Les objecteurs de conscience sont actuellement répartis en quatre groupes principaux, l’un à Sor (où ils travaillent dans une ferme et où ils préparent avec quelques camarades un projet d’établissement communautaire dans la région de Foix), l’autre au Broc sur un chantier international (construction d’une maison pour vieillards) et le troisième rattaché au centre de développement culturel d’Oust. Ces trois groupes dépendent du SCI. Le quatrième est en train de s’implanter (avec l’accord d’Emmaüs) dans une « cité d’urgence » de la région de Toulouse. Autour de ces groupes, quelques isolés : deux dans les Cévennes, quatre dans la région rouennaise, trois aux Affaires culturelles et quelques-uns dispersés dans les hôpitaux parisiens.
Mais que recherchent donc les objecteurs maintenant ? À donner un contenu au refus de l’armée, à construire un service spécifique des objecteurs. Un service civil, oui, mais authentiquement civil, non pas le contraire d’un service militaire mais quelque chose de différent, et l’on voit bien ce que cela comporte de difficultés dans cette société où chacun est enrégimenté, fiché, où il n’existe plus, selon les lois et dans l’esprit des dirigeants, de « distinction entre militaires et civils » (ordonnances de 1959).
Nous avons ressenti (surtout après toutes ces périodes d’instabilité depuis le départ de Brignoles) combien il est nécessaire pour porter une quelconque contestation d’avoir une base, d’être enraciné dans une région, dans un milieu. C’est pourquoi nous cherchons un regroupement au moins géographique des objecteurs de conscience (qui se fait actuellement dans la région du Sud-Ouest).
La question n’est plus pour nous de prophétiser ni de rêver la révolution, mais de faire un petit pas réel inséré dans le quotidien et que ce pas aille dans le sens que l’on voudrait faire adopter à la société.
« Ne peuvent vraiment lutter directement contre une forme de répression que ceux qui la connaissent et qui la subissent, et en plus, d’abord d’une façon locale, avec tous ceux qui la subissent avec eux. Ceux qui sont en dehors du coup peuvent aider si on le leur demande, ils ne peuvent pas se substituer, et faire le travail à la place des autres. » (Cf. « Noir et Rouge », n° 37.)
C’est exactement dans cette ligne que nous essayons de situer notre action. Si nous sommes dans une cité d’urgence, ce n’est pas pour satisfaire une quelconque mystique de la pauvreté ou de la misère, mais parce que c’est là que le phénomène de l’exploitation et les défauts du système y sont les plus criants, parce que c’est là que la répression dans ses différentes formes et l’injustice sociale y sont le plus durement ressenties.
Notre but maintenant est donc de trouver un style de vie propre, le moins dépendant possible du système actuel (de plus en plus militarisé et totalitaire), qui nous permettrait de redonner un sens au mot civil et d’avoir à long terme une action dans la région où nous sommes regroupés.
Daniel Besançon