La Presse Anarchiste

Informations objecteurs

Depuis la paru­tion du n° 3 d’A. & N.-V., la sit­u­a­tion des objecteurs de con­science, si elle n’est pas par­ti­c­ulière­ment floris­sante, s’est néan­moins clarifiée.

Si le statut n’a subi aucune trans­for­ma­tion, des amé­nage­ments de fait ont eu lieu, et c’est là qu’est le gros prob­lème car le statut con­ser­vant toute son ambiguïté, le sort des objecteurs reste, de dernier recours, entre les mains des militaires.

Ils peu­vent actuelle­ment faire par­tie d’organismes privés, d’intérêt général. Les objecteurs sont donc dis­per­sés ; au gré de leur fan­taisie, il est vrai car, pour l’instant, ils peu­vent choisir eux-mêmes par­mi les organ­i­sa­tions agréées par l’État.

Les organ­ismes visant à utilis­er les objecteurs au ser­vice des dému­nis présen­tent le dan­ger, si le ser­vice civ­il prend de l’extension, d’employer une main‑d’œuvre bon marché, mise en com­péti­tion avec les ouvri­ers salariés. Le risque peut facile­ment être écarté tant que les objecteurs sont un petit nom­bre et ne tra­vail­lent que pour des organ­ismes bénév­oles. Mais il faut régler ce prob­lème pour l’avenir, l’objection de con­science, si elle se dirigeait vers cette voie, se déna­tur­erait et deviendrait une arme de l’État, au ser­vice du capitalisme.

Une par­tie des objecteurs tra­vaille actuelle­ment à Noisy-le-Grand pour Aide à toute détresse dans un bidonville sous la direc­tion d’un religieux, le père Joseph. Nous ne dis­posons pas d’assez d’éléments d’information sur cette société. Elle fonc­tionne par des dons (par exem­ple, le patron des Grands-Moulins de Pan­tin) et a pour prési­dent d’honneur la nièce du général de Gaulle. Les con­tacts qu’on eus les objecteurs avec le père Joseph ain­si que les pre­miers rap­ports lais­sent sup­pos­er un ter­rain d’entente favorable.

D’autres vont aller, ou sont déjà, au SCI (Ser­vice civ­il inter­na­tion­al), mais la dis­ci­pline intérieure de ce mou­ve­ment ne sat­is­fait pas tous les objecteurs. Il est regret­table que ce mou­ve­ment, créé spé­ci­fique­ment pour les objecteurs, ne puisse con­venir à tous, car leur dis­per­sion fait inévitable­ment le jeu du gouvernement.

Quelques objecteurs tra­vail­lent à Cotravaux à qui le gou­verne­ment a remis un pro­jet de con­ven­tion. D’après cette con­ven­tion, les objecteurs restent soumis au règle­ment mil­i­taire. Les dépens­es d’entretien sont sup­port­ées par le min­istère des Armées. Les deman­des de per­mis­sion doivent pass­er par le com­man­dant des sec­ouristes-pom­piers con­ser­vant son quarti­er général à Brig­noles. Cotravaux doit prévenir ce com­man­dant de tout man­que­ment à la dis­ci­pline intérieure de l’entreprise. Et, enfin, l’article 8 stip­ule que Cotravaux doit tenir les objecteurs à la dis­po­si­tion de l’armée qui pour­ra les rap­pel­er dans les vingt-qua­tre heures selon son bon plaisir.

Cette con­ven­tion, que chaque organ­isme employ­ant les objecteurs devra sign­er pour user de leurs ser­vices, est inac­cept­able dans sa forme, mais les objecteurs sem­blent presque tous prêts à l’accepter tant qu’elle n’est pas appliquée dans toute sa rigueur. Ils ne con­tes­teront le Droit que lorsqu’il sera appliqué. Alors la seule solu­tion sera de remet­tre en cause le statut. Dans l’immédiat, ils préfèrent accepter un tra­vail qui leur sem­ble val­able et con­struc­tif, se réser­vant la pos­si­bil­ité de dis­cuter ou d’engager une action col­lec­tive si cer­tains points du règle­ment leur sont imposés de fait.

Il est cer­tain que dans l’immédiat le gou­verne­ment a tout intérêt à faire de telle façon que les objecteurs restent bien tran­quilles. Uzès a prou­vé, s’il le fal­lait, leur volon­té et leur courage. Si les objecteurs recom­mençaient une nou­velle action, ils iraient cer­taine­ment beau­coup plus loin et plac­eraient l’administration dans une fâcheuse posi­tion. Deux choix s’offriraient alors : la prison ou la révi­sion du statut.

En con­ser­vant au statut actuel toute sa rigueur, tout en ne l’appliquant pas de fait, l’État se réserve le droit d’intervenir légale­ment lorsque les objecteurs auront une posi­tion moins forte, C’est pourquoi il leur faut garder des con­tacts très ser­rés et men­er leurs actions avec beau­coup de coordination.

(À suiv­re)

Pour tous ren­seigne­ments con­cer­nant les objecteurs de con­science : SOC, 3, impasse Char­tière, Paris 5e.