La Presse Anarchiste

Un grand écrivain anglo-saxon à tendance libertaire : Jack London

Je voudrais aujourd’hui présen­ter aux lecteurs de la Revue Anar­chiste un écrivain anglo-sax­on dont l’œuvre puis­sante et nom­breuse, encore trop peu con­nue en France, appa­raît toute imprégnée de fortes ten­dances social­istes sous lesquelles s’accuse un tem­péra­ment de lib­er­taire. Il est cer­tain que l’idéal com­mu­niste tel que le conçoivent les anar­chistes, n’effraya jamais Jack Lon­don ; c’est, en effet, du grand romanci­er cal­i­fornien qu’il s’agit.

Nomade et vagabond moi-même, depuis bien longtemps révolté con­tre ma classe et boy­cotté par elle, j’avais été séduit non seule­ment par son œuvre, mais aus­si par sa vie qui est, en même temps qu’un type par­fait de nomadisme, l’exemple le plus frap­pant de l’effort colos­sal presque surhu­main néces­saire à l’écrivain indépen­dant et enne­mi des lois pour s’imposer à l’attention de notre société cap­i­tal­iste et bourgeoise.

Devant les doc­u­ments réu­nis pour cette étude bio-bib­li­ographique, j’ai admiré et je voudrais faire admir­er par mes lecteurs la ténac­ité de cet homme qui, mort à 40 ans, et bien qu’ayant dépen­sé dans la lutte la plus grande part de ses forces vives, a trou­vé le moyen de laiss­er une œuvre dont l’ampleur, je dirai même le génie, évoque celle de notre grand Balzac, ter­rassé lui aus­si par le mal, à 52 ans.

Dans une Notice que son édi­teur de Lon­dres a placée à la fin du livre inti­t­ulé La Mai­son d’orgueil (The House of Pride), Jack Lon­don a résumé lui-même avec une élo­quente pré­ci­sion, son exis­tence à la fois laborieuse, aven­tureuse et tourmentée.

Il naquit le 12 jan­vi­er 1876, à Oak­land, dans l’État de Cal­i­fornie. Son père, John Lon­don, était un pau­vre fer­mi­er de ranch, et il con­nut l’enfance la plus douloureuse, la plus soli­taire qu’il soit pos­si­ble d’imaginer.

Il nous l’a racon­tée cette enfance, occupée à sur­veiller les abeilles, à capter les essaims per­dus, à tra­vers la plate, triste et monot­o­ne val­lée de Liv­er­more, dans la ferme où son père travaillait.

À ces lignes émues, on devine qu’il les aima pas­sion­né­ment, ces abeilles, l’unique dis­trac­tion et les seules com­pagnes de ses jeunes et soli­taires années. Et son émo­tion, je l’ai partagée en lisant ce pas­sage, car dans mon enfance vagabonde, les abeilles ont joué aus­si un rôle ami. Mais, plus heureux que lui, j’avais un maître, un pau­vre vieux prêtre agricul­teur que ses idées révo­lu­tion­naires avaient chas­sé de l’Église et fait de lui un déclassé et un révolté. Il les chéris­sait pas­sion­né­ment, ces filles jalous­es du soleil, ces buveuses insa­tiables de nec­tar, dont le miel, qu’il col­por­tait sur son âne dans les vil­lages voisins, assur­ait la tran­quil­lité de ses vieux ans. Et il me fit partager cette pas­sion. Oh ! comme je me suis sou­venu d’elles en lisant l’enfance de Jack Lon­don ; oui, je me suis sou­venu que si mon vieux maître, comme le père de Jack Lon­don, aimait les abeilles, les abeilles aus­si l’aimaient. Je le vois, marchant libre­ment entre ses ruch­es, ver­sant à celle-ci des gout­telettes de sirop, rétré­cis­sant, de ses mains osseuses, l’orifice de celle-là pour la préserv­er du ray­on­nement noc­turne, jetant autour de cette autre des poignées de cen­dres mouil­lées pour éloign­er la four­mi pil­larde, et faisant une chas­se sans trêve aux guêpes rôdeuses et aux frelons.

Et les abeilles, recon­nais­santes, lui cares­saient, en bour­don­nant, ses cheveux blancs ; elles venaient, au moin­dre appel, butin­er jusque sur ses lèvres, dans sa belle barbe blanche, comme autour d’un lis écla­tant. Et jamais la plus coléreuse ne frôla sa peau de son dard…

Et, en écrivant cela, je ne puis ne pas évo­quer égale­ment la Ruche aujourd’hui dis­per­sée de Sébastien Fau­re, où tant d’enfants soli­taires somme le jeune Jack Lon­don, plus heureux que lui, trou­vèrent jadis des petits com­pagnons avec la tiédeur d’un nid.

