La Presse Anarchiste

Sur la faillite de l’ordre bureaucratique, l’opposition et l’avenir de la Chine

Sino­logue, coau­teur de Révo. cul dans la Chine pop. (« Biblio­thèque asia­tique », UGE, 1018, Paris, 1974), cotra­duc­teur du Nou­veau Conte d’hi­ver et du Conte de prin­temps (Chris­tian Bour­gois édi­teur, Paris, 1982 et 1984) – deux romans de Yu Luo­jin – Guil­hem Fabre vient de publier : Genèse du pou­voir et de l’op­po­si­tion en Chine : le Prin­temps de Yan’an, 1942 (L’Har­mat­tan, Paris, 1990). L’en­tre­tien qu’il nous a accor­dé a été réa­li­sé à Paris, à la j7n de la pre­mière quin­zaine du mois de décembre 1990.

Nous aime­rions cen­trer cet entre­tien autour de deux points : nous sou­hai­te­rions, d’une part, reve­nir sur les évé­ne­ments de la place Tian’an­men, les évé­ne­ment qui se sont dérou­lés en juin 1989, et, d’autre part, évo­quer les pers­pec­tives qui se des­sinent à moyen comme à long terme pour la Chine. Mais, aupa­ra­vant, pour­rais-tu nous rap­pe­ler en quelques mots les ori­gines socio-éco­no­miques du mou­ve­ment de Tian’an­men, et nous entre­te­nir notam­ment de cette fameuse « spé­cu­la­tion man­da­ri­nale » que dénon­çaient les mani­fes­tants alors ?

Si l’oc­cu­pa­tion de Tian’an­men a consti­tué le prin­ci­pal défi du mou­ve­ment, il ne faut pas oublier son carac­tère natio­nal et spon­ta­né. Dès la fin avril 89, il y a eu des émeutes à Xi’an et à Chang­sha, et le 4 mai, des mani­fes­ta­tions se sont dérou­lées dans la plu­part des grandes villes. On a assis­té à une conjonc­tion de la contes­ta­tion étu­diante et du mécon­ten­te­ment ouvrier. Le pou­voir s’at­ten­dait à une explo­sion sociale puis­qu’il avait dépê­ché à l’au­tomne 88 en Europe de l’Est le res­pon­sable de la Sécu­ri­té, Qiao Shi, afin de s’i­ni­tier aux tech­niques anti-émeutes. En effet, cette année-là, le pays est tra­ver­sé par une vague d’in­fla­tion qui s’ac­cé­lère brus­que­ment à par­tir de l’é­té à l’an­nonce de la libé­ra­li­sa­tion de cer­tains prix. Le taux annuel d’in­fla­tion est alors proche de 50% dans les grandes villes, mais les salaires ne sont pas indexés sur ces hausses. Les béné­fices de plu­sieurs années de réformes se trouvent mena­cés et le niveau de l’en­semble de la popu­la­tion, urbaine et rurale, régresse.

Plus grave encore, le déra­page des prix s’ac­com­pagne d’une cor­rup­tion géné­ra­li­sée de l’ap­pa­reil d’É­tat. L’in­fla­tion et la cor­rup­tion sont en fait les deux facettes d’un même phé­no­mène, comme je l’a­vais écrit dans un article quelques mois avant le sou­lè­ve­ment paci­fique de 89 [« L’É­co­no­mie chi­noise en proie au mal d’in­fla­tion », Le Monde diplo­ma­tique, Paris, mai 1989]. Pour sché­ma­ti­ser, les réformes de Deng Xiao­ping ont éten­du consi­dé­ra­ble­ment la sphère du mar­ché dans l’é­co­no­mie. La socié­té a retrou­vé une part de ses pré­ro­ga­tives qui avaient été para­ly­sées dans le sys­tème admi­nis­tré, c’est ce qui explique le dyna­misme éco­no­mique du pays dans les années 80. Mais ce nou­veau dyna­misme reste cana­li­sé par l’ap­pa­reil qui main­tient son contrôle sur les cir­cuits d’al­lo­ca­tion des res­sources et de dis­tri­bu­tion. Dans ce sys­tème hybride ou coexistent des prix pla­ni­fiés rela­ti­ve­ment bas et des prix de mar­ché très éle­vés, la Nomenk­la­tu­ra uti­lise son pou­voir de déci­sion en matière d’in­ves­tis­se­ments ou de com­merce pour cap­ter à son pro­fit les plus-values qui sont déga­gées : rien de plus facile en effet que d’é­cou­ler au prix du mar­ché une tonne de char­bon qui a été acquise au prix du plan, ou d’in­ves­tir dans un hôtel de luxe inter­na­tio­nal au pro­fit assu­ré, plu­tôt que dans une cen­trale élec­trique qui per­met­tra de remé­dier aux cou­pures de cou­rant mais qui ne rap­por­te­ra rien à l’in­ves­tis­seur. À ce petit jeu, les pro­duc­teurs sont per­dants parce que les aug­men­ta­tions de prix ne se tra­duisent pas par une hausse de leurs pro­fits et de leurs reve­nus, les consom­ma­teurs sont per­dants parce que l’aug­men­ta­tion des coûts de pro­duc­tion est réper­cu­tée sur eux, en aval, et les grands gagnants sont les déci­deurs et les inter­mé­diaires de l’appareil.

