La Presse Anarchiste

Des « criminels » de paix aux criminels de guerre

César Buga­ny, objec­teur de conscience, est actuel­le­ment en passe de subir, après une longue déten­tion, une nou­velle condamnation.

La troi­sième.

« Nul ne peut être pour­sui­vi deux fois pour un même délit. »

Cepen­dant, pour un même refus sans dis­con­ti­nui­té, cela fera, pour Buga­ny, trois condam­na­tions. Car l’autorité mili­taire renou­velle indé­fi­ni­ment la puni­tion en rame­nant l’objecteur de la pri­son (où il a ter­mi­né sa peine) à la caserne. Là, la per­sis­tance de l’objecteur dans son refus est arbi­trai­re­ment consi­dé­rée comme un nou­veau crime.

Par ce pro­cé­dé, des condam­na­tions suc­ces­sives menacent de main­te­nir l’objecteur en pri­son jusqu’à la limite d’âge militaire.

Ain­si, pour mani­fes­ter le droit et le devoir si natu­rels de ne pas tuer, face au tota­li­ta­risme mili­taire, le résis­tant devrait pas­ser plus de temps en pri­son qu’il n’en a déjà vécu.

Mais les gens sans conscience peuvent faire davan­tage encore pour mâter le refus d’une obéis­sance qui ne fut jamais promise !

Si per­sonne ne s’élève pour sou­te­nir ceux qui, ayant une conscience, n’entendent pas se lais­ser gou­ver­ner par ceux qui en sont dépour­vus, les résis­tants aux forces d’oppression mour­ront en pri­son, comme d’autres sont morts dans tous les pays du monde où sévit l’esclavage guerrier.

Et la liste des mar­tyrs pour crimes de Paix et de Liber­té ne ces­se­ra de s’allonger.

L’État-Souverain ne recon­naît pas à l’homme la liber­té de s’appartenir. L’homme appar­tient à l’État qui dis­pose de lui à son gré. L’État, n’ayant pas de conscience, n’en recon­naît point à l’homme. Il ne peut res­pec­ter le droit des gens, car il n’en a cure, lui, qui le foule sans cesse…

L’État ne conçoit aucune inap­ti­tude morale. Il n’admet offi­ciel­le­ment que l’objection de tuber­cu­lose, l’objection car­diaque, l’objection pour pieds plats.

Ain­si, autre­fois, étaient reje­tés par les négriers, les vieillards, les infirmes, les tarés, impropres à tout asservissement.

Ain­si, la guerre sélec­tion­nant les plus forts pour les détruire, ne laisse que les inaptes pour conti­nuer et refaire la Vie.

On ne men­sure que les corps, non les âmes.

Pas d’inaptes moraux !

Ce n’est donc que lorsqu’une longue déten­tion aura miné sa san­té au point de néces­si­ter une réforme sani­taire que l’objecteur pour­ra aller cra­cher ses pou­mons dehors.

Et encore ! ! !

L’objecteur Gérard Vidal, après avoir pas­sé quatre ans à Clair­vaux, fut réfor­mé et se vit condam­ner, quelques jours après sa réforme, à cinq ans et demi de pri­son, accom­plis inté­gra­le­ment. Il eut la chance de sur­vivre. Mais Georges Che­vé, un autre objec­teur, est mort en prison.

[/​Émile Veran/​]

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