[[Congrès de l’Union des Maîtres-Imprimeurs, tenu à Marseille, du 3 au 9 juillet 1909.]]
Dès l’ouverture
du Congrès, un fait retient l’attention. Le préfet des
Bouches-du-Rhône, c’est-à-dire le représentant du
pouvoir gouvernemental, le symbole de la puissance conservatrice,
ouvre le Congrès de l’Union des Maîtres Imprimeurs de
France. N’est-ce pas là l’accord avoué, affiché,
de la puissance politique et de la puissance économique ?
. le Préfet
encense les Maîtres Imprimeurs et affirme que c’est par leurs
soins que se propage la pensée humaine, qu’elle se multiplie
et rayonne sur le monde, et que c’est grâce à eux
qu’elle se fixe et se perpétue…
Après avoir
oublié aussi bénévolement les travailleurs
anonymes dont l’effort ne compte pas pour lui, M. le Préfet
donne la parole à M. Delmas, président sortant de
l’Union.
Celui-ci, après
un préambule aimable et encourageant pour ses collègues,
entre dans l’actualité brûlante :
L’assurance contre les
grèves attirera votre attention, et j’ose espérer que
le meilleur résultat de votre adhésion en nombre à
ce projet sera le rapprochement rendu obligatoire des patrons et des
ouvriers, pour lesquels les intérêts doivent rester
communs.
On ne peut qu’admirer
cette formule manifestement confuse. La menace et l’espérance
y figurent en un bizarre assemblage.
M. Delmas, qu’on peut
classer dans la catégorie des patrons « raisonnables »,
avoue ingénument que le rapprochement, tant souhaité
par lui, ne se réalisera que lorsque les Maîtres
Imprimeurs, en grand nombre, auront adhéré à une
formidable organisation oppressive dont le but avoué est
l’empêchement de toute grève. Le droit de grève
n’étant plus exercé, que restera-t-il aux ouvriers pour
faire aboutir leurs légitimes revendications et ne pas subir
la loi du maître ?
M. Delmas qui veux, lui
aussi, décréter l’amour obligatoire, va nous dire
comment les choses s’arrangeront :
Les dernières
manifestations ont fait constater aux ouvriers appartenant aux
groupements modérés l’inanité des théories
révolutionnaires. La recherche de l’unification des salaires
et des heures de travail, et de l’amélioration des tarifs,
doivent se faire par des réformes étudiées en
commun afin de ne pas jeter le désarroi dans une profession,
arrêter les affaires, etc.
M. Delmas, comme la
plupart des patrons, ne voit le monde ouvrier qu’à travers les
commentaires de la grande presse qui, elle-même, n’en aperçoit
que la façade.
Les différences
de doctrine, de conception, de méthode, qui semblent séparer
en deux grandes fractions la classe ouvrière, ne sont guère
que des apparences. Seuls, les militants, les enthousiastes,
ressentent fortement ces divisions. Mais les travailleurs qui peinent
dans les ateliers n’attachent qu’une importance très relative
aux discussions trop théoriques ou byzantines. Préoccupés
par la difficulté de joindre les deux bouts, souvent le
moindre grain de mil fait bien mieux leur affaire.
Le rêve de M.
Delmas : établir un tarif commun, se réaliserait
si ouvriers et patrons marchaient du même pas, avec la même
hâte d’aboutir. Mais M. Delmas sait, beaucoup mieux que nous,
qu’une table bien garnie dans une maison confortable n’incite pas les
gens à la précipitation.
Les ouvriers appartenant
aujourd’hui aux groupements modérés sont assez
semblables à ceux qui font partie des groupements
révolutionnaires. On les classe, arbitrairement, selon la
conception personnelle de leurs permanents qui, le plus souvent sont
désignés par le hasard. Et les patrons peuvent être
convaincus que l’ensemble des travailleurs, avec une énergie
presque identique, désirent, demandent, réclament et
imposeront l’amélioration de leur situation.
Les réformes
étudiées en commun par des hommes dont les besoins
immédiats sont inégalement satisfaits, apporteront une
paix bien précaire, à moins que, tout à coup, la
bourgeoisie ne s’élève jusqu’à la conception
idéale de l’évolution économique.
