La Presse Anarchiste

Revue mensuelle

La grève de Mon­tataire, comme toutes les grèves paci­fiques, suit son cours nor­mal : les patrons atten­dent tran­quille­ment que la faim fasse ren­tr­er leurs esclaves au bagne. Ceux-ci font appel à la sol­i­dar­ité des copains, qui n’en­voient rien ou presque rien.

L’ex­em­ple de Déca­seville et celui plus récent de la « Sel­l­erie mil­i­taire » ne sont pas encourageants.

Dans l’une et l’autre grève, les patrons ont eu l’air de céder, mais ils ont immé­di­ate­ment jeté sur le pavé ceux de leurs serfs qui avaient mon­tré le plus d’énergie.

Les autres, joyeux de l’aug­men­ta­tion obtenue, ont lais­sé faire !

Cela fera-t-il enfin com­pren­dre aux com­pagnons énergiques qui voient dans la lutte autre chose que l’e­spoir d’un man­dat, que les con­ces­sions patronales ne changent rien à la sit­u­a­tion, que la Révo­lu­tion seule, énergique, sauvage même, peut amélior­er le sort des mis­érables, et que brûler l’u­sine vaut mieux que d’y ren­tr­er, même victorieux.

Les Irlandais lut­tent plus courageuse­ment que nous et chaque évic­tion est une bataille avec la police qui se venge comme elle peut, à Michel­stown et ailleurs.

Chez nous, les enquêtes se suiv­ent et se ressem­blent. Ordon­nance de non-lieu en faveur de Lefeb­vre-Ronci­er, qui a bien reçu 10,000 francs mais qui ne les a pas touchés ; ordon­nance de non-lieu à pro­pos de la divul­ga­tion du fameux plan de la fameuse mobil­i­sa­tion qui restera célèbre par ses fours qui ne peu­vent cuire le pain, — on a dû les emprunter au four­nisseur du Dépôt.

Le gou­verne­ment si libéral des États-Unis ne va pas vite en matière crim­inelle, mais enfin il aboutit ; il a décidé l’exé­cu­tion des anar­chistes de Chicago.

Tous les gou­verne­ments se ressem­blent, tous les bour­geois se valent, d’un côté ou de l’autre de l’At­lan­tique et ils ne man­quent jamais l’oc­ca­sion de faire une canail­lerie, surtout quand cette canail­lerie est une bêtise.

Au lende­main du procès, la jus­tice pou­vait suiv­re son cours sans soulever trop de répro­ba­tion, mais au bout de si longtemps cela devient absol­u­ment igno­ble, et les sept potences de Chica­go appren­dront aux pro­lé­taires à hair et à mépris­er leurs maîtres en atten­dant le moment de les pen­dre à leur tour.

Encore un inci­dent de fron­tières ! Ces bougres-là finiront par se flan­quer une guerre sur les bras. Je vous demande un peu pourquoi les jour­nal­istes font tant de potin pour deux chas­seurs dont l’un a été tué et l’autre blessé par un sol­dat faisant fonc­tions de garde cham­pêtre ; est-ce que tous les jours les agents de Gragnon n’as­som­ment pas quelqu’un sans que ces bon­shommes s’en émeuvent ?

Il est vrai que ceux-là n’ont pas les moyens d’aller à la chasse !

La fron­tière ! — oui, je sais bien — l’in­tégrité du ter­ri­toire ! l’hon­neur de la Patrie ! C’est moi qui m’en fouts, par exemple !

Ce qui me taquine, au con­traire, ce sont les 10,000 fr. que le con­seil munic­i­pal a votés pour les tis­seurs de Cho­let. Non pas que j’aie la moin­dre ani­mosité pour ces tra­vailleurs — bien au con­traire — mais cela me gêne de leur en don­ner ma part : 1° Parce que cela ne peut leur servir à rien puisqu’ils sont — chiffre offi­ciel —10,690, et que cela leur fait env­i­ron 0,86 c. par tête, pas lourd pour lut­ter ; 2° Parce que la grève est ter­minée, puisque presque tous les patrons ont cédé, dit-on ; 3° Parce que cela peut leur faire croire qu’on peut arriv­er à quelque chose paci­fique­ment, heureuse­ment qu’ils en revien­dront ; 4°. Enfin parce que je n’éprou­ve aucun désir de voir Vic­tor Dalle député ; nous avons déjà Basly, Caméli­nat et Boy­er, franche­ment, c’est assez!!

Il est vrai que par la même occa­sion cet excel­lent Con­seil a bien voulu vot­er pareille somme de 10,000 francs à répar­tir entre les ouvri­ers sans ouvrage habi­tant Paris depuis cinq ans au moins. Cela fera-t-il seule­ment de quoi leur pay­er l’absinthe ?

D’autres par­leront cer­taine­ment des meet­ings de la salle Fav­ié ; j’y relèverai seule­ment que ces meet­ings ont duré qua­tre heures, sans le moin­dre désor­dre et sans le moin­dre délégué à l’ordre.

Les pos­si­bilistes devraient bien pren­dre le même sys­tème à la Bourse du tra­vail, et les réu­nions y seraient beau­coup moins agitées.

Nemo.


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