La Presse Anarchiste

Informations objecteurs

Dans le dernier numéro d’« Anar­chisme et Non-Vio­lence », nous avons pub­lié la let­tre envoyée au min­istre de l’In­térieur par 33 objecteurs du camp de Brig­noles. Ils expli­quaient dans cette let­tre les raisons qui les avaient amenés à cess­er le travail.

Nous allons dans ce numéro vous expos­er briève­ment les événe­ments qui se sont suc­cédé depuis.

Peu de temps après cette let­tre, les sig­nataires étaient inter­rogés indi­vidu­elle­ment de façon à sélec­tion­ner les meneurs. Suite à cela le 16 octo­bre, au petit jour, des C.R.S. embar­quent 20 objecteurs et les con­duisent à Uzès où ils sont internés pour une soix­an­taine de jours. Une note de ser­vice du min­istre de l’In­térieur informe les objecteurs restant à Brig­noles qu’au­cun espoir de révi­sion du statut ne sem­ble per­mis. Il y est dit, entre autres, que les appelés ver­sés « par bien­veil­lance » dans une for­ma­tion civile assur­ant un tra­vail d’in­térêt général sont soumis aux règles de dis­ci­pline générale des Forces armées et restent jus­ti­cia­bles des tri­bunaux mil­i­taires. Ces règles, en voici quelques-unes brièvement :

  • Oblig­a­tion d’obéir en tous lieux, sans hési­ta­tion ni mur­mure (sic) aux ordres des supérieurs hiérarchiques ;
  • Oblig­a­tion d’avoir une tenue correcte ;
  • Inter­dic­tion de par­ticiper à des man­i­fes­ta­tions d’or­dre poli­tique (les march­es de la paix sem­blent en faire partie !) ;
  • Inter­dic­tion de quit­ter le camp sans autori­sa­tion régulière, etc.

À la suite de cette lec­ture, 11 des objecteurs restant à Brig­noles se déclar­ent sol­idaires des internés d’Uzès. Le 2 novem­bre, l’ad­min­is­tra­tion leur accorde une per­mis­sion de 5 jours, puis les envoie faire un stage à Nainville-les-Roches dans un cen­tre de la Pro­tec­tion civile où ils sont très bien traités. Pen­dant ce stage, ils reçoivent des cours de défense pas­sive qu’ils ne sem­blent pas avoir refusé de suivre.

Pen­dant ce temps, à Brig­noles, une ving­taine de nou­veaux objecteurs arrivent qui se déclar­ent sol­idaires de leurs cama­rades enfer­més, à Uzès, mais ils acceptent pro­vi­soire­ment de travailler.

Le 8 novem­bre, les objecteurs empris­on­nés déci­dent un jeûne de 15 jours pour réaf­firmer leurs posi­tions et réclamer une solu­tion qui ne soit pas une demi-mesure.

Par sol­i­dar­ité, les nou­veaux venus de Brig­noles jeû­nent, quelques jours. Les 20 et 21 novem­bre, une quar­an­taine de réservistes : anciens objecteurs, cama­rades d’« Anar­chisme et Non-Vio­lence », représen­tants de groupes de pré­pa­ra­tion à l’ac­tion non vio­lente se ren­dent à Uzès où ils sou­ti­en­nent, par un jeûne col­lec­tif, l’ac­tion des internés. De leur côté, Louis Lecoin, le pas­teur Ros­er, André Philip et quelques autres con­tactent des représen­tants du gou­verne­ment pour ten­ter d’amélior­er le statut.

Le 13 décem­bre, les internés d’Uzès revi­en­nent à Brig­noles, où ils se voient accorder une per­mis­sion d’une durée illimitée.

Les avis dif­fèrent quant au sort qui va leur être réservé. D’après les divers­es infor­ma­tions que nous avons recueil­lies, le gou­verne­ment aurait désigné une com­mis­sion chargée d’é­tudi­er un nou­veau statut : le groupe­ment de sec­ouristes-pom­piers serait dis­sous ; les objecteurs ne seraient plus rat­tachés à un organ­isme para­mil­i­taire, mais soit au min­istère de l’A­gri­cul­ture (ce qui est le vœu de presque tous les objecteurs), soit dis­per­sés dans divers­es branch­es, selon leurs capac­ités, mais surtout selon le bon vouloir de l’ad­min­is­tra­tion. Cette dernière solu­tion, visant à sépar­er les objecteurs, enlèverait toute portée à leur ten­ta­tive qui ne se lim­it­erait plus qu’à une prise de con­science individuelle.

De toute façon, il est fort prob­a­ble que le statut soit révisé. La dig­nité et la déter­mi­na­tion qu’ont man­i­festées les objecteurs tous ces derniers temps, en dépit des pro­fonds désac­cords exis­tant entre eux, ont con­traint le gou­verne­ment à pren­dre une déci­sion. La péri­ode élec­torale, qui a paralysé le gou­verne­ment, a retardé l’é­tude d’un nou­veau statut.

Plusieurs ques­tions aujour­d’hui se posent aux­quelles nous pour­rons, nous l’e­spérons, répon­dre dans le prochain numéro de cette revue :

  • Quel va être le nou­veau statut ?
  • La per­mis­sion illim­itée accordée aux objecteurs sera-t-elle com­prise dans leur temps de service ?
  • S’ils refusent le nou­veau statut, ou s’ils sont amenés par la force des choses à ne pas se pli­er à cer­taines régle­men­ta­tions, seront-ils jus­ti­cia­bles d’un tri­bunal civ­il ou d’un tri­bunal militaire ?
  • Le droit de par­ler de l’ob­jec­tion de con­science ne sera-t-il tou­jours que toléré ?
  • Et, enfin, la durée du ser­vice civ­il sera-t-elle tou­jours du dou­ble de celle du ser­vice militaire ?

Selon les déci­sions que pren­dra le gou­verne­ment et en fonc­tion des réac­tions des objecteurs, nous sommes prêts à soutenir ces derniers par divers­es actions que nous avions envis­agées, dans un con­texte dif­férent, lors de notre dernière ren­con­tre de travail.