L’é­mer­gence de ce nou­veau mar­ché bureau­cra­tique, mar­qué par l’in­fla­tion et la cor­rup­tion, est aux ori­gines du sou­lè­ve­ment paci­fique de 89. On est d’ailleurs frap­pé par la res­sem­blance entre la dyna­mique chi­noise d’in­fla­tion spé­cu­la­tive et celle qui existe à l’heure actuelle en URSS. Ces deux crises trouvent leurs sources dans des phé­no­mènes de com­mer­cia­li­sa­tion du pou­voir qui ont ali­men­té un fort mécon­ten­te­ment populaire.

Il y avait aus­si des rai­sons plus morales à cette condam­na­tion de la « spé­cu­la­tion mandarinale»…

Tout dépend de ce que tu veux dire par « rai­sons morales ». S’il s’a­git de la pour­suite d’un idéal confu­céen de fru­ga­li­té publique qui serait trans­gres­sé par les maîtres de l’heure, je pense que ce n’est pas le cas. S’il s’a­git de la colère ou l’in­di­gna­tion devant l’hy­po­cri­sie d’un pou­voir à la fois plou­to­crate et don­neur de leçons idéo­lo­giques dans la bonne veine mar­xiste-léni­niste, je crois que ça l’est cer­tai­ne­ment. Et je suis même per­sua­dé que le mas­sacre de Tian’an­men a trans­for­mé cette colère, expri­mée paci­fi­que­ment, en une haine tenace. Ce qu’il advien­dra de cette haine, nul ne le sait, mais il lui fau­dra cer­tai­ne­ment un exu­toire, sous forme de pro­cès public des res­pon­sables du mas­sacre, de nou­velle explo­sion sociale ou sous toute autre forme.

Venons-en main­te­nant à la por­tée his­to­rique des évé­ne­ments de Tian’an­men. Com­ment situer le mou­ve­ment du prin­temps 1989 par rap­port aux autres mou­ve­ments de contes­ta­tion qui l’ont pré­cé­dé, et, en par­ti­cu­lier, le pre­mier « Prin­temps de Pékin»»? Tian’an­men est-il l’hé­ri­tier du mou­ve­ment du « Mur de Xidan » ? Pré­sente-t-il quelque chose de nouveau ?

La por­tée his­to­rique des évé­ne­ments de Tian’an­men est évi­dem­ment consi­dé­rable. Il s’a­git du plus impor­tant mou­ve­ment de masse spon­ta­né depuis 1949 et son issue san­glante ren­voie aux mas­sacres per­pé­trés par les Japo­nais à Nan­kin en 1937 – 38. Les com­mu­nistes n’en sont pas bien sûr à leur pre­mier mas­sacre, tout comme avant 1949 le Guo­min­dang ou les Sei­gneurs de la guerre. Avant 1949, on avait ten­dance à mas­sa­crer les com­mu­nistes. Après 1949, les com­mu­nistes ont mas­sa­cré des mil­lions de pro­prié­taires fon­ciers, puis des gardes rouges ou des ouvriers rebelles par dizaines de mil­liers. D’un point de vue humain, cela est hor­rible : fal­lait-il, par exemple, enter­rer vivants en 49 des pro­prié­taires fon­ciers en Mand­chou­rie, dont les terres étaient déjà redis­tri­buées ? Les auto­ri­tés com­mu­nistes, res­pon­sables de ces agis­se­ments, ont conclu à une réponse néga­tive en attri­buant après coup ces pra­tiques à des « excès gau­chistes » — non sans avoir préa­la­ble­ment condam­né à la réforme par le tra­vail un écri­vain comme Xiao Jun, qui les avait dénon­cées. Mais si l’on se replace dans une pers­pec­tive his­to­rique — l’his­toire n’est pas sou­vent morale —, en se livrant à une com­pa­rai­son un peu mor­bide entre le mas­sacre de Pékin et ceux qui l’ont pré­cé­dé, les moti­va­tions et l’im­pact de ces actes appa­raissent tout à fait dif­fé­rents. Dans le cas de la réforme agraire, le recours à la force brute s’exerce dans le contexte de for­ma­tion d’un nou­vel ordre, il exprime la déter­mi­na­tion des auto­ri­tés de ne pas reve­nir en arrière ; dans le cas de la « Révo­lu­tion cultu­relle », il s’a­git le plus sou­vent d’i­ni­tia­tives meur­trières des appa­reils poli­ti­co-mili­taires locaux en butte à la contes­ta­tion orga­ni­sée des ultra-gau­chistes ; dans le cas de Tian’an­men, il s’a­git de la réac­tion d’un pou­voir qui se sent mena­cé dans son cœur même par un mou­ve­ment d’une ampleur sans pré­cé­dent. À preuve l’i­nef­fi­ca­ci­té de la loi mar­tiale ins­tau­rée le 20 mai 1989, les flot­te­ments dans la police et dans l’ar­mée. En refu­sant de négo­cier, en envoyant ses chars, ce pou­voir a épui­sé ses der­nières réserves de légi­ti­mi­té, il ne peut plus sur­vivre qu’en fai­sant la guerre à la société.

