tage lan­cé par le MCAA, contre les pro­duits amé­ri­cains, le boy­cot­tage sué­dois avait tout d’abord pour but de sen­si­bi­li­ser l’opinion publique, mais, grâce aux efforts déployés, il semble qu’il y ait aus­si eu une réper­cus­sion éco­no­mique importante.

Lors de la com­pa­rai­son des sta­tis­tiques du prin­temps 1966 avec celles de l’année 1962 (le boy­cot­tage ayant com­men­cé en 1963), il est en effet appa­ru que l’importation des pro­duits ali­men­taires avait bais­sé de 50 % et celle de vin et d’alcool de 20 %. Cela n’est certes pas en soi nui­sible à l’économie sud-afri­caine, mais montre com­ment une action de ce genre peut réveiller et aler­ter l’opinion publique d’un pays. Si, ensuite, un tel boy­cot­tage s’étendait à plu­sieurs pays, il pour­rait, sans doute, por­ter un coup déci­sif à l’économie de l’Afrique du Sud, celle-ci étant presque entiè­re­ment basée sur l’exportation.

Ani­ta Bernard

…………………………………….

Arri­vés à ce stade nous nous trou­vons en pré­sence de deux échecs :

  •   Échec de la Cam­pagne de défi qui repré­sente une expé­rience non vio­lente clas­sique mais avec des insuf­fi­sances très nettes qu’a signa­lées « Azione non­vio­len­ta ». Nous tenons à répé­ter qu’un com­bat, qu’il soit violent ou non violent, néces­site de sérieux pré­pa­ra­tifs tant sur le plan tech­nique que psy­cho­lo­gique, et nous n’insisterons jamais assez sur ce point que nous consi­dé­rons comme le fac­teur essen­tiel de la réussite.
  • Échec du boy­cot­tage. L’expérience sué­doise que nous vous avons pré­sen­tée peut être consi­dé­rée comme un suc­cès à son niveau natio­nal, mais le fait que cet exemple n’ait pas été sui­vi par d’autres pays explique l’échec actuel. II est cou­rant que la soli­da­ri­té inter­na­tio­nale fasse défaut dans ces périodes de crise : aban­don de l’Espagne répu­bli­caine par les démo­cra­ties occi­den­tales en 1936, échec de la ten­ta­tive non vio­lente au Congo pré­co­ni­sée au début par Patrice Lumum­ba à cause du refus des par­tis poli­tiques, et syn­di­cats belges de neu­tra­li­ser, d’une manière réel­le­ment effi­cace, l’action gou­ver­ne­men­tale. Actuel­le­ment, dans la guerre du Viet­nam, aucune pres­sion éco­no­mique n’est exer­cée contre le gou­ver­ne­ment amé­ri­cain par les dif­fé­rentes orga­ni­sa­tions poli­tiques et syndicales,

D’autre part, depuis 1946, un cou­rant plus jeune s’est mani­fes­té à l’intérieur de l’ANC pour ten­ter de radi­ca­li­ser la lutte. Les échecs suc­ces­sifs conduisent ses membres à un nou­vel exa­men de la situa­tion et à se poser le pro­blème de la vio­lence. Nel­son Man­de­la en est le repré­sen­tant le plus connu. C’est lui qui, au cours de son pro­cès à Pré­to­ria, s’efforça d’expliquer l’évolution qui l’a ame­né, lui et ses amis, à la pra­tique du sabo­tage. Il a don­né lec­ture d’une longue décla­ra­tion jus­ti­fiant le sabo­tage pour lut­ter contre l’apartheid. Nous repro­dui­sons ici ses paroles tirées d’un docu­ment édi­té par le Comi­té anti-apar­theid (Faits et docu­ments sur l’Afrique du Sud, n° 3, BP 16, 92-Issy-les-Mou­li­neaux, CCP H. Stern, Paris 20693 – 22). Vous pou­vez éga­le­ment vous pro­cu­rer aux Édi­tions de Minuit « L’Apartheid » de Nel­son Man­de­la, 6,15 F.


Dans le même numéro :


Thèmes


Si vous avez des corrections à apporter, n’hésitez pas à les signaler (problème d’orthographe, de mise en page, de liens défectueux…

Veuillez activer JavaScript dans votre navigateur pour remplir ce formulaire.
Nom

La Presse Anarchiste