Déjà, à ce moment, pour le gamin pas­teur d’abeilles, avait com­mencé l’existence errante qu’il devait men­er jusqu’à sa mort. Depuis sa nais­sance, en effet, la ferme de la val­lée de Liv­er­more était la troisième où le chef de famille s’était échoué pour gag­n­er sa pénible vie. Et, déjà aus­si, Jack sen­tait bouil­lon­ner en ses jeunes veines cet instinct nomade, l’unique héritage qui devait lui revenir.

[|* * * *|]

Il com­mençait à peine sa onz­ième année que, pas­sion­né de lec­ture — il avait appris à lire tout seul — il quit­ta les siens et par­tit pour Oak­land. attiré par la Bib­lio­thèque publique comme les abeilles qu’il aban­don­nait, par les fleurs de la val­lée. De cette butinée glou­tonne I tra­vers la flo­re livresque, son sys­tème nerveux d’enfant fut très éprou­vé, et il subit les pre­miers symp­tômes de la danse de Saint-Guy.

Sur­me­nage cérébral, certes, mais aus­si, sans doute, souf­frances, pri­va­tions, mis­ère phys­i­ologique, car le « gosse », pour gag­n­er sa vie, était obligé de ven­dre des jour­naux dans la rue. De onze à seize ans, il fit ain­si, pour pou­voir s’instruire, les plus infimes et les plus pénibles métiers…

« Tra­vail manuel et école… École et tra­vail manuel… Telle fut ma vie d’enfant. Et cela allait ain­si », résume-t-il avec une mélan­col­ique fierté.

Sat­uré de lec­ture et de vie séden­taire, subite­ment repris par ses instincts hérédi­taires de nomadisme, il revient à ses vagabondages, s’affilie à une bande de maraudeurs dont la spé­cial­ité con­sis­tait à piller les parcs-à-huîtres. Ce fut ce que j’appellerai sa péri­ode de « reprise indi­vidu­elle », ou plutôt l’aurore de la haine con­tre le cap­i­tal que ses mis­ères enfan­tines avaient gravée dans son âme d’adolescent.

Bien que courte, cette péri­ode de son exis­tence fut bien rem­plie : car, avoue-t-il lui-même avec une touchante ingé­nu­ité : « Si la féroc­ité du Code bour­geois avait pu m’atteindre dans tous mes actes de pira­terie, j’eusse récolté cinq cents ans de prison…»

Las d’affronter le revolver des police­men et des gar­di­ens et séduit par le grand mys­tère de la mer, Jack Lon­don s’embarque comme matelot sur un shooner et s’en va du Japon à la mer de Bering chas­s­er le phoque et pêch­er le saumon.

Après sept mois de vagabondage tra­vers les mers glaciaires, il s’en revient en Cal­i­fornie où il reprend sa vie de tri­mardeur, adop­tant les métiers les plus rudes, tour à tour porte­faix, souti­er et ouvri­er dans une fab­rique de jute, où il tra­vail­lait de six heures du matin à sept heures du soir.

À ce moment, il ressent la nos­tal­gie du pays natal, part pour Oak­land où se rédi­geait le School, un mag­a­zine hebdomadaire.

Il écriv­it pour lui des réc­its qui n’étaient pas seule­ment d’imagination, mais dont le fond se rat­tachait à son expéri­ence de la mer et à ses cours­es vagabondes.

Mal rétribué, il dut, pour ne pas mourir de faim, ajouter à ses fonc­tions de rédac­teur celle de porti­er de la maison.

« Mais, écrit-il, ma san­té délabrée m’obligeait à pren­dre de nom­breux con­gés, l’effort étant plus grand que je ne pou­vais le supporter. »

C’est à ce moment que la révolte con­tre le cap­i­tal­isme oppresseur, qui déjà, depuis longtemps grondait dans son âme de vic­time, écla­ta et qu’il risqua son pre­mier geste révo­lu­tion­naire. Dans un pays où, plus qu’ailleurs, l’Or est Dieu et le Mer­can­ti son Prophète, il osa lancer ses pre­mières déc­la­ra­tions socialistes.