Il existe bien enten­du une filia­tion entre le « Prin­temps de Pékin » de 1978 – 79 et Tian’an­men. Le « Prin­temps de Pékin », au moins dans sa frange la plus radi­cale repré­sen­tée par Wei Jing­sheng, avait posé le lien entre la moder­ni­sa­tion et la démo­cra­tie. Ces idées sem­blaient alors ico­no­clastes, au sor­tir de trente ans de maoïsme, de repli du pays et de cam­pagnes idéo­lo­giques inces­santes. Elles étaient sou­te­nues par une frange de la jeu­nesse urbaine et par cer­tains exclus sociaux. La pra­tique des réformes dans les années 80, leur détour­ne­ment pro­gres­sif au pro­fit de l’ap­pa­reil du Par­ti-État, ont conduit une bonne part de la socié­té urbaine à les reprendre à leur compte. La nou­veau­té du mou­ve­ment de 89, c’est donc son ampleur, ses méthodes non vio­lentes — ce qui est loin d’être évident à cette échelle — mais aus­si son issue san­glante, sans doute lourde de conséquences.

À consi­dé­rer tous les mou­ve­ments d’op­po­si­tion en Chine — mou­ve­ments spo­ra­diques, faut-il le sou­li­gner ? —, peut-on déce­ler une avan­cée ? Sont-ce des mou­ve­ments iso­lés ou bien existe-t-il, entre eux, un fil rouge, une exi­gence qui se recon­dui­rait de mou­ve­ment en mou­ve­ment ? En d’autres termes les explo­sions sociales ont-elles été des mou­ve­ments iso­lés ou les phases d’un mou­ve­ment général ?

On peut déce­ler une avan­cée, une sorte de fil conduc­teur entre les mou­ve­ments d’op­po­si­tion en Chine, qui repo­se­raient sur une aspi­ra­tion dif­fuse à la démo­cra­tie, depuis les « Cent fleurs » de 1957 jus­qu’à Tian’an­men, en pas­sant par l’au­to­no­mi­sa­tion de cer­tains groupes de gardes rouges en 1967 – 68 et le « Prin­temps de Pékin » de 1978 – 79. La récur­rence des thèmes de contes­ta­tion ne signi­fie pas pour autant qu’ils se soient tra­duits par des per­cées poli­tiques ou ins­ti­tu­tion­nelles réelles. Ain­si, un mou­ve­ment comme celui du 4 mai 1919, por­té par des aspi­ra­tions à l’in­dé­pen­dance natio­nale, à la démo­cra­tie et à la science a fina­le­ment accou­ché du Par­ti com­mu­niste, qui n’a réa­li­sé que le pre­mier point du pro­gramme. Il faut donc se gar­der d’un déter­mi­nisme démo­cra­tique qui serait à l’œuvre tout au long de l’his­toire de ce siècle. Néan­moins, le fait même que le PCC ait dû reprendre à son compte, au moins for­mel­le­ment, les idées démo­cra­tiques, sou­te­nues par Mao en 1940 dans sa plate-forme poli­tique La Nou­velle Démo­cra­tie, prouve que ces aspi­ra­tions existent, et que le pou­voir, quel qu’il soit, doit en tenir compte.

Plus pro­fon­dé­ment, on peut s’in­ter­ro­ger sur la rela­tion qui existe entre moder­ni­sa­tion et démo­cra­tie. L’ex­pé­rience tota­li­taire, puis auto­ri­taire, de ces qua­rante der­nières années, ne s’est pas tra­duite par une per­cée éco­no­mique de la Chine. Les pro­grès qui ont été réa­li­sés ont eu un coût humain et un coût éco­no­mique — en terme d’in­ves­tis­se­ment — consi­dé­rables. La plu­part des intel­lec­tuels et des savants chi­nois sou­lignent aujourd’­hui à l’en­vi les obs­tacles sys­té­miques à la moder­ni­sa­tion, l’exis­tence d’une bureau­cra­tie aus­si auto­ri­taire et plé­tho­rique qu’in­com­pé­tente, blo­quant ou détour­nant à son pro­fit l’i­ni­tia­tive sociale. Cer­tains experts ont sou­te­nu de leur côté l’i­dée d’une moder­ni­sa­tion auto­ri­taire, gui­dée par un État fort, comme dans l’Al­le­magne du xixe siècle, le Japon d’a­vant la guerre du Paci­fique ou les nou­veaux pays indus­tria­li­sés d’Ex­trême-Orient. Il me semble que ce « néo-auto­ri­ta­risme », comme il s’in­ti­tule, n’est qu’une fuite en avant, une manière de cau­tion­ner la recon­ver­sion d’un appa­reil plé­tho­rique dans le cadre d’un pseu­do-mar­ché, comme l’ex­pé­rience de ces dix der­nières années nous l’a montré.

