La Presse Anarchiste

Dodo

Dodo mon petit, fleur qui vient d’éclore,
Dors demain, demain et demain encore.

Dors long­temps, long­temps, inno­cente aurore,
Même avec ta lèvre et tes yeux ouverts.
Qu’aujourd’hui t’épargne et demain t’ignore,
Le deuil est si grand dans notre univers. 

Dodo mon petit, fleur qui vient d’éclore,
Dors demain, demain et demain encore, 

Mon amour te berce et, mère, je veille
Afin que soit long ton jour sans rumeur.
Si par­fois un bruit frappe à ton oreille,
Qu’il ne soit rien que celui de mon cœur ; 

Dodo mon petit, fleur qui vient d’éclore,
Dors demain, demain et demain encore. 

Mais le pied des jours efface les rêves.
Et j’ai peur, j’ai peur, j’ai si peur du temps
Dont la paix dira : « C’était une trêve ;
Ton fils aujourd’hui vient d’avoir vingt ans. » 

Dodo mon petit. Le temps qui dévore
Pour dor­mir te laisse un moment encore.

[/​Joseph Briand/​]

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