La 36e Section de la Fédération de la Seine est pleine de bonnes intentions. On le voit par la lecture de l’honnête résolution que voici déposée par elle au dernier Conseil fédéral :
Le Conseil National prenant acte de la résolution votée au Congrès International de Stuttgart sur la question des rapports entre le Parti et les Syndicats, invite les membres du Parti Socialiste à agir comme tels dans leurs Syndicats, à chercher à mériter par leur activité les divers postes de confiance de ces organisations et à profiter de toutes les occasions pour montrer aux Syndiqués que la lutte qu’ils ont à mener sera d’autant plus fructueuse que les relations entre les Syndicats et le P.S. seront plus étroites et tendre ainsi à une action convergente sans subordination de l’organisation économique à l’organisation politique.
Est-ce assez galamment tourné ?
N’est-il pas charmant ce « sans subordination de l’organisation économique » qui la termine ?
Le Conseil fédéral a eu grand tort de la négliger. Elle sera heureusement reprise. Je ne sais encore par qui, mais elle le sera. Nous la reverrons dimanche au Conseil National.
Elle vient à propos déjouer la calomnie et déjouer l’intrigue. Qui donc accusait certaine tendance socialiste de noirs desseins ? Subordonner la C.G.T. au Parti ! Nul n’y songeait. Voyez la résolution de la 36e. Elle propose tout autre chose. Elle invite simplement, en toute innocence, les syndiqués socialistes à agir comme tels dans les Syndicats. Quoi, vous vous récriez ? Rien de plus naturel pourtant. Un socialiste ne doit-il pas être socialiste en toute occasion.
Mais prenons en exemple la question du rapport des Syndicats et du Parti. De nombreux socialistes inspirés par des raisons d’ordre syndical se sont prononcés dans les Congrès de la C.G.T. contre tous rapports. Voilà qui ne se peut plus. Depuis que le Congrès socialiste de Stuttgart a parlé, il est bien évident que pour agir en socialiste, ces syndiqués socialistes devront modifier leurs conceptions et leurs votes. Dorénavant, dans les Congrès, au Comité Confédéral, dans leur Syndicat, ils agiront non plus selon les raisons syndicales qui les avaient naguère déterminés, mais en vertu des raisons socialistes du Congrès de Stuttgart. Foin des considérations syndicales quand les Congrès socialistes ont dit :
Est-ce là subordonner la C.G.T. au Parti ? Syndicalistes grincheux je vous le demande.
Perfidie de même, le bruit qui court d’une tentative pour mettre la main sur le Comité Confédéral. Il s’agit bien de cela ! On invite tout au plus les syndiqués socialistes à faire leur devoir syndical – qu’ils ne font pas sans doute – pour mériter les postes de confiance.
Ouais ! Que voilà un bon conseil et contre lequel personne n’oserait protester. Comprenez bien la distinction. On ne dit pas brutalement au socialiste : « Empare-toi des délégations ». Plus doucement on lui conseille de se mettre en forme. En vertu du commandement précédent, les autres socialistes, aspirants lauréats du mérite politico-syndical, auront pour devoir de voter pour lui. Passez muscade.
Quant au troisième et dernier commandement du parfait socialiste syndiqué, il vaut les deux autres :
Socialisme propagera
En Syndicat résolument.
Pour des gens qui préconisent ailleurs le Syndicat neutre, il faut avouer que ce n’est pas mal.
De là au charmant « sans subordination de l’organisation économique à l’organisation politique » que je signalais en commençant ; il n’y a plus qu’un pas facile à franchir et vite franchi.
Il nous donne la résolution type des partisans de l’entente politico-syndicale ; la résolution qui dit tout en voulant ne rien dire et dont le moindre défaut est de nous prendre un peu trop pour des imbéciles.
Pierre Dormoy