Peut-on situer Tian’an­men dans une dyna­mique his­to­rique plus longue ? Tu viens de publier un livre sur la période de Yan’an où tu montres que Yan’an marque la fon­da­tion sym­bo­lique du sys­tème en tant qu’en­semble de valeurs régis­sant la vie sociale. Com­ment s’ins­crit Tian’an­men dans cette pers­pec­tive ? Est-on fon­dé à voir dans Tian’an­men une des­truc­tion sym­bo­lique de ce sys­tème ? Et si oui, est-ce que cette des­truc­tion sym­bo­lique est en même temps por­teuse d’un nou­vel ordre, et de quel ordre ?

Dans le livre que j’ai consa­cré à la période de Yan’an, Genèse du pou­voir et de l’op­po­si­tion en Chine, j’ai ana­ly­sé le mou­ve­ment de rec­ti­fi­ca­tion de 1942 qui consti­tue le pro­to­type des cam­pagnes ulté­rieures du par­ti. À l’é­poque, il s’a­gis­sait pour Mao et les siens de mettre au pas la dis­si­dence intel­lec­tuelle, de s’ad­ju­ger le mou­ve­ment d’une époque au nom des impé­ra­tifs de défense natio­nale et d’une idéo­lo­gie cultu­relle sta­li­nienne. Ce qui s’est pas­sé alors dans le labo­ra­toire des bases rouges n’a été que la pre­mière d’un théâtre de la répé­ti­tion. Le pou­voir a réus­si à uni­fier la socié­té de Yan’an, puis plus tard l’en­semble du pays autour des valeurs de dis­ci­pline et d’ab­né­ga­tion qu’il défen­dait, avec comme clé de voûte l’in­dé­pen­dance natio­nale, mais il a été par la suite vic­time de ses suc­cès. Ses capa­ci­tés de contrôle et de mobi­li­sa­tion idéo­lo­gique ont bri­sé peu à peu l’i­ni­tia­tive sociale et retar­dé la moder­ni­sa­tion du pays. Les réformes de Deng Xiao­ping visaient pré­ci­sé­ment à résoudre cette contra­dic­tion à l’aube des années 80, mais elles ont favo­ri­sé la réémer­gence d’une socié­té civile mul­ti­forme qui s’ac­com­mo­dait de moins en moins des lita­nies idéo­lo­giques, des pri­vi­lèges et de l’au­to­ri­ta­risme de l’ap­pa­reil. Tian’an­men a été la tra­duc­tion poli­tique de cette nou­velle contra­dic­tion, et son issue san­glante a révé­lé dans toute son ampleur la crise de l’État.

Vu sous cet angle, le mou­ve­ment de 89 consti­tue l’acte de nais­sance poli­tique d’une socié­té civile qui se cherche, il marque la construc­tion sym­bo­lique d’un nou­vel ordre autour de valeurs démo­cra­tiques. La des­truc­tion sym­bo­lique de l’ordre ancien a été plus l’œuvre du pou­voir que du mou­ve­ment. Après tout, il avait la pos­si­bi­li­té de négo­cier — c’é­tait l’op­tion choi­sie par Zhao Ziyang — mais en envoyant ses chars, il s’est auto-liqui­dé sym­bo­li­que­ment. Ses moyens de per­sua­sion idéo­lo­gique, sa légi­ti­mi­té, se sont éva­nouis. Il ne reste plus que la force brute, le sabre sans le goupillon.

On sait de quelle manière les auto­ri­tés chi­noises ont réso­lu le pro­blème de Tian’an­men dans les semaines qui ont sui­vi les mas­sacres de Pékin : arres­ta­tions, exé­cu­tions, etc. Qu’en est-il main­te­nant de la répression ?

Dans les semaines qui ont sui­vi Tian’an­men, on a sur­tout exé­cu­té des ouvriers et des jeunes chô­meurs, qua­li­fiés très sérieu­se­ment de « hoo­li­gans » parce qu’ils s’é­taient oppo­sés aux assauts meur­triers de la sol­da­tesque. Ces exé­cu­tions sont res­tées secrètes la plu­part du temps. Alors que le pou­voir chi­nois annon­çait à grands ren­forts de médias inter­na­tio­naux quatre condam­na­tions à mort à Pékin, le Ming­bao de Hong Kong, indé­pen­dant du PCC comme de Taï­wan, esti­mait à par­tir d’une source confi­den­tielle, c’est-à-dire proche des res­pon­sables chi­nois, que plus de 400 émeu­tiers avaient été pas­sé par les armes. Des rafles et des arres­ta­tions se sont dérou­lées dans tout le pays, sui­vies de lourdes peines de pri­son, qui vont jus­qu’à quinze ans. Ces condam­na­tions se pour­suivent à l’heure actuelle, nous en avons des exemples pré­cis, comme à Wuhan où plu­sieurs étu­diants ont pris quatre ans.

