L’humanisme embrasse la cause de l’humanité et place l’humain au premier plan de ses préoccupations. Celui de la Renaissance, en substituant à la domination de la religion, du fanatisme, de l’Église, des préjugés et de la nuit intellectuelle la revendication de l’homme, de la vie libre, de la connaissance, grâce aux contacts établis avec la pensée, l’art et la culture de l’Orient méditerranéen, fut, en quelque sorte, la conséquence d’un bouleversement dont les auteurs ne prévoyaient pas lucidement l’ample aboutissement. Il n’en est pas de même pour l’humanisme de nos jours.
Quels que soient les éléments accessoires, ou complémentaires, qu’ils y ajoutent, tous ceux qui maintenant s’en réclament sincèrement y voient un but à atteindre : cette revendication de l’humanité, de l’homme et de l’humain, qu’ils placent au premier plan, au-dessus des nations, des nationalités et des frontières, des États politiques, des gouvernements, des religions et des partis. On comprend que tout ce qui divise les hommes, les oppose les uns aux autres est périmé, et qu’un seul combat se justifie : celui qui tend à éliminer les causes de divisions ethniques, politiques, économiques et religieuses.
Cet état d’esprit s’est développé ou intensifié en nous, devant l’évolution du monde, devant les faits sociaux, humains et inhumains qui se déroulent sur la planète. Il nous guide et nous guidera. Que ceux qui sont d’accord avec nous le soient au nom du christianisme, ou de justifications théoriques qui ne sont pas les nôtres ; qu’ils croient utile de lutter à nos côtés, tout en continuant de déployer certaines activités dans des milieux non foncièrement libertaires nous semble secondaire si, tout à la fois — et le cas est fréquent — ils reconnaissent la nécessité de cet humanisme supérieur et de son influence, l’utilité de son action immédiate et de son triomphe dans l’avenir. L’essentiel est qu’en travaillant avec nous, ils le fassent au bénéfice de cette vision des choses et de cette cause que nous défendons intégralement.
La récente encyclique de Jean XXIII est, après la pensée de Teilhard de Chardin, un exemple du progrès de l’esprit humaniste. Les étiquettes, les doctrines-forteresses n’ont plus cours. Dans tous les pays, dans de nombreux partis et hors d’eux, dans de nombreuses formations idéologiques et hors d’elles, au sein de l’Église catholique, et sans aucun doute de l’Église protestante, il est des hommes aux sentiments convergents, dont les intentions communient dans une large aspiration de solidarité et de fraternité, et qui interprètent ou commencent à interpréter dans cet esprit idées, doctrines, philosophies et croyances.
Devant cette évolution, les définitions classiques ne suffisent plus. Nous prenons part à ces nouveaux efforts avec notre pensée, notre esprit, nos convictions libertaires, convaincus, répétons-le, que l’humanisme intégral implique l’organisation de la collectivité, des collectivités par et pour les hommes uniquement, donc sans gouvernements et sans États. Et nous nous refusons à nous enrégimenter sous le drapeau d’un « isme » qui a pu, hier, susciter de très grands espoirs, mais qui, s’étant rapetissé à la mesure de trop petits interprètes, ne peut, maintenant, ouvrir d’horizons assez larges pour justifier l’optimisme. Nous nous référons là, on le comprendra, à l’anarchisme doctrinaire tel qu’il se présente aujourd’hui. Et nous y reviendrons dans un prochain article.