Arrêté, incar­céré pour un dis­cours pronon­cé dans la rue, il con­nut, à compter de ce jour, toutes les per­sé­cu­tions par lesquelles les société cap­i­tal­istes, qu’elles appar­ti­en­nent au Nou­veau monde ou à l’Ancien, essaient d’étouffer les révoltes de l’esprit et de la conscience.

Chas­sé de la revue School, Jack Lon­don ne se décourage pas et fait brave­ment tête à l’orage.

Il suit les cours de l’Université de Cal­i­fornie, tra­vail­lant seul et par lui-même, en trois mois autant qu’un autre eût pu le faire en trois ans : « Il me déplai­sait, dit-il, d’abandonner l’espoir d’une édu­ca­tion uni­ver­si­taire et je repas­sais des chemis­es dans une blan­chisserie pour sub­venir à mes besoins intellectuels…»

À l’effort accom­pli par cet éton­nant auto­di­dacte, dont la mis­ère avait déjà com­pro­mis la san­té, qui donc aurait pu résister ?

« J’avais beau me raidir, ajoute-t-il tris­te­ment, pour men­er de front le tra­vail de mon cerveau et celui le mes mains, le plus sou­vent je tombais de som­meil la plume à la main…»

Alors, il quit­ta la blan­chisserie et essaya de vivre de son méti­er d’écrivain. Mais sa répu­ta­tion pré­coce de révo­lu­tion­naire pesant plus que jamais sur lui, il con­tin­ua de mourir de faim. Notez qu’à ce moment, il ne s’était pas con­tenté de militer Oak­land, sa ville natale, et en Cal­i­fornie ; mais, tou­jours poussé par ses instincts nomades, il s’en était allé à tra­vers les États-Unis et le Cana­da, semant le bon grain révo­lu­tion­naire et récoltant des semaines et des mois de prison. Ili ne comp­tait plus les geôles améri­caines dont il avait subi les horreurs.

Éton­nez-vous, après cela, que, mal­gré l’originalité de son tal­ent qui déjà s’annonçait puis­sant, les édi­teurs, dame pro­fondé­ment bour­geoise, le tinssent en quar­an­taine et refusassent sys­té­ma­tique­ment sa copie .5 L’un d’entre eux, sorte de brute, ancien boxeur, ne se con­tenta pas de lui ren­dre son man­u­scrit, mais encore le roua de coups.

Ce fut alors que, le corps déprimé par cette vie de souf­frances, l’âme révoltée par la féroc­ité de l’ostracisme qui le frap­pait, il ces­sa d’écrire et par­tit pour le Klondike à la recherche de l’or.

Ce fut pour lui le salut.

« C’est dans le Klondike, écrit-il, que je me suis retrou­vé moi-même. Là, per­son­ne ne par­le, tout le monde pense ; c’est le grand Silence blanc et l’on peut pren­dre une vraie con­nais­sance de soi-même. C’est ce que je fis… »

Il y res­ta un an, vivant de la vie dure, âpre, mais saine des mineurs, étu­di­ant les mœurs des chercheurs d’or, de leurs chiens d’Alaska, leurs aux­il­i­aires les plus pré­cieux, et accu­mu­lant, par une obser­va­tion intel­li­gente, inlass­able et minu­tieuse, les élé­ments de ses livres les plus beaux.

Mais voici que le ter­ri­ble scor­but endémique, dans ces soli­tudes glacées, où l’alimentation végé­tale est dif­fi­cile, l’assaillit, ulcérant ses gen­cives, déchaus­sant ses dents, le tour­men­tant d’une fièvre con­tin­ue, à laque­lle il eût suc­com­bé, s’il n’eût aban­don­né ce ter­ri­ble et mys­térieux pays, pour­tant le seul où il eût con­nu un peu de bonheur.

Ce fut avec un pro­fond regret qu’il le quit­ta et, comme son père venait de mourir, il n’attendit pas le paque­bot pour revenir en Cal­i­fornie ; avec deux amis, il se risqua sur un bateau non pon­té qui, nous dit-il, par­cou­rut dix-neuf cent milles en dix-neuf jours.

Revenu au pays natal, il reprit sa plume, bien décidé cette fois à vain­cre le mau­vais vouloir des éditeurs.

Il écriv­it d’abord Down the Riv­er (Au bas de la riv­ière), dont per­son­ne ne voulut.

Ces refus mul­ti­ples ne le découragèrent pas. « Je les attendais, dit-il, et en les atten­dant, j’écrivis une série de vingt mille mots, sans pou­voir en faire accepter un seul… »

Il con­tin­ua quand même d’écrire, lut­tant con­tre ce boy­cottage implaca­ble avec l’énergie du dés­espoir. Enfin, il parvint à faire accepter un con­te par un mag­a­zine cal­i­fornien qui lui don­na cinq dol­lars. Bien­tôt après, la revue The black Cat (Le Chat Noir) lui paya un autre con­te quar­ante dollars.