À par­tir de l’é­té 89, on a lan­cé une nou­velle cam­pagne contre la délin­quance qu’on a croi­sé avec les troubles du prin­temps, ce qui a per­mis d’é­lar­gir la répres­sion. Nous igno­rons le nombre exact de per­sonnes arrê­tées et condam­nées mais nous avons des listes de noms publiés, plu­sieurs mil­liers d’é­tu­diants, d’in­tel­lec­tuels, d’ou­vriers. Ce qui est cer­tain, c’est que les pri­sons sont pleines et qu’on a impro­vi­sé pen­dant l’é­té 89 de nou­veaux centres de déten­tion. Plu­sieurs cen­taines d’é­tu­diants et d’in­tel­lec­tuels ont été libé­rés récem­ment, c’est la preuve d’un cer­tain assou­plis­se­ment, mais il ne faut pas oublier que cette mesure a sans doute été liée aux pres­sions occi­den­tales et qu’elle ne concerne qu’une infime mino­ri­té des per­sonnes arrêtées.

À part cela, la conduite des sala­riés a été sou­mise au peigne fin, dans le cadre de leurs uni­tés de tra­vail. Les séances d’au­to-cri­tique ont été par­ti­cu­liè­re­ment soi­gnées au sein des organes supé­rieurs de l’É­tat cen­tral pour dépis­ter les fonc­tion­naires ou les offi­ciels qui avaient fait preuve de com­plai­sance à l’é­gard du mou­ve­ment. Tout ceci ren­voie la popu­la­tion loin, très loin en arrière et l’on ima­gine faci­le­ment son res­sen­ti­ment, qui s’ex­prime d’ailleurs ouver­te­ment, comme à Pékin, fait nou­veau quand on connaît la réserve et la patience des Chinois.

Et la résis­tance popu­laire ? En Chine même, bien sûr, mais aus­si à l’é­tran­ger. Où en sont les grou­pe­ments démo­cra­tiques en exil ?

Dans les semaines et les mois qui ont sui­vi le mas­sacre, des réseaux se sont orga­ni­sés pour faci­li­ter la fuite hors de Chine des acti­vistes recher­chés. De manière géné­rale, les per­sonnes recher­chées pour leur par­ti­ci­pa­tion au mou­ve­ment ont béné­fi­cié de l’ap­pui de la popu­la­tion, en ville comme à la cam­pagne. Cepen­dant, c’est la résis­tance pas­sive qui domine, qu’il s’a­gisse de rythmes de tra­vail plus lents, d’un allon­ge­ment sys­té­ma­tique des siestes quo­ti­diennes, ou, ce qui est plus dan­ge­reux pour le pou­voir cen­tral à court terme, d’une résis­tance affi­chée des auto­ri­tés pro­vin­ciales et locales aux ordres de Pékin, notam­ment à la poli­tique de recen­tra­li­sa­tion éco­no­mique. Ce phé­no­mène est par­ti­cu­liè­re­ment sen­sible dans les régions côtières du Sud, au Guang­dong et au Fujian, où les offi­ciels ne se montrent pas très tendres à l’é­gard de la direc­tion péki­noise. Le pou­voir cen­tral appa­raît donc non seule­ment iso­lé par rap­port à la socié­té, mais aus­si par rap­port à une frac­tion non négli­geable de l’ap­pa­reil, y com­pris de l’ap­pa­reil mili­taire, la moyenne hié­rar­chie de l’ar­mée étant peu sûre selon les propres ana­lyses de Yang Shang­kun, un des arti­sans de la répres­sion, actuel­le­ment pré­sident de la République.

À l’ex­té­rieur de Chine, le fait nou­veau est l’or­ga­ni­sa­tion de groupes d’op­po­si­tion en exil dont le plus impor­tant est la Fédé­ra­tion pour la démo­cra­tie diri­gée par des intel­lec­tuels de renom. L’an­née pas­sée, la Fédé­ra­tion a pri­vi­lé­gié des actions d’é­clat à des­ti­na­tion de la Chine, comme l’o­pé­ra­tion « Faxer pour le liber­té », qui a été une réus­site. Le pro­jet de radio-pirate à bord du bateau « Déesse de la Démo­cra­tie » a, par contre, été un échec, parce qu’il dépen­dait de trac­ta­tions avec Taï­wan, qui a reti­ré son aval à la suite de pres­sions de Pékin. À mon sens, cette opé­ra­tion a été menée de façon un peu trop média­tique, à grand ren­fort de publi­ci­té, ce qui a nui à l’ef­fet de sur­prise qui aurait pu pié­ger Pékin. Cette expé­rience mal­heu­reuse a aus­si sou­li­gné a contra­rio la néces­si­té d’une oppo­si­tion indé­pen­dante de tous les pou­voirs exis­tants. L’op­po­si­tion en exil béné­fi­cie d’un sou­tien non négli­geable de la dia­spo­ra chi­noise, sur­tout à Hong Kong et aux États-Unis, mais ses pos­si­bi­li­tés d’ac­tion en Chine même res­tent tri­bu­taires de l’é­vo­lu­tion inté­rieure du pays. Il ne faut donc pas exa­gé­rer son rôle et la trans­for­mer en une sorte de « gou­ver­ne­ment en exil. comme cer­tains lea­ders du mou­ve­ment ont été ten­tés de le faire, une fois par­ve­nus en Occident.