M. Delmas croit avoir
trouvé le moyen de tout concilier. Affirmant que les exigences
des linotypistes parisiens n’ont eu d’autre résultat que
d’organiser la résistance patronale, il constate qu’à
Marseille l’entente des patrons a permis de résister à
ces exagérations, et il affirme, sans hésiter,
« qu’aidés par les vrais travailleurs, ceux qui
demandent l’évolution et non la révolution, les
réformistes et non les révolutionnaires, les
difficultés actuelles n’auraient pas été
soulevées aussi brutalement… »
M. Delmas ignore, sans
doute, que les linotypistes parisiens ont réputation de
révolutionnaires et ceux de Marseille celle de réformistes.
Nous craignons bien que,
pour M. Delmas, les « vrais travailleurs » ne
soient ceux qui se soumettent, sans murmurer, à toutes les
exigences patronales.
Ceux-là sont
groupés dans des associations qui ont accepté
l’épithète qu’on leur avait donnée par ironie :
les Jaunes. Ce n’est qu’à eux, et non à une quelconque
fraction syndicaliste que peuvent avoir pensé les Maîtres
Imprimeurs réunis à Marseille.
La caisse noire contre les grèves
Dans le rapport de M.
Leydier, présenté au nom de l’Office central, on va
retrouver la préoccupation dominante du discours de M. Delmas.
La tâche d’un
groupement syndical, dit M. Leydier, ne saurait se borner à se
défendre contre les empiétements de l’État, mais
aussi à « assurer contre les grèves le
développement normal de nos ateliers ». Après
avoir constaté que la grève est devenue « un
des traits de notre état économique » et
affirmé qu’elle « est moins un moyen d’améliorer
les conditions du travail qu’une arme entre les mains des
révolutionnaires », M. Leydier dit que l’un des
moyens étudiés par l’Union des Maîtres Imprimeurs
« consiste dans l’organisation d’une caisse d’assurance
patronale contre les risques de grève ».
Cette idée ne
semble pas facilement réalisable. Depuis plusieurs années,
la question est posée aux patrons. Et ceux-ci en sont encore à
se demander quelle forme doit revêtir cette organisation :
Doit-elle être
limitée aux membres de notre corporation ? Devons-nous,
au contraire, nous rattacher à d’autres groupements ?
Comment rendre à la fois son fonctionnement très
efficace et peu onéreux pour les intéressés,
etc. ?
Le danger n’est pas
encore imminent, mais on aurait tort de n’y point veiller. Cette
préoccupation évidente de résister aux demandes
ouvrières peut aboutir à une réalisation à
la faveur d’un évènement inattendu. Les points
d’interrogation de M. Leydier prouvent seulement qu’en France les
patrons semblent goûter encore moins que leurs ouvriers le
charme de l’association et la force qu’elle procure.
M. Leydier rapporte que
d’autres moyens ont été étudiés pour
assurer la pacification des ateliers, notamment un projet tendant à
assurer les ouvriers contre les risques de chômage, et la
création d’un bureau de placement patronal. Les typographes se
souviennent que ces projets ont eu un commencement d’exécution,
mais les patrons ont constaté, non sans stupeur, le dédain
des ouvriers pour l’aumône qu’on leur voulait faire sous forme
d’indemnité de chômage, afin qu’ils devinssent les
humbles serviteurs de leurs employeurs. Le bureau de placement
patronal a partagé ce succès éphémère.
Ces deux grandes pensées
de l’Office Central n’amèneront pas, seules, la paix tant
désirée par les Maîtres Imprimeurs.
Chez les ouvriers, il
s’est fait un lent, mais sûr travail, qui les a conduits à
une plus forte conscience de leur fierté et de leur dignité.
À Paris, où
ces deux tentatives furent amorcées, les indemnités de
chômage n’alléchèrent que les loustics ou des
« binaiseurs » et le bureau de placement
patronal n’a, jusqu’à ce jour, conservé que quelques
malheureux, dont la déchéance est irrémédiable.
Ces leçons, d’un
passé récent, ne suffisent sans doute pas à MM.
les Maîtres Imprimeurs, si l’on en juge par la suite de la
discussion.