Son tal­ent de révolté avait vain­cu l’ostracisme bour­geois. Et c’est avec un mélange de tristesse et de joie qu’il écrit : « Enfin, je n’étais plus obligé, pour vivre, de ramass­er du char­bon », et il ajoute avec une intrépi­de sérénité : « Oh ! j’eusse été capa­ble de le faire encore s’il l’avait fallu!…»

Sur­pris eux-mêmes plus que lui encore par l’énorme suc­cès de ses pre­mières œuvres, con­sis­tant surtout en réc­its, con­tes et nou­velles, les édi­teurs qui, hier encore, lui furent le plus hos­tiles s’empressèrent de lui deman­der de la copie. C’est alors que Jack Lon­don fit ses véri­ta­bles débuts littéraires.

« J’aurais pu dès ce moment, nous dit-il, faire beau­coup de copie pour les jour­naux : mais j’avais assez de bon sens et de douloureuse expéri­ence pour ne pas devenir un esclave dans cette machine à tuer les hommes qu’est le jour­nal­isme. Car c’est ain­si que je jugeais un jour­nal pour un jeune débutant… »

Et il fait en, quelques lignes son por­trait intel­lectuel et moral : « Je crois au tra­vail réguli­er et je n’attends rien de l’inspiration. Par tem­péra­ment, je suis non seule­ment nég­li­gent et irréguli­er, mais mélan­col­ique. Et cepen­dant, grâce à mon effort con­tinu, j’ai vain­cu ces fâcheuses ten­dances. Mes longues années de mis­ère et de lutte con­tre le cap­i­tal­isme féroce, la dis­ci­pline sévère que j’ai subie comme matelot avaient eu un plein effet sur moi. Peut-être ma rude vie de marin est-elle la cause véri­ta­ble de mon faible besoin de som­meil. Cinq heures et demie sont la moyenne que je m’accorde et aucune cir­con­stance n’est encore sur­v­enue dans ma vie qui put me tenir éveil­lé lorsque l’heure du repos avait son­né… Quoiqu’élevé d’abord dans la ville, j’aime mieux être près d’elle que dans elle. La vie à la cam­pagne est la meilleure et la plus naturelle… Dans mes années de for­ma­tion, les auteurs qui ont eu le plus d’influence sur moi sont Karl Marx et Spencer…» Mais de son œuvre, il résulte que la pen­sée philosophique de Jack Lon­don avait, au cours de sa vie errante et douloureuse, évolué bien au-delà du cadre un peu étroit que l’auteur du Cap­i­tal a tracé à la doc­trine révolutionnaire.

À par­tir de son pre­mier grand suc­cès jusqu’à sa mort, Jack Lon­don ne ces­sa de pro­duire régulière­ment et avec une éton­nante fécon­dité. Il a lais­sé 52 vol­umes. Aus­si son œuvre appa­raît-elle iné­gale, et à côté de véri­ta­bles chefs‑d’œuvre, elle con­tient des livres médiocres de fond qui en dépar­ent l’ensemble et qui seraient indignes de porter la sig­na­ture du Maître, si son style inim­itable ne les rel­e­vait quelque peu.

Pour don­ner à mes lecteurs une idée suff­isante de ce labeur colos­sal accom­pli dans une vie très courte, je n’analyserai ici prochaine­ment Que les ouvrages où Jack Lon­don a mis le meilleur de lui-même et de son génie et qui se trou­vent être pré­cisé­ment ceux où il s’est api­toyé sur l’humanité souf­frante, où il s’est penché, comme Sébastien Fau­re, sur l’Uni­verselle Douleur. Comme Sébastien Fau­re aus­si, il a voulu, désiré, cher­ché, le Bon­heur uni­versel.

Et c’est pourquoi, dans cet arti­cle prochain, je com­par­erai l’œuvre de ces deux révoltés.

Il est, on le ver­ra, des pages de Jack Lon­don qui pour­raient être signées par Kropotkine, d’autres qui évo­quent l’âme généreuse, ardente et clair­voy­ante à la fois des Reclus, des Bak­ou­nine, des Proud­hon, de tous ceux qui, écœurés et indignés par les cru­autés de la société cap­i­tal­iste et bour­geoise, engagèrent la lutte implaca­ble con­tre les Maîtres et les Dieux qui en sont l’incarnation.