Si l’on garde à l’es­prit ces réserves, l’exis­tence d’une oppo­si­tion orga­ni­sée hors de Chine consti­tue un atout impor­tant pour l’a­ve­nir du pays. En effet, c’est la pre­mière fois depuis 1949 qu’un débat réel s’ins­taure sur des alter­na­tives au régime com­mu­niste, dans le domaine poli­tique, éco­no­mique, social, cultu­rel, et que ce débat est mené par les inté­res­sés, et non uni­que­ment par la dia­spo­ra. Dans l’an­née qui a sui­vi Tian’an­men, ce débat a été cen­tré sur un bilan cri­tique du mou­ve­ment de 89 et sur une ana­lyse des déve­lop­pe­ments en URSS et en Europe de l’Est, qui consti­tuent un point de réfé­rence essen­tiel par rap­port à la situa­tion chi­noise. L’op­po­si­tion a réité­ré son recours à la non-vio­lence, ce qui semble posi­tif compte tenu du lourd pas­sif de la guerre civile.

Mais, à mon sens, le débat méri­te­rait d’être appro­fon­di. L’ins­tau­ra­tion d’un régime fédé­ra­liste, d’une démo­cra­tie par­le­men­taire, le déve­lop­pe­ment d’une éco­no­mie de mar­ché ne consti­tuent pas des pana­cées pour un pays-conti­nent de plus d’un mil­liard d’ha­bi­tants. L’ex­pé­rience indienne nous le démontre depuis plus de qua­rante ans, sans par­ler de ce qui se passe à l’heure actuelle en URSS et en Europe de l’Est. Je crois qu’il fau­drait élar­gir le débat sur des stra­té­gies alter­na­tives qui intègrent plei­ne­ment l’i­ni­tia­tive sociale dans tous les domaines et qui tiennent compte des spé­ci­fi­ci­tés chi­noises. Si l’on se contente de pla­quer le modèle du mar­ché inter­na­tio­nal sur la Chine, les riches devien­dront plus riches, les pauvres plus pauvres, comme on le voit par­tout ailleurs, et la misère morale, l’ab­sence de sens d’un monde réduit et régen­té par l’é­co­no­mie, sera le lot le plus commun.

Tu évo­quais tout à l’heure les pres­sions occi­den­tales. Pour­rais-tu aus­si nous dire quelques mots sur l’in­ci­dence des sanc­tions décré­tées par les États occi­den­taux après Juin 1989 ? La Com­mu­nau­té Euro­péenne a levé les sanc­tions éco­no­miques, notam­ment en rai­son de la « bonne conduite » de celle-ci dans la crise du Golfe. Mais les cou­rants d’af­faires avaient-ils effec­ti­ve­ment ces­sé ? Selon les sta­tis­tiques chi­noises, en 1990 le mon­tant cumu­lé des inves­tis­se­ments étran­gers accu­sait un retard de quelque 22% par rap­port à l’an précédent…

Les sanc­tions occi­den­tales ne concer­naient pas les flux com­mer­ciaux qui consti­tuent l’es­sen­tiel des rap­ports de la Chine avec l’é­tran­ger. Elles se sont cen­trées sur les prêts bila­té­raux ou mul­ti­la­té­raux, du type Banque Mon­diale, dont la Chine n’a­vait pas un besoin urgent dans le cadre de sa poli­tique défla­tion­niste mar­quée par des coupes dras­tiques d’in­ves­tis­se­ments en 89. Le besoin de prêts étran­gers s’est fait sur­tout sen­tir en 90, une fois l’in­fla­tion contrô­lée. Et la crise du Golfe a été une belle aubaine pour la Chine, elle a ouvert la voie à de nou­velles trac­ta­tions qui ont rom­pu l’i­so­le­ment diplo­ma­tique du pays, moyen­nant cer­taines conces­sions, qu’il s’a­gisse de la levée très for­melle de la loi mar­tiale à Pékin, de la libé­ra­tion de cer­tains oppo­sants ou de l’ab­sence de veto chi­nois aux réso­lu­tions de l’ONU.