Quand, au Congrès
des Maîtres Imprimeurs, on lut le rapport de M. Vignal sur
l’organisation d’une Caisse d’assurance nationale contre les risques
de grève, dont la conclusion constatait que « la
constitution d’un groupement d’imprimeurs suffisant paraît, à
l’heure actuelle, impossible à réaliser »,
M. Lahure, patron « déraisonnable »,
présenta les observations suivantes :
Nous ne vous proposons
pas de vœu. C’est une simple communication. Vous savez combien
l’organisation ouvrière est puissante. Vous n’ignorez pas que
la Fédération du Livre subventionne toutes les grèves.
Contre une telle prétention, il faut nous grouper et nous
défendre. Nous avons songé à une caisse
d’assurance patronale.
Croyez-vous que lorsque
les syndicats sauront que nous sommes assurés et que, grâce
à l’assurance, nous pourrons résister des jours et des
mois, croyez-vous qu’ils ne réfléchiront pas, et qu’au
lieu de venir vous trouver avec mandat impératif, ils ne
trouveront pas plus sage de nous transmettre leurs demandes, sans
menaces, afin que nous puissions les examiner et les solutionner sans
blessures, ni d’un côté, ni de l’autre.
Après avoir
affirmé qu’en 1878, en 1906 et cette année, à
Marseille et à Paris, c’est l’intransigeance des syndicats et
le mandat impératif qui ont été les causes de
ces grèves, M. Lahure arrive au passage du rapport concernant
l’assurance, par l’industriel, contre le chômage par manque de
travail, et dit qu’ainsi « disparaitrait le plus
dangereux motif de grève », les ouvriers étant
toujours assurés du lendemain. Et il ajoute, laissant percer
la préoccupation principale de tous ses collègues :
« Il faut donner aux ouvriers non syndiqués un
encouragement nécessaire, car il leur arrive quelquefois de se
voir occupés pendant la grève et congédiés
ensuite. »
M. Lahure a présenté,
dans ses observations, le point de vue des patrons combatifs, décidés
à ne pas céder devant les demandes ouvrières. Le
résultat qu’il espère de sa résistance, et de
celle de ses collègues animés du même esprit,
sera peut-être tout autre que celui qu’il désire.
Ces menaces auront pour
résultat de rendre plus étroitement solidaires les
hommes des diverses tendances du monde ouvrier. Devant une
déclaration de guerre aussi catégorique, les modérés,
les réformistes, sur qui les patrons « raisonnables »
osaient fonder quelque espoir, montreront eux-mêmes les dents.
Nous n’en voulons pour preuve que les déclarations faites dans
l’organe de la Fédération du Livre, la Typographie
française, du 15 septembre 1909, où notre confrère
Burgard, réformiste notoire, écrit : « Le
but des patrons, c’est d’entretenir, sous forme d’indemnité au
chômage, une équipe de sarrasins toujours prête à
intervenir dans les grèves. À ces mœurs nouvelles,
nous répondrons en empruntant au besoin la fameuse « machine
à bosseler » de nos camarades terrassiers. »
On ne saurait mieux
dire. Nous qui ne partageons pas souvent la manière de voir de
nos confrères du Comité central de la Fédération
du Livre, nous voyons, sans déplaisir, M. Lahure nous aider à
convaincre nos camarades que nous n’obtiendrons jamais que des
promesses, si nous n’avons pas le courage de courir le risque des
batailles.
Pour montrer aux fédérés
du Livre et à tous ceux qu’intéresse la lutte ouvrière
que l’état d’esprit manifesté par M. Lahure ne lui est
pas particulier, nous devons noter un incident soulevé par M.
Lefebvre, maître imprimeur parisien.
Le tarif minimum
Au cours du Congrès,
la question de l’apprentissage et de l’organisation rationnelle d’une
profession avait fait l’objet d’un rapport de M. Delmas. Mais avant
de se prononcer sur l’adoption de ce rapport, M. Lefebvre avait
déclaré :
Dans le tableau annexé
au consciencieux travail de M. Delmas, j’ai constaté pour les
ouvriers de 24 à 28 ans cette mention : « tarifs
ouvriers fixant le salaire et la durée de la journée de
travail, adoptés par les syndicats patronaux et ouvriers » ;
l’adoption du vœu présenté par la Commission
impliquera-t-elle l’adhésion de l’Union à une mesure
que je préconise depuis plusieurs années, c’est-à-dire
l’entente entre patrons et ouvriers pour l’adoption d’un tarif
minimum ?