P. Vigné d’Octon.

À L’ÉTALAGE DU BOUQUINISTE

Derniers livres parus

Pro­pos d’Anatole France, recueil­lis par Paul Gsell. — Il y a beau­coup à glan­er dans ce livre, mélange de rosserie, de mal­ice et d’agréable philosophie.

Les semaines sanglantes, par Luc Dutem­ple. — Encore un livre sur la guerre et qui ne ménage pas les guer­ri­ers. Donc, à sig­naler aux lecteurs de cette Revue.

La Ques­tion sociale, par le Dr Toulouse. — Comme tous ceux qu’édite le Pro­grès Civique, ce livre, écrit par un bour­geois intel­li­gent dou­blé d’un savant libéral, con­tient cer­taines vérités aux­quelles peut souscrire tout esprit vrai­ment révolutionnaire.

Saint-Magloire, roman, par Roland Dorgelès. — Un peu timide, cette dernière œuvre, je lui préfère et de beau­coup Les Croix de Bois.

Mars ou la Guerre jugée, par Alain. — Un des meilleurs bouquins qu’il m’ait été don­né de lire sur la guerre et les guer­ri­ers con­sid­érés au point de vue philosophique. Alain n’est pas le vrai nom de l’auteur. C’est le pseu­do­nyme sous lequel se cache un hon­nête homme pour lequel la guerre a été, est et sera tou­jours, la honte de l’humanité.

La Route de la Vic­toire : His­toire de la Grande Guerre, par A. Lumont ; pré­face de Paul Painlevé. — Si je repro­duis ici le titre de ce livre, c’est unique­ment pour met­tre l’œuvre qu’il recou­vre en oppo­si­tion avec le livre précé­dent. Vous l’aurez lu quand vous saurez qu’il con­tient tous les lieux com­muns, toutes les banal­ités cocardières qui traî­nent depuis la guerre dans tous les bouquins patriotards.

Pages choisies, de Rémy de Gour­mont ; pré­face de Mar­cel Coulon. — Rémy de Gour­mont a beau­coup écrit. Il a été un des poly­graphes les plus féconds de notre temps. Grand tra­vailleur, lecteur infati­ga­ble, il n’a pas tou­jours très bien digéré ses lec­tures. On pour­rait dire de lui que son métab­o­lisme intel­lectuel ne fut pas tou­jours par­fait. Art, sci­ence, reli­gion, philoso­phie, il a, pen­dant son assez courte vie, tout abordé.

Aus­si n’est-il pas d’œuvre plus iné­gale que la sienne, et le choix des meilleures pages n’a pas dû être com­mode. M’est avis qu’il n’a pas tou­jours été heureux dans ce livre édité par le Mer­cure de France, dont il fut un des fondateurs.

Pour men­tion : Reliques, par Isabelle Rim­baud. — Le trag­ique des­tin de Nico­las II, par Gilliard. — La crise du social­isme mon­di­al, par Paul Louis. — Les hommes accusent, par Andreas Latzko, beau livre sur lequel je reviendrai. — L’instinct com­bat­if, par Pierre Bovet.

P.V d’O.

Quelques livres à lire. —Unlivre qui fait beau­coup plus hon­neur à la firme Albin Michel que Batouala, c’est Le Mas­sacre de notre Infan­terie, par le général Percin. À ceux de nos cama­rades, qui voudront se faire une juste idée de ce que fut de 1914 à 1918, le gâtisme crim­inel de nos grands chefs, je con­seille vive­ment la lec­ture de ces 300 pages bour­rées de faits et de doc­u­ments. Ils assis­teront, sans bouger, a plus de deux cents com­bats au cours desquels l’infanterie française a été mas­sacrée par sa pro­pre artillerie. Le général éval­ue à 75.000 le nom­bre des vic­times de ce qu’il appelle « ces déplorables mépris­es », et que nous appelons, nous, des assassinats.

C’est en vain, que par­mi les nom­breux livres du mois, j’ai cher­ché quelque autre qui mérite d’être lu : hormis Line de Séver­ine, je ne trou­ve rien. Même néant dans les Innom­brables revues lit­téraires, inféodées au cap­i­tal depuis le Mer­cure de France et la Revue des Deux Mon­des, jusqu’aux feuilles éphémères des gamins bourgeois.

Con­tentons-nous de lire Les Hum­bles, de Mau­rice Wul­lens, et nous ne per­drons pas notre temps.

P.V.


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