Les inves­tis­se­ments étran­gers directs sont bien infé­rieurs aux prêts étran­gers, leur mon­tant cumu­lé est de 15 mil­liards de dol­lars, contre 45 mil­liards de dol­lars pour la dette exté­rieure chi­noise. Ces inves­tis­se­ments dépendent beau­coup moins de l’at­ti­tude des gou­ver­ne­ments que de celle des hommes d’af­faires qui sont par-des­sus tout sen­sibles aux « risques poli­tiques » liés à leurs pla­ce­ments. Les flux d’in­ves­tis­se­ments ont donc eu ten­dance à se réduire en 89 – 90, excep­té pour les hommes d’af­faires de Taï­wan qui ont pro­fi­té de l’i­so­le­ment diplo­ma­tique de la Chine pour réa­li­ser une per­cée éco­no­mique de l’autre côté du détroit, dans la pro­vince du Fujian, à des condi­tions très avan­ta­geuses. Dans le contexte actuel, mar­qué par des incer­ti­tudes poli­tiques de taille, il ne faut pas s’at­tendre à une reprise mas­sive des inves­tis­se­ments inter­na­tio­naux en Chine, d’au­tant que la concur­rence se fait vive avec l’Eu­rope de l’Est. C’est plu­tôt l’at­ten­tisme qui domine, un atten­tisme qui ne com­pro­met pas le déve­lop­pe­ment des prêts ou des flux commerciaux.

Les pre­miers pro­cès d’op­po­sants ont été annon­cés. Que peux-tu nous en dire ?

La déci­sion de tra­duire en jus­tice cer­taines figures de proue du mou­ve­ment de 89, comme Wang Jun­tao, Chen Zimin, Liu Xiao­bo, Wang Dan, etc., semble avoir été prise, puis repous­sée, à l’au­tomne 1989. À l’é­poque, on vou­lait aus­si impli­quer dans ce pro­cès des vété­rans du par­ti comme l’é­cri­vain Wang Ruo­wang, qui a été heu­reu­se­ment libé­ré depuis. Le fait même que ce pro­cès ait été repous­sé et qu’il soit tou­jours offi­ciel­le­ment dans sa phase d’ins­truc­tion, au moins pour cer­tains accu­sés, montre qu’il ne fait pas l’u­na­ni­mi­té au sein du pou­voir chi­nois. La gros­siè­re­té de cette mise en scène, fice­lée par une bande de mas­sa­creurs qui veulent rega­gner la face, n’é­chap­pe­ra pas à l’opinion.

L’a­ve­nir proche de la Chine. Les Chi­nois attendent main­te­nant la mort des gérontes qui les gou­vernent. On raconte que les choses seront dif­fé­rentes selon que Deng Xiao­ping ira rejoindre Mao avant Chen Yun ou pas. Quel est ton avis sur ce point, et quels scé­na­rios de tran­si­tion peut-on, selon toi, logi­que­ment envisager ?

L’a­ve­nir proche de la Chine est tout aus­si impré­vi­sible qu’a pu l’être son pas­sé proche, mar­qué par la pas­sion et le déchaî­ne­ment de vio­lence meur­trière. Bien enten­du, les Chi­nois attendent la mort de Deng Xiao­ping, comme ils ont long­temps atten­du celle de Mao. Mais nul ne peut tabler sur ces échéances : après tout, Pétain a pris le pou­voir en France en 1940, à l’âge de 85 ans ! Si Deng Xiao­ping meurt avant Chen Yun, l’é­qui­libre de ce pou­voir mori­bond sera encore plus instable, dans la mesure où Chen Yun ne dis­pose pas d’un contrôle direct sur les diri­geants de l’ar­mée qui sont sous la hou­lette de Yang Shang­kun. La crise de suc­ces­sion sera ouverte, avec tous les scé­na­rios pos­sibles, des réac­tions popu­laires impré­vi­sibles. La mort de Chen Yun avant celle de Deng Xiao­ping n’au­rait pas les mêmes inci­dences, dans la mesure où ses hommes orientent déjà la poli­tique éco­no­mique et qu’il gou­verne lar­ge­ment par procuration.

Au niveau cen­tral, l’ap­pa­reil est déjà divi­sé entre les par­ti­sans de Zhao Ziyang et ses adver­saires réso­lus, res­pon­sables du mas­sacre. Entre ces deux extrêmes, un marais qui se posi­tion­ne­ra en fonc­tion de l’é­qui­libre des forces poli­tiques, et peut-être mili­taires, si les colo­nels de l’ar­mée veulent se faire entendre. Il faut aus­si tenir compte du puis­sant « par­ti des princes », de ces fils de la vieille garde à la tête des banques et des grandes socié­tés de com­merce, qui sou­haitent moder­ni­ser la Chine de façon auto­ri­taire, en déve­lop­pant une sorte de capi­ta­lisme bureau­cra­tique assez proche de l’exemple taï­wa­nais après 49. Il n’est pas exclu qu’une alliance se des­sine entre ces fils de géronte, des par­ti­sans de Zhao Ziyang et cer­taines uni­tés de l’ar­mée pour arrê­ter Li Peng et sa bande et les tra­duire en jus­tice. Celui-ci a d’ailleurs le phy­sique idéal de l’ac­cu­sé, et cela per­met­trait de mettre sur le dos de cette marion­nette, qui n’a guère qu’un talent d’exé­cu­tant, la res­pon­sa­bi­li­té du mas­sacre. Tous ces scé­na­rios dépendent bien enten­du des réac­tions popu­laires qui déter­mi­ne­ront le rap­port de force poli­tique. Il se peut qu’une très forte pres­sion s’exerce en faveur de la réha­bi­li­ta­tion des évé­ne­ments de Tian’an­men, ce qui cor­res­pon­drait d’ailleurs aux inté­rêts d’un nou­veau pou­voir dési­reux de réas­seoir sa légitimité.

