L’Égalité de Genève, dans son numéro du 28 janvier dernier a publié une longue adresse aux Sections Italiennes. Dans cette adresse, sous prétexte de répondre au Fascio operaio de Bologne, l’Égalité cherche à dénaturer les intentions du Congrès de Sonvillier, et à calomnier les membres de la Fédération jurassienne.D’après l’Égalité, la Fédération jurassienne veut semer la division dans l’Internationale en faisant appel à la haine de races.
L’Égalité ne dit pas la chose en des termes aussi francs et aussi précis, elle procède par insinuation. — Elle n’ose pas dire que la circulaire du Congrès de Sonvillier est une provocation à la haine entre les races, parce qu’elle sait bien que tous ceux qui ont lu cette circulaire demanderaient à l’Égalité un éclatant démenti ; mais en associant dans le même article le nom de la Fédération jurassienne et l’accusation de provocation aux haines de race, l’Égalité espère faire croire qu’en effet, nous voudrions exciter les races les unes contre les autres.
À cette odieuse insinuation, nous n’opposerons qu’une seule réponse : le texte de la Circulaire du Congrès de Sonvillier, où on ne trouvera pas une ligne, pas un mot qui ne soit inspiré par le véritable esprit international.
Il est bon de reproduire quelques passages de l’article de l’Égalité, afin de faire connaître aux membres de notre fédération qui ne lisent pas ce journal, de quelle manière on y parle d’eux.
Nous citons :
« Quelques citoyens dont la Fédération romande a repoussé les dangereuses menées et qui, pour la plupart sont bourgeois, appellent toutes les fédérations à un congrès international se basant 1° Sur la nécessité de combattre les tendances du Conseil général vers l’autoritarisme. 2° Sur l’urgence de réviser les statuts de l’Association, et, pour entraîner dans leur sens les fédérations méridionales, ils insinuent que la race allemande cherche à dominer dans l’internationale, la race latine.
« En examinant cet appel avec l’impartialité et la dignité d’une section qui tient à cœur d’être à la hauteur de sa mission, nous estimons : 1° Que les convoquants n’ont pas qualité pour faire une pareille convocation. 2° Qu’il n’y a pas péril en la demeure pour devancer l’époque du Congrès international annuel ; et qu’un Congrès irrégulièrement fait et dans lequel la plus grande partie des sections ne seront pas représentées n’aura aucune autorité dans ces décisions ; et qu’en outre il ne pourra présenter que des dangers pour l’Association en provoquant une scission qu’il importe d’éviter. 3° Que les allégations mises en avant pour motiver ce Congrès, (allégations que nous croyons jusqu’à présent dénuées de tout fondement) pourront être efficacement discutées et jugées dans le Congrès international régulièrement convoqué. 4° Que les bruits répandus pour mettre les races en antagonisme, sont nuisibles aux statuts, aux principes et aux aspirations de l’Association et qu’il est du devoir de tout sociétaire de signaler les noms de ceux qui répandent de pareilles calomnies. »
On le voit, les membres de notre Fédération sont accusés d’être pour la plupart des bourgeois. Il faut que l’Égalité, au lieu de s’en tenir à cette phrase générale précise un peu plus ; qu’elle veuille bien nommer ceux des nôtres qui sont des bourgeois. Oui, qu’elle les nomme !
Les membres de la Fédération jurassienne sont des hommes vivant de leur travail, et presque tous d’un travail manuel. On n’en peut pas dire autant de tous les rédacteurs de l’Égalité ; et si cet honnête journal nous y force, nous ne serons pas embarrassés pour lui signaler, tout près de lui, des bourgeois de la pire espèce.
Et quels sont les crimes reprochés à ces bourgeois dont la Fédération romande a repoussé les dangereuses menées ? Les voici : ils osent demander la convocation d’un Congrès général ! Quelle sacrilège audace ! Et ils se basent :
« 1° « Sur la nécessité de combattre les tendances du Conseil général vers l’autoritarisme. » Voilà évidemment un crime de lèse-majesté envers le Conseil général auquel il n’est pas permis d’adresser la plus légère critique sous peine d’encourir l’anathème de l’Égalité
« 2. Sur l’urgence de réviser les statuts de l’Association » Ici nous devons faire observer à l’Égalité que son zèle à nous trouver des crimes lui fait commettre une légère erreur. En effet, ce n’est pas nous qui avons demandé la révision des Statuts, c’est la Fédération belge — aux résolutions de laquelle nous nous sommes d’ailleurs pleinement ralliés. Cette inadvertance de l’Égalité démontre à ceux qui en pourraient douter encore quel est le véritable sens des résolutions belges : ces résolutions ne sont pas le moins du monde en opposition avec celles du Congrès de Sonvillier comme voudrait le faire croire le Volksstaat de Leipzig qui nous attaque avec beaucoup d’injustice ; elles sont au contraire inspirées par le même esprit, et cela d’une façon si claire que l’Égalité, comme on vient de le voir, les confond avec les résolutions de Sonvillier, et les attribue à la Fédération jurassienne.
Pour terminer nous traduisons ci-dessous les observations que suggère à la Campana de Naples cet article de l’Égalité. Jusqu’ici, la Campana avait montré beaucoup de sympathie pour Genève ; cela n’en donne que plus de valeur a son appréciation. Voici ce qu’elle dit :
« Faute d’espace, il nous est impossible de reproduire l’adresse de la section centrale italienne de Genève en réponse au Fascio operaio de Bologne sur la question du congrès voté par la Fédération jurassienne. Pour nous, comme nous l’avons dit dans notre dernier numéro, la question se réduit pour le moment à l’étude de nos affaires, à laquelle nous appelle le Congrès belge, aux décisions duquel nous adhérons pleinement. Nous ne croyons pas que la section de Genève fasse du bien à la cause en aigrissant ou en éludant une question qui existe, et qu’il est très important et très utile de résoudre. Nous avons été péniblement surpris d’entendre nos frères de Genève parler de dangereuses menées de bourgeois et de calomnies à propos d’un congrès régional tenu par des sections qui ont bien mérité de la cause, et soutenu de l’approbation d’un très grand nombre de sections de divers pays. Ces sections croient que le Conseil général a eu tort. Pourquoi crier à la calomnie ? — Est-ce que par hasard nous aurions parmi nous des papes infaillibles ? Les mêmes sections croient urgente la révision de nos statuts ; de quel droit nos amis de Genève voudraient-ils réduire les sections et les congrès régionaux à « un petit nombre d’individus qui disparaissent dans la collectivité », et pourquoi insulter ces individus du nom de doctrinaires et de sectaires, et les accuser de vouloir tromper les ouvriers par ambition personnelle ? Dans notre dernier numéro nous recommandions la tolérance à nos frères de Genève. Le numéro du 28 janvier de l’Égalité nous oblige à les rappeler de nouveau à cette vertu si nécessaire parmi nous. »
Nous avons à relever encore une assertion de l’Égalité. elle dit que la Fédération jurassienne n’a pas qualité pour faire la convocation d’un congrès général.
Réponse :
La Fédération jurassienne n’a jamais songé à faire pareille convocation. La circulaire de Sonvillier parle seulement de provoquer la convocation d’un congrès. Le sens de ces mots est clair : cela veut dire que les fédérations doivent s’adresser au Conseil général pour lui demander qu’il convoque le congrès.
Ainsi l’observation faite par l’Égalité était inutile.