Sur la réponse
que la question n’était pas à l’ordre du jour, M.
Lefebvre attendit la fin des discussions pour reparler de l’entente
entre ouvriers et patrons pour l’adoption d’un tarif minimum :
M. LEFEBVRE. ―
J’avais pris la parole [au cours du Congrès] pour demander aux
membres de cette réunion si en votant la diffusion dans les
ateliers du travail de M. Delmas, ils admettaient toutes les idées
qui y étaient formulées, notamment l’établissement
de tarifs de main-d’oeuvre faits d’un commun accord entre patrons et
ouvriers…
Après avoir
constaté combien était précaire la situation de
l’imprimerie et que les causes du mal étaient, selon les uns,
dans la concurrence ou dans la multiplicité des grèves,
et, selon les autres, dans l’ignorance des chefs d’industrie,
incapables de compter leurs frais généraux et leurs
prix de revient, M. Lefebvre affirme que, pour lui, le mal provient
uniquement de l’antinomie du capital et du travail et que le remède
réside tout simplement dans l’adoption d’un tarif minimum
commun à tous les imprimeurs français.
M. Lefebvre, pour être
fixé sur les intentions de ses collègues, formule un
voeu demandant au Congrès des Maîtres Imprimeurs de
donner mandat au Comité central de l’Union d’étudier un
projet de tarif minimum qui sera soumis l’an prochain, pour être
approuvé ou rejeté par l’Assemblée générale
de 1910.
Le président
demande le renvoi au Comité central. M. Lefebvre déclare
que ce serait un enterrement de première classe. M. Lahure
préconise le renvoi à la Commission permanente du
Comité Central de l’Union qui décidera s’il est utile
ou non de s’entendre avec les syndicats ouvriers. M. Lefebvre
constate que ce sera alors l’enterrement dont il parlait, mais où
il ne sera envoyé ni fleurs ni couronnes.
M. Lahure, reprenant la
parole, fait l’intéressante déclaration que huit à
neuf cents imprimeurs appartiennent à l’Union, alors qu’en
France, il y a deux mille quatre cents industriels imprimeurs, et,
dit-il, même en acceptant le point de vue de M. Lefebvre,
faudrait-il que nous fussions suivis par la majorité.
M. Lefebvre répond
que l’observation est sans valeur, le tarif minimum allemand, en
1876, n’avait que 400 adhérents sur 4.000 imprimeurs ;
aujourd’hui, il y a 4.000 adhérents et 300 réfractaires.
Et il ajoute : « Si la majorité de nos
confrères ne nous suit pas le premier jour, tôt ou tard,
elle sera dans la nécessité de venir à nous. »
M. LAHURE. ―
Il faut être clair et net. La proposition de M. Lefebvre est
tout simplement que nous fassions notre soumission aux syndicats
ouvriers. Ce n’était pas la peine de résister dans
presque toute la France en 1906, à Marseille et à Paris
cette année, pour céder aujourd’hui aux exigences des
syndicats qui veulent nous imposer la journée de neuf heures,
en attendant qu’ils exigent, comme ils nous le déclaraient, la
journée de huit heures. Nous sommes pour la liberté,
mais pas pour la tyrannie.
M. LEFEBVRE. ―
S’il y avait une entente solide établie de bonne foi entre les
patrons et les ouvriers, entente où résideraient la
justice, le droit et aussi la bonté, il ne pourrait plus y
avoir de grèves.
Après quelques
observations, le renvoi au Comité Central de l’Union est voté
à l’unanimité.
Nous avons donné
à ce dernier incident un assez long développement parce
qu’il paraît contenir toute la philosophie du Congrès
des Maîtres Imprimeurs.
M. Lefebvre qui, dans
ses ateliers, affirme nettement sa qualité de patron par des
décisions autoritaires et sans « bonté »,
n’a pas fait, par pure philanthropie, sa proposition au Congrès
des Maîtres Imprimeurs. La grève de 1906 fut pour lui
assez douloureuse et sa résistance opiniâtre étonna
même les fédérés du Livre qui savaient,
que M. Lefebvre, après une étude approfondie des usages
typographiques d’Allemagne, était partisan de la journée
de neuf heures.