Mais tout dépen­dra aus­si des déve­lop­pe­ments au niveau local, qui sont déci­sifs. La décen­tra­li­sa­tion effec­tuée sous Deng Xiao­ping a confé­ré aux régions des nou­veaux pou­voirs éco­no­miques. Celles-ci sont d’ores et déjà en mesure de négo­cier les direc­tives et même les orien­ta­tions éco­no­miques du gou­ver­ne­ment cen­tral parce qu’elles contrôlent direc­te­ment le sys­tème fis­cal et que la situa­tion des caisses de l’É­tat dépend de leur bon vou­loir. Ce rap­port de force éco­no­mique peut s’af­fir­mer dans le domaine poli­tique à l’oc­ca­sion d’une crise de suc­ces­sion. Il est clair, par exemple, que les diri­geants de la pro­vince du Guang­dong, la pre­mière région expor­ta­trice de Chine, qui regroupe à elle seule 60% des inves­tis­se­ments étran­gers, résistent aux options poli­tiques et éco­no­miques déci­dées après Tian’an­men. La Chine étant loin d’être un ensemble uni­forme, les enjeux de la rela­tion entre le Centre et les pro­vinces seront déci­sifs dans un contexte de suc­ces­sion. En l’ab­sence de nou­velles règles du jeu poli­tique, fédé­ra­listes ou autres, ces ten­dances cen­tri­fuges, atti­sées par la concur­rence inégale entre la côte et l’in­té­rieur, le Nord et le Sud, peuvent conduire à un nou­vel écla­te­ment du pays. Les émeutes indé­pen­dan­tistes du Xin­jiang cette année, celles du Tibet l’an der­nier, ont sou­li­gné que ce risque était réel.

Voi­là pour les élé­ments qui pèsent à mon avis sur la suc­ces­sion. Quant à construire des scé­na­rios sur la base de cet ensemble, c’est pour moi un exer­cice peut-être ras­su­rant mais cer­tai­ne­ment déri­soire. Je me méfie comme de la peste de ces visions de l’es­prit qui entendent domes­ti­quer l’im­pré­vi­sible, nier le hasard et avec lui le mou­ve­ment de la vie.

Les ten­dances longues, pour finir. Compte tenu des pro­blèmes qui se posent à elle — pro­blèmes éco­no­miques, démo­gra­phiques, éco­lo­giques, etc. —, compte tenu, aus­si, des pers­pec­tives qu’offrent pour le conti­nent un rap­pro­che­ment avec Taï­wan, où va la Chine à long terme ?

Les ten­dances lourdes, qu’il s’a­gisse de la pres­sion démo­gra­phique, de ses consé­quences éco­lo­giques désas­treuses (recru­des­cence des inon­da­tions et des séche­resses), des dis­pa­ri­tés régio­nales et des inéga­li­tés sociales, n’in­vitent pas à l’op­ti­misme. Il y a un côté sur­hu­main dans la confluence de ces pro­blèmes et il fau­dra toute l’in­gé­nio­si­té chi­noise pour les résoudre ou du moins les allé­ger dans le temps. Mais si l’on se replace dans une pers­pec­tive his­to­rique, les atouts ne manquent pas par rap­port à d’autres périodes, beau­coup plus tra­giques. La Chine n’est plus sous la hou­lette des Sei­gneurs de la guerre ou tri­bu­taires des manœuvres japo­naises ou occi­den­tales. Elle a retrou­vé son indé­pen­dance et dépas­sé l’in­fla­tion idéo­lo­gique de la période maoïste pour renouer avec un prag­ma­tisme qui s’est avé­ré payant ces dix der­nières années, au moins sur le plan éco­no­mique. Le rap­pro­che­ment avec Taï­wan ouvre par ailleurs de nou­velles pers­pec­tives pour le déve­lop­pe­ment du pays, parce qu’il existe une indé­niable com­plé­men­ta­ri­té entre les deux sys­tèmes éco­no­miques. Taï­wan pos­sède les deuxièmes réserves de devises du monde (75 mil­liards de dol­lars) mais manque de ter­rain et de tra­vailleurs non qua­li­fiés, ce que la Chine peut lui offrir. L’im­mense majo­ri­té des Taï­wa­nais ne veulent pas entendre par­ler de réuni­fi­ca­tion poli­tique avec le régime actuel de Pékin, ce qu’on com­prend fort bien. Mais, comme on l’a vu, la situa­tion peut évo­luer en Chine même. Elle nous réser­ve­ra en tout cas bien des surprises…


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