Le travail de nuit dans la boulangerie, par MAURICE BOUTELOUP. Bibliothèque du Musée Social ; librairie Larose. Prix : 6 francs.
Ce livre vient à point et pourra rendre d’importants services à la propagande que mènent nos camarades boulangers en faveur de la suppression du travail de nuit.
Dans la première partie, M. Bouteloup étudie rapidement la situation de l’industrie boulangère, attardée aux anciennes formes de production, rebelle à la fabrique et au machinisme ; cependant, une tendance très nette à l’industrialisation se remarque, spécialement à l’étranger.
La fabrique de pain s’est implantée dans plusieurs grandes villes. À Bilbao (Espagne), un industriel fait le pain pour toute la ville, qui a 100.000 habitants ; à New York, un trust, le Backers’ Pool, contrôle toutes les grandes boulangeries ; à Anvers, des boulangeries ont établi le travail en commun, s’associant pour alimenter un fournil, tout en gardant leur indépendance pour la vente ; etc.
La crise que subit la boulangerie parisienne est due à d’autres causes que l’industrialisation ; d’ailleurs, loin de diminuer, le fractionnement augmenterait plutôt ; et c’est cette multiplication des fonds de boulangerie, aggravée par une spéculation effrénée sur leur vente, qui serait la cause du malaise.
Ajoutons aux forces qui bouleversent cette industrie, le développement des coopératives de consommation, qui sont amenées pour fournir le pain de leurs milliers de familles adhérentes à instituer de véritables petites fabriques.
M. Bouteloup examine ensuite très consciencieusement les conditions de travail des ouvriers boulangers dans les divers pays d’Europe, ainsi que les maladies professionnelles qu’entraînent de telles conditions.
D’après les travaux d’hygiénistes allemands — il est singulier comme les médecins français s’occupent peu des maladies ouvrières ; leur attention serait-elle accaparée par les maladies « riches » ? — et d’après les statistiques de mortalité des mutualités et des syndicats anglais, autrichiens et allemands, M. Bouteloup établit les ravages causés parmi les ouvriers boulangers par la tuberculose et par les maladies de la respiration et de la circulation.
Le travail de nuit et la longue durée du travail, voilà les causes de ces maladies, proclament les médecins.
Il faut donc supprimer le travail de nuit. C’est là une vieille revendication des ouvriers boulangers. Le premier syndicat ouvrier parisien, fondé en 1869, l’inscrivait en tête de ses revendications. La Commune, par décret du 20 avril 1871, supprima le travail de nuit.
Mais le syndicat ne survécut pas à la guerre de 1870 – 71 et aux fusillades de la Commune. La revendication du travail de jour dormit, en France, pendant 30 années.
Dans les nations voisines, au contraire, elle faisait son chemin. M. Bouteloup, dans la deuxième partie de son livre. nous met au courant des résultats de l’enquête à laquelle il s’est livré. En Norvège, le travail de nuit des boulangers est supprimé depuis 1885 ; au Tessin suisse, il le fut à la suite d’une menace de grève générale, en 1906 ; en Italie, une loi de mars 1908, consacra les luttes des ouvriers qui, à force de grèves, avaient obtenu le travail de jour dans un certain nombre de grandes villes.
En France, nous nous trouvons en présence de deux faits : un projet de loi déposé par M. Justin Godart, interdisant le travail de nuit, qui viendra assez prochainement en discussion ; et la campagne d’agitation décidée au Congrès des syndicats d’ouvriers boulangers tenu à Narbonne en avril dernier.
Le livre de M. Bouteloup, plein de faits et favorable à cette importante réforme, sera d’une aide précieuse pour les militants des syndicats de boulangers ; nous ne saurions trop engager nos camarades à le consulter et à lui faire une bonne place dans leurs bibliothèques syndicales.
P. Monatte.