C’est donc uniquement la
pénible constatation des troubles profonds qu’apporte une
grève dans l’exploitation industrielle qui incite M. Lefebvre
à apporter une ardeur consciente pour l’élaboration,
entre patrons et ouvriers, d’un tarif commun.
Mais M. Lefebvre, qui
peut être classé, sans injustice, dans la moyenne
industrie, rencontre des adversaires redoutables parmi ses collègues
placés à la tête de plus grandes exploitations.
La question ne se pose
pas de même façon pour les uns et les autres.
Les grandes entreprises,
comme celle de M. Lahure, disposent, pour la résistance, de
forces presque incalculables. Elles peuvent supporter, sans risquer
la ruine irréparable, des dommages considérables. Et
les hommes qui dirigent ces grandes exploitations jouissent, grâce
à la notoriété de leurs maisons, d’une grande
influence morale sur leurs collègues moins fortunés.
De là, sans aucun
doute, l’échec d’une proposition comme celle de M. Lefebvre.
Celui-ci affirme tout haut ce que beaucoup d’imprimeurs désirent
silencieusement, mais ces derniers craignent de paraître subir
la domination ouvrière, et ont d’elle, d’ailleurs, une crainte
obscure.
D’autre part, les
ouvriers ne voient pas avec enthousiasme l’élaboration d’un
tarif qui resterait lettre morte pour les directeurs des grandes
exploitations. Contre ces derniers, après comme avant le tarif
commun, une seule arme sera à la disposition des ouvriers :
la grève. Alors, beaucoup d’entre eux pensent qu’il est
inutile de se lier les mains.
Les événements
de ces dernières années ont montré la valeur
illusoire des contrats de travail. Trop de patrons n’en ont exécuté
les clauses que contraints et forcés ; d’autres, pour s’y
soustraire, ont profité, sans scrupules, de la faiblesse
passagère de l’action ouvrière.
Quelle valeur représente
un contrat dont il faut garantir l’exécution par une force
toujours en éveil ?
Une proposition comme
celle de M. Lefebvre n’est inspirée que par des mobiles
d’intérêt. Son adoption par les patrons supposerait chez
eux une volonté de « bonté » et
un désir de justice.
Est-il des industriels
qui aient, de leur initiative, sans y être contraints,
manifesté de la sollicitude pour leurs ouvriers et augmenté
leur puissance de consommation ou amélioré leurs
conditions d’hygiène à l’atelier ?
Qu’ont fait les patrons
pour faire comprendre à leurs ouvriers qu’ils ne considéraient
pas leur syndicat comme un ennemi redoutable ?
Rien. Au contraire,
depuis la grève de 1906, les patrons ont exagéré
la manière forte. Croient-ils, ainsi, intéresser les
ouvriers à la prospérité d’une industrie qui ne
leur apporte que vexations, chômage et misère ?
Les paroles de « bonté »
et d’espérance prononcées au Congrès des Maîtres
Imprimeurs par M. Lefebvre, seul de son avis, n’effaceront pas les
déclarations belliqueuses de M. Lahure, approuvé par la
majorité de ses collègues.
§§§
§§§
3
Aujourd’hui, la classe
ouvrière ne veut plus se satisfaire de paroles vaines.
Doit-elle attendre les preuves matérielles de cette bonne
volonté patronale qui se manifeste verbalement ?
Que fera la Fédération
des Travailleurs du Livre devant les tendances qui se sont
manifestées au Congrès des Maîtres Imprimeurs ?
Quel moyen compte-t-elle employer pour parer à l’éventualité
d’une caisse de grève patronale ? Comment
procédera-t-elle pour tenter d’établir un tarif
national qui ne laisserait plus les fédérés se
concurrencer ?
Ce sera la tâche
qui incombera au Congrès que la Fédération doit
tenir à Bordeaux en juillet 1910.
Tout ce que nous nous
permettrons de signaler, pour le moment, c’est l’urgence de
l’élaboration d’un tarif national, car le Bulletin officiel
de l’Union des Maîtres Imprimeurs souhaite que l’étude
des questions soulevées au Congrès aboutisse à
un tarif minimum PATRONAL.
Dans ces questions de
tarif, les ouvriers ne doivent jamais se laisser distancer s’ils
veulent avoir des bases sérieuses de résistance contre
l’offensive patronale possible. La victoire sera toujours à
ceux qui seront prêts les premiers.